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Quelle suite à la Convention citoyenne pour le climat de Grenoble ?

Par Philippe Lesaffre, le 6 décembre 2022

Journaliste

Les propositions sont en cours d'examen par les 119 élus et pourront faire l'objet d'un vote lors d’un Conseil métropolitain prévu en mars 2023 ©Unsplash

Cette année, la métropole de Grenoble a lancé une convention citoyenne pour le climat. Les participants, tirés au sort, ont rendu leur rapport en octobre dernier, avec une série de 219 préconisations visant à diminuer les émissions carbone du territoire. Seront-elles reprises ?

 

Il y a eu la Convention citoyenne pour le climat, puis la Convention des entreprises pour le climat. Pendant plusieurs mois, une centaine de citoyens ont planché sur le même modèle de démocratie participative du côté, cette fois, de la métropole de Grenoble. La collectivité iséroise, regroupant 49 communes, a tiré au sort des femmes et des hommes pour leur proposer d’imaginer des propositions visant à réduire les gaz à effet de serre du territoire. Autant de solutions qui auraient pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. À la mi-octobre, les participants de cette aventure collective ont rendu un rapport avec leurs préconisations.

À Grenoble, quel avenir pour la Convention citoyenne pour le climat ? 1
Nicolas Chartrain, participant de la convention ©DR

La métropole indique que les propositions de la convention sont en cours d’examen par les 119 élus qui auront à voter, ou non, chaque mesure portée par le collectif de citoyens. Et ce, lors d’un Conseil métropolitain prévu en mars 2023. « En attendant, indique Nicolas Chartrain, l’un des participants à la convention, on est un certain nombre de volontaires à faire connaître et à présenter nos propositions. » En particulier lors d’événements en présence d’acteurs économiques et politiques. Prochain rendez-vous en date : le 10 décembre prochain. L’Observatoire international de la démocratie participative, qui rassemble collectivités et experts du monde entier, accueillera ce jour-là le public au siège de la métropole. Ce qui permettra à Nicolas Chartrain de « venir débattre avec des citoyens ».

 

« Dur de tenir des promesses »

On l’interroge sur sa démarche. « Je n’ai pas accepté de participer à l’aventure pour faire de la figuration », lance-t-il. Ce consultant web indépendant de 48 ans a dit oui, car il estime avoir son rôle à jouer dans le débat public. Toujours mieux que de « rouspéter ». Pour autant, lui, comme d’autres, ne se fait pas d’illusion. « J’ai vu comment s’est terminée la convention pour le climat au niveau national. » Il a bien saisi que beaucoup de préconisations n’avaient pas été reprises, notamment lors du vote, en 2021, de la loi Climat et résilience, alors que l’exécutif avait assuré le contraire auparavant. Le chef de l’État avait même affirmé vouloir traiter l’ensemble « sans filtre ».

« C’est facile de faire des promesses, concède-t-il, mais il est plus dur de les tenir. » Et de renchérir : « On sait que l’argent ne tombe pas du ciel et qu’il faut faire certains choix… » Nicolas le sait bien, « tout ne pourra pas être mis en œuvre ». D’autant que les participants de la convention régionale ont volontairement gardé, parmi les 219 mesures jugées prioritaires, « des préconisations qui sortent de l’échelon régional ». Or, l’idée est ailleurs. Lui souhaite plutôt que les élus s’emparent des idées de la Convention, afin qu’ils puissent les porter dans le débat public si celles-ci sont jugées impactantes et utiles pour le territoire grenoblois et des alentours. Nicolas le dit, il lui faudra ainsi de « bonnes » raisons en cas de refus ou de « jokers » politiques, pour reprendre la formule d’Emmanuel Macron lorsqu’il a écarté certaines idées des conventionnels, à l’échelon national.

