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À l’école oui, mais en vélo-bus !

Par Patricia Guipponi, le 12 mai 2023

Journaliste

Le vélo-bus se compose de onze places, dont neuf réservées aux enfants ©PG

La commune héraultaise de Saint-Georges-d’Orques s’est dotée d’un Ouicycle à assistance électrique pour conduire les enfants à l’école : une première en France. C’est une bonne façon d’éviter la voiture et de sensibiliser les plus jeunes au deux-roues ainsi qu’à la route. Le quadricycle multiplace, adapté aux personnes en situation de handicap, sert aussi à promener les aînés. L’équipement séduit depuis bon nombre de collectivités.

 

Les cloches de l’église de Saint-Georges-d’Orques, commune de près de 6000 habitants située à une vingtaine de kilomètres de Montpellier, viennent de sonner sept coups. À cette heure matinale, les odeurs de chocolat au lait et de café embaument les chaumières. Mehdi Khouda lui a déjà pris son petit-déjeuner. Il échange quelques mots avec les courageux peu frileux qui boivent leur expresso attablés à la terrasse du café du village. Puis, son bonnet rouge à pompon vissé sur la tête, il se dirige d’un bon pas jusqu’au local où un bus de ramassage scolaire peu ordinaire l’attend.

C’est lui qui conduit l’engin jaune et noir dont la particularité est qu’il faut pédaler pour le faire avancer. Ce vélo-bus de onze places à assistance électrique, appelé Ouicycle, a été conçu par France Quadricycle, start-up basée à Asnières-sur-Seine. « Nous l’avons rebaptisé le Maestro-bus en référence à l’association culturelle et sportive que je préside, qui en assure la gestion », confie Mehdi Khouda. Maestro est, en effet, à l’origine de l’acquisition du mode de transport doux qui roule sur le bitume saint-georgien depuis janvier dernier.

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Mehdi Khouda vérifie le matériel de sécurité avant le départ ©PG
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Les CP et CE sont dans le vélo-bus, tandis que les CM suivent à vélo

C’est parti. Coups de klaxon pour avertir les piétons et les automobilistes et direction le quartier de La Gaillarde avec une première halte près du Centre communal d’action sociale. Deux enfants attendent sagement avec leurs parents. « Ça va les ‘’Pumped up’’ (1) ? Prêts pour le voyage ? », lance Mehdi tout sourire. Les jeunes passagers sont parés pour l’aventure : ceinture de sécurité attachée, casque et gilet jaune enfilés. Le cartable contre le torse, « en mode airbag ». L’ambiance est bonne sur le chemin de l’école. « C’est trop bien », s’exclame Kélia, qui embarque à bord pour la première fois.

Au fil des haltes, le vélo-bus se remplit. Les neuf places passagers ne sont pas de trop. La priorité est laissée aux CP, CE1 et CE2. Les CM, eux, suivent à l’arrière à vélo, encadrés par Jonathan, employé par Maestro. Il veille au grain depuis sa trottinette électrique et prévient que deux enfants habitués du vélo-bus ne le prendront plus. Dorénavant, ils partiront avec leurs propres vélos. Leurs parents sont rassurés. « Notre but est de lever les craintes et de sensibiliser aux transports doux et à la route. Ces deux gamins sont maintenant autonomes », se félicite Mehdi.

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Jonathan accompagne les CM qui suivent le Maestro-bus à vélo ©PG

 

Le vélo-bus monte jusqu’à 25 km/h mais est brimé à 13

Trente-sept familles sont inscrites pour bénéficier du vélo-bus. Chaque jour de la semaine d’école, le ramassage s’effectue dans un quartier différent afin d’assurer un roulement équitable. « Ça nous facilite la vie », reconnaît ce papa qui dépose sa fille avant de prendre le chemin du travail. « Je n’encombre plus l’école avec ma voiture et surtout je gagne du temps pour aller au boulot ». Il envisage d’ailleurs de se mettre sérieusement au vélo, car dans l’agglomération de Montpellier, une place de choix est faite aux pistes cyclables qui continuent à être aménagées.

Certains parents ont déjà sauté le pas et suivent même le vélo-bus jusqu’à l’école avant de filer à leurs occupations. Equipé d’un toit à panneaux solaires, l’engin est homologué pour circuler sur les routes, les pistes cyclables, monter sur les trottoirs. Il peut aller jusqu’à 25 km/h, mais est bridé à 13. Adaptable, il peut transporter aisément des personnes en situation de handicap et à mobilité réduite. C’est d’ailleurs ce qui se passe une fois les écoliers déposés. Le Maestro-bus promène les aînés. Les amène dans les commerces locaux ou encore au marché.

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Les parents sont rassurés. Certains ont sauté le pas et font à présent du vélo ©PG
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Le Maestro-bus, très prisé des petits, est l’attraction de tout le village

Le klaxon résonne. « Bonjour Medhi ! », lance un villageois, en sortant de la boulangerie, la baguette de pain sous le bras. Le chauffeur du Maestro-bus est connu comme le loup blanc à Saint-Georges-d’Orques. D’autres promeneurs le hèlent d’un signe de la main. « Salut les ‘’Pumped up’’ ! Attention, ça tourne ». La rