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[écogestes #4] Pour ces collégiens parisiens, l’écologie est une nécessité

Par Philippe Lesaffre, le 18 août 2022

Journaliste

Série d’été // Au collège Ferdinand-Buisson, en région parisienne, Sophie Anley sensibilise ses élèves à l’urgence climatique. Outre ses cours de SVT, la professeure les pousse en particulier à imaginer un plan d’action pour que l’établissement adopte une stratégie bas carbone.

[article publié initialement le 13/12/2021]

 

Pour ces collégiens parisiens, l'écologie est une nécessité 3
Sophie Anley, professeure de SVT au collège Ferdinand-Buisson à Juvisy-sur-Orge

« Certains, à la cantine, utilisent des serviettes en tissu, d’autres se rendent au collège à pied ou consomment moins de viande. » Sophie Anley, professeure de Sciences de la Vie et de la Terre au collège Ferdinand-Buisson à Juvisy-sur-Orge, en région parisienne, observe, satisfaite, ses élèves évoluer. Ils ont “pris conscience des enjeux climatiques” et adaptent leurs habitudes, dit-elle.

Ils sont dans l’action, ça rend optimiste.” D’autant que “ça essaime” jusqu’au sein des familles. “Une maman, par exemple, m’a expliqué que son enfant s’était enfin mis à considérer l’écologie comme une nécessité, après tant d’années de tentatives à la maison.” Ils changent un peu au quotidien… sans toutefois “culpabiliser les adultes de leur entourage”. Car “ils savent que, même en adoptant des comportements héroïques, on ne diminuerait que de 5 à 25 % notre empreinte carbone globale”. 

Son engagement remonte à quelques années. On lui a diagnostiqué un cancer du sein, et elle a dû mettre en pause son parcours de prof. Deux ans d’arrêt au cours desquels elle s’est recentrée sur l’essentiel. Or, en lisant des auteurs comme Pablo Servigne ou Aurélien Barrau, elle a fini par prendre conscience des fragilités de la planète et du système. “Il fallait que j’en fasse une priorité à mon retour en classe.”

Un concours, des défis, des bons points

À l’école du futur, “Les élèves considèrent l’écologie comme une nécessité” 1
Pas d’écran pendant la « journée de la taupe » @Pixabay

Pour éveiller les consciences des 6e, en dehors des cours de SVT, Sophie, ex-bénévole de l’association francilienne L’Attribut (visant à promouvoir l’économie circulaire), a rapidement imaginé, en 2019, un concours annuel, Respire. L’objectif : sensibiliser les ados à l’épuisement des ressources ou à l’extinction des espèces. Surtout les impliquer en leur lançant des défis hebdomadaires sur une partie de l’année scolaire. Parmi les missions, les enfants ont dû notamment convaincre un professeur de ne pas consommer d’énergie pendant la « journée de la taupe ». En d’autres termes, inciter l’enseignant à… éloigner les écrans et éteindre la lumière pendant les cours. « Et ils se sont prêtés au jeu avec plaisir. Et avec succès. »

Pour chaque classe, il s’agit de remporter le plus de points, pardon, de « molécules de dioxygène ». Et, à terme, obtenir une surprise, une sortie à Paris ou un atelier pour découvrir par exemple les plantes médicinales et culinaires. Lors de la première édition, en raison du confinement, les enfants ont été stoppés dans leur élan. Mais l’initiative a été primée. Le Forum international de la météo et du climat a décerné au collège le 2e Prix de l’Éducation pour le Climat. Ce qui l’a motivée à poursuivre le travail d’éducation.

En compagnie d’un professeur d’espagnol, Sophie vise à réaliser dans quelques semaines des podcasts avec ses élèves pour les initier à la fragilité des îles Canaries. Puis s’apprête à laisser les éco-délégués, chargés de piloter des initiatives écolos dans l’établissement, organiser en janvier prochain une friperie de pulls d’hiver. “C’est leur projet pour dénoncer la pollution liée à l’industrie textile et pour que chacun s’équipe. Cela leur donne la possibilité de sensibiliser le plus grand monde aux économies d’énergie. L’initiative permettra en outre au chauffagiste… de baisser le chauffage. Car on aimerait que le bilan carbone de l’établissement s’améliore. Ne l’oublions pas.” 

 

Plan d’action pour établissement bas carbone

Pour ces collégiens parisiens, l'écologie est une nécessité 4
Mesurer les impacts de la restauration, de la consommation d’énergie, des achats de fournitures et des déplacements des adultes @ DR

Voilà le but du jeu. Sensibiliser les plus jeunes et… pousser le collège à faire sa part du colibri. L’an dernier, justement, Sophie a invité ses élèves à mesurer le bilan carbone de l’établissement, avec l’aide des associations Avenir Climatique et Bas carbone. Les jeunes, et notamment les éco-délégués, ont pu mesurer les impacts de la restauration, de la consommation d’énergie, des achats de fournitures et encore des déplacements des adultes. Puis présenter, en septembre dernier, les résultats de leur enquête (amenée à être reproduite chaque année) à l’Académie du Climat (présentée en bonus), un nouvel espace d’éducation parisien, pensé pour les 9-25 ans.