 

« Dans l’écoute, pas d’aboiement »

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Un échantillon de personnes représentatif de la métropole de Grenoble © DR

En d’autres termes, Nicolas imagine la tenue d’un débat d’idées et de société au cours duquel on pourrait échanger sur les orientations politiques, après avoir mesuré les effets (positifs ou négatifs) des préconisations de la convention citoyenne. Un débat posé, utile, constructif. Au final, comme ce dont il a pu bénéficier au cours des différentes sessions de travail entre membres de la convention, cette année écoulée.

« On était dans l’écoute, dit-il, pas dans l’aboiement. » Il y avait des femmes et des hommes de tous les âges, de toutes les professions, couvrant l’ensemble des territoires, du centre-ville de Grenoble aux communes plus rurales. Autant de personnes qui n’avaient pas forcément, explique-t-il, « un bagage écologique étoffé », au départ. Or, en discutant avec des experts – comme l’auteur et membre du Giec Gerhard Krinner, l’astrophysicien théoricien au CNRS Pierre-Yves Longaretti ou encore Sandra Rome, membre de l’Institut d’urbanisme et de géographie alpine – chacun a pu prendre conscience de l’ampleur de la tâche au vu de l’urgence climatique. Ainsi que des effets déjà perceptibles au quotidien. « Cet été, note-t-il, on a travaillé pendant la canicule, ce n’était pas très agréable. Mais cela nous a rappelé pourquoi on était réunis. » Tous ces éléments ont pu les aider à « faire bouger les lignes » et à trouver des terrains d’entente, eux qui venaient d’horizons divers et variés. Car il est clair qu’il faut agir dès « maintenant », pas en 2050.

 

♦ (re)lire l’article : Le citoyen Baubry veut convaincre de l’urgence climatique

 

Des transports en commun plus efficaces

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Des solutions pour limiter les transports, responsables de 30% des émissions de GES ©Pixabay

En premier lieu pour préserver les immensités, notamment les sols et les forêts, victimes des incendies en France, et de plus en plus fragilisés avec la hausse moyenne des températures. Le but du jeu : capter et stocker le carbone, d’un côté, en émettre de moins en moins, de l’autre.

Cela passe par les transports, qui contribuent sur le territoire à hauteur de 30% des émissions de GES. En particulier l’usage de la voiture individuelle. Nicolas se souvient avoir eu avec les autres « des discussions épiques », car l’ambition est bien d’arriver à trouver des solutions pour limiter les impacts, tout en partageant les efforts entre tous. « Il faut qu’on arrive à baisser le nombre de déplacements en voiture, mais sans contraindre les habitants des communes reculées, notamment. Beaucoup en ont besoin pour se déplacer ».

Et on y peut arriver notamment en développant les transports en commun. Nicolas se rappelle du débat autour de la gratuité. « Je n’y suis pas favorable, mais on s’est dit qu’on pouvait la proposer dans un premier temps aux plus jeunes. » Tout comme durant les week-ends, comme l’ont déjà mis en place un certain nombre de communes, à l’instar de Clermont-Ferrand. L’enjeu, surtout : progresser au niveau de l’offre, de la régularité, et « renforcer les lignes d’accès à la montagne ».

 

Des communes plus végétalisées

Quelle suite à la Convention citoyenne pour le climat de Grenoble ?
Végétaliser et encourager la rénovation de l’habitat ©Pixabay

Afin que les parents aient une alternative et qu’ils puissent accompagner leurs petits à l’école, les citoyens préconisent en outre de « développer le concept de pédibus et de vélobus ». Favoriser la pratique de l’autopartage de véhicules, électriques ou non, entre également en ligne de mire, par exemple, pour que les habitants du territoire aient l’opportunité de laisser leur véhicule un peu plus au garage. L’objectif, toujours : sans contrainte, inciter à changer les habitudes au jour le jour.

En ayant conscience, surtout, des répercussions que peut avoir la mise en œuvre de telle ou telle mesure. Nicolas évoque la végétalisation des villes. Elle est nécessaire, notamment en cas de fortes chaleurs. « Mais si on mettait de la verdure un peu partout, on manquerait de main-d’œuvre pour s’occuper de tous ces espaces. » Alors, la Convention propose d’embaucher « des personnes qui gèrent la végétalisation », via notamment un partenariat avec Pôle emploi ou le territoire zéro chômeur de longue durée. Idem pour la rénovation thermique des bâtiments, qui est capitale. L’ambition : accompagner particuliers et entreprises. Et « soutenir de véritables filières professionnelles dans les métiers de la rénovation de l’habitat ».

« On a voulu envoyer des signaux forts », conclut-il. Quelques semaines après la publication du rapport de la convention, il assure attendre sereinement les retours des politiques. Il suivra de près les débats… ♦

 

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Bonus

[pour les abonnés] – Plus d’infos sur l’expérience de Grenoble – En 2002, la première convention française pour le climat – La Convention citoyenne sur la fin de vie – Dans le monde, d’autres conventions citoyennes –

  • La Convention citoyenne de Grenoble. Elle propose 219 mesures dites prioritaires (qui ont obtenu au moins 60% des voix des participants lors d’un vote en interne), couvrant de nombreux domaines. Et notamment l’économie, le monde des entreprises pour qu’elles arrivent à réduire leur impact carbone.

Enjeu : aider le territoire à relocalisation le plus possible, promouvoir une agriculture plus locale, plus saine, plus respectueuse de l’environnement. L’idée est aussi de favoriser une alimentation moins carnée, plus végétale. Et de cesser de poursuivre sur la voie de la surconsommation. But de l’opération : se passer du neuf et opter, quand cela est possible, pour de la seconde main, pourquoi pas pour de la location.

Retrouvez l’ensemble des propositions ici.

 

  • La Convention citoyenne sur la fin de vie. Le 13 septembre, le Président de la République a annoncé le lancement d’une Convention citoyenne sur la fin de vie, dont le pilotage a été confié au Conseil économique, social et environnemental, conformément à sa mission de carrefour de la participation citoyenne.

Elle réunira 150 citoyennes et citoyens qui pourront directement apporter leur vécu, s’informer de manière éclairée, approfondir pour construire du dialogue, débattre, et enfin esquisser des perspectives et des consensus.

Pour piloter ce dispositif, le CESE a désigné un Comité de Gouvernance, présidé par Claire Thoury, membre du CESE, regroupant des membres du CESE, des membres du Comité Consultatif National d’Éthique, une philosophe spécialisée en éthique de la santé, un membre du Centre National des Soins Palliatifs et de la Fin de Vie, des experts de la participation citoyenne et des citoyens ayant participé à la Convention citoyenne sur le climat.

 

♦ (re)lire l’article : Comment redonner aux citoyens le goût de l’engagement ?

 

  • En 2002, la première convention française pour le climat. Une assemblée composée de seize Français tirés au sort est invitée en 2002 à faire des propositions contre le réchauffement. Elles se révèlent ambitieuses (taxation du kérosène, généralisation du ferroutage…)… mais finissent dans les tiroirs du gouvernement. Le même sort – ou presque – sera réservé aux recommandations d’assemblées sur les OGM en 1998. La bioéthique en 2009. Ou la fin de vie en 2013…

 

  • Dans le monde. C’est l’Irlande qui affiche jusqu’ici l’expérience la plus aboutie de convention citoyenne : dans ce pays profondément catholique, deux assemblées ont recommandé la légalisation du mariage pour tous puis de l’avortement, approuvée par référendum en 2015 et en 2016. La société civile s’est exprimée. Et ici le gouvernement a suivi.

Aux États-Unis, c’est à la suite d’un « sondage délibératif » auprès de citoyens tirés au sort que le Texas a décidé en 1998 d’accroître la part des énergies renouvelables au détriment du pétrole. Ce qui aurait été difficile autrement.

En Islande, en revanche, ce fut un échec : en 2010, une nouvelle Constitution élaborée par des assemblées citoyennes, et pourtant approuvée par référendum, est bloquée par le Parlement. Davantage d’infos dans cet article paru dans We Demain.