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Faire de Marseille la « Capitale du Nous »

Par Tarik Ghezali et Nathalie Gatellier, le 15 janvier 2022

co-animateurs de “Marseille Fraternelle”

"Reliés" de Lionel Borla pour l'Expo des Possibles de la biennale Manifesta.
Dans une ville clivée et fragmentée, Tarik Ghezali et Nathalie Gatellier, engagés depuis des années à Marseille, ont lancé en 2021 une dynamique informelle regroupant une centaine d’acteurs : « Marseille Fraternelle ». Une vingtaine d’actions sont en cours pour recréer du lien, de la rencontre, de la confiance, bref « fabriquer du Nous ». Ils accélèrent en 2022 et lancent un appel à toutes les forces vives pour s’engager dans ce sens… et faire de Marseille la « Capitale du Nous » en France !

 

Imaginez une ville… 

Où les particuliers qui ont des piscines les ouvrent à des jeunes de quartiers populaires, pour leur permettre d’apprendre à nager.

Où des enfants d’écoles de quartiers riches, pauvres ou bobos créent et partagent des activités culturelles, sportives, civiques.

Où des grands chefs parrainent et forment des femmes de quartiers populaires pour qu’elles deviennent cheffes à leur tour.

Où des jeunes actifs partagent une maison et leur quotidien avec des sans-abri ou des personnes en situation de handicap.

 

Imaginez une ville…

Où des familles accueillent chez elles des réfugiés et les accompagnent dans leur intégration.

Où des espaces vides (bâtiments, friches, terrains vagues) sont transformés en lieux de vie et de brassage social.

Où des médecins tutorent des jeunes étudiants des quartiers populaires pour qu’ils et elles réussissent leur concours de médecine.

 

Imaginez une ville…

Où des patrons mettent leurs bureaux vides et leurs pleines compétences à disposition de jeunes pousses qui démarrent.

Faire de Marseille la Capitale du Nous 2
Ce petit picto en vitrine signifie que le commerce rend des services à ceux qui vivent dans la rue @ Marcelle

Où des commerçants rendent des « petits services » aux sans-abris : charger son téléphone, faire des photocopies, boire un café, chauffer un plat, socialiser…

Où un restaurant propose une belle cuisine que chacun paie en fonction de ses moyens.

Où des Ehpad accueillent des espaces de coworking, des soirées et même des crèches.

Imaginez une ville où la puissance des liens et de la rencontre transforme et réenchante le quotidien de tous.

Cette ville s’appelle bien sûr Marseille !

Mais ces réalités, tangibles, sont encore minoritaires et pas à la hauteur des fractures de la ville.

De puissantes énergies fraternelles restent contraintes, refoulées, empêchées.

Libérons-les !

Faisons de Marseille la Capitale du Nous !

Comment ? En actionnant simultanément « la main », « le cœur » et « la tête ».

 

Agir par “la main”, qui fait :

Faisons grandir toutes ces belles initiatives existantes qui recréent du lien au quotidien et “fabriquent du Nous”. En leur apportant de la visibilité, du réseau, des financements, des énergies bénévoles.

À quand par exemple un grand rendez-vous mensuel régulier, à la manière de “La Voie est libre” (Corniche piétonne), où les marseillais se retrouveraient pour s’engager ensemble, chacun sur la cause qui l’inspire, via tous ces projets existants ?

Expérimentons aussi des solutions fraternelles nouvelles, pour résorber les fractures locales.

À quand par exemple une plateforme pour permettre à des familles des quartiers populaires de découvrir et profiter de la mer, en embarquant avec une famille ayant un bateau (et plus si affinités) ?

À quand des cuisinier(e)s en devenir aux manettes de restos les soirs de fermeture ?

Toutes les nouvelles et bonnes idées de projets sont les bienvenues !

 

Agir par “le cœur”, qui émeut et donc meut : 

Faire de Marseille la Capitale du Nous 1
Le Grand Bain parie sur le jumelage d’écoles aux réalités sociales bien différentes @Marcelle

Proposons des expériences inédites de rencontre avec l’altérité, pour éveiller la curiosité et l’intérêt.

Par exemple, des “dîners dans le Noir” avec des inconnus de mondes qui ne se croisent pas ou peu.

À quand aussi des “Vis ma Vie » sur une journée ou plus, entre des élus et des entrepreneurs et/ou des métiers dits de “première et seconde ligne” (soignants, éboueurs, livreurs…) ?

À quand du mobilier urbain créatif et convivial qui favorise la rencontre et l’échange ?

Fabriquons et/ou diffusons aussi de nouvelles narrations (audios, visuelles, écrites) qui, par l’émotion, peuvent créer le déclic auprès d’un grand public, comme par exemple la série de podcast initiée avec Radio RCF.

À quand aussi des épisodes de “Plus Belle la Vie” qui mettent en scène des opérateurs créateurs de lien (mentorat, habitats partagés….) ?

 

Agir par “la tête”, qui oriente :

Produisons des données objectives et crédibles sur la pertinence de “Fabriquer du Nous”…

Évaluons l’efficacité de solutions fraternelles et comparons-la aux solutions « classiques », par exemple les solutions d’habitats partagés et inclusifs avec des personnes vulnérables (personnes âgées dépendantes, personnes handicapées, personnes en difficulté sociale)

Danse avec ton handicap, comme tu es 5
À La Farlède, dans le Var, une école de danse mixe danseurs handicapés et valides @ Stéphane LASSERRE

Élaborons, avec la Ville de Marseille, l’État, les forces vives locales et pourquoi pas en lien avec le plan “Marseille en Grand”, un ensemble de mesures dessinant une « politique de fraternité » pour Marseille. Dans notre ville clivée, la plus grande audace c’est le lien !

Tout le monde peut y gagner. De nombreuses mesures peuvent en effet être imaginées et mises en œuvre, par exemple : développer de nouvelles mixités sociales à l’école, au bénéfice de tous (comme à Toulouse) ; généraliser l’apprentissage et la pratique de l’empathie à l’école (comme au Danemark) ; rendre nos aires de jeux inclusives (pour enfants handicapés, comme à Calgary, Canada) ; développer le logement social et solidaire diffus pour réduire la ghettoïsation sociale, etc.

Martin Luther King disait « nous sommes condamnés à vivre ensemble comme des frères ou à périr ensemble comme des imbéciles ». Cela résonne particulièrement à Marseille.

 

Pas de fatalité

Marseille clivée, fragmentée, « archipel », est une réalité, mais pas une fatalité.

Nous pouvons changer la donne, chacun peut jouer un rôle.

Il ne s’agit ainsi de jeter la pierre à personne mais bien de tendre la main à tout le monde.

Nous appelons ainsi chacune et chacun à s’engager, à faire sa part, même modeste, en faisant don d’un peu de son temps, de son argent, de sa maison, de ses compétences. “C’est peut-être un détail pour vous, mais pour lui, ça veut dire beaucoup” comme le chantait France Gall. Et en plus, vous verrez, ça fait du bien !

Les défis du “Nous” ne sont pas spécifiques à Marseille. Ils concernent la France entière et même de nombreux autres pays. Faisons de Marseille une ville à nouveau inspirante sur le sujet, une capitale du Nous qui puisse rayonner et influencer d’autres territoires et la Nation entière. ♦