Les éco-délégués formulent actuellement un plan d’action de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Comme nous le rapporte l’enseignante francilienne, ils travaillent sur plusieurs cibles. D’abord au niveau du gaspillage alimentaire. “Les élèves réfléchissent par exemple à déplacer le pain sur le buffet de la cantine pour éviter le gaspillage. Ils prévoient d’installer des affiches de sensibilisation à changer régulièrement.” Les collégiens ne s’arrêtent pas en si bon chemin, et se penchent également sur la mobilité. “Ils ont lancé un questionnaire il y a quelques jours pour faire un point sur les usages.” Pédibus, parking vélo plus adapté… Toutes les pistes sont sur la table.

 

 

Un pas (vert) en avant

Tant mieux, pour elle, l’école a un rôle d’exemplarité à jouer. “On doit tous s’y mettre. Il y a un consensus climatique très clair sur le sujet.” Et l’Éducation nationale commence à s’y intéresser. Elle demande aux collèges et lycées de nommer ou d’élire des éco-délégués, pour qu’ils ou elles donnent l’exemple et sensibilisent leurs pairs aux écogestes, notamment. En principe, il devrait y en avoir un ou une par classe, ce qui n’est pas le cas à Juvisy-sur-Orge. Sophie en compte 18 cette année, sur 600 élèves. « On n’oblige personne à endosser ce costume », glisse leur encadrante.

Toujours est-il que c’est un pas (vert) en avant, salué par Sophie. Tant mieux, les choses avancent, et notamment avec “le verdissement du programme du cycle 3 (CM1, CM2, 6e), notamment pour la SVT ». Celui-ci accorde “heureusement” davantage de place à l’enseignement des enjeux climatiques. Et ce, depuis les modifications apportées en 2020 par l’Éducation nationale.

Toutefois, proposer des initiatives autour du développement durable “dépend encore beaucoup de la volonté des enseignants” de donner de leur temps hors des cours. Pour Sophie, c’est un engagement – et une passion, même – qui fait sens depuis qu’elle a entamé sa transition écologique. « Mais il faut vraiment le vouloir. Cela me prend beaucoup de temps. Je ne suis pas rémunérée pour toutes ces heures, hormis une indemnité pour mission particulière.” 

 

Réfléchir en classe sur les fournitures scolaires

Or, de plus en plus d’enseignants sautent le pas et agissent sur l’ensemble du territoire. Pour le plus grand plaisir de Sophie Anley, par ailleurs membre du réseau Profs en transition (en bonus), regroupant sur Facebook près de 30 000 enseignants, qui se mobilisent pour les enfants. Les idées d’actions ne manquent pas afin de faire bouger les lignes. Par exemple, le fondateur du collectif, Antoine Maldonado, dans les Pyrénées-Atlantiques, commande les fournitures scolaires avec ses élèves de CM1 et CM2. Pour leur faire comprendre d’où viennent les produits qu’ils achètent et comment ils ont été conçus. Et voir en outre s’ils ne peuvent pas partager un peu plus pour acheter moins d’objets. Autant d’initiatives qui motivent les jeunes citoyens. Et qui leur mettent, comme le dit Sophie, « des étoiles plein les yeux ». ♦

 

Bonus

[pour les abonnés] – L’Académie du Climat – Profs en transitions –

  • Pour ces collégiens parisiens, l'écologie est une nécessité 2
    @ Profs en transition

    L’Académie du Climat. À Paris, lieu d’intelligence collective et d’action dédié aux jeunes de 9 à 25 ans et plus. Pour donner les moyens de comprendre, d’expérimenter et de se mobiliser sur les défis climatiques, comme les possibilités d’actions pour construire collectivement les chemins vers un futur désirable.
    Lieu transformatif pour faire levier sur le réel et bousculer, à la fois les pratiques actuelles individuelles et collectives, l’Académie du Climat fait prendre conscience aux jeunes de leur capacité d’action. Elle les accompagne vers la mobilisation.

 

  • Profs en transition. Ce réseau d’acteurs francophones de l’éducation agit ensemble pour construire une école, des approches pédagogiques et des pratiques éducatives plus écoresponsables, citoyennes et solidaires. Il a été créé à l’automne 2018 par deux amis enseignants, Antoine Maldonado et Frédérick Heissat. Et compte aujourd’hui près de 30 000 acteurs de l’éducation, de la petite enfance à l’université. Média pédagogique, Profs en transition offre un espace, libre et gratuit,  de proposition, d’échange et d’apprentissage. Les thématiques ? Climat, énergies, ressources, biodiversité, déchets, pollutions, alimentation, permaculture, citoyenneté, solidarités, etc. Très actif sur son groupe Facebook également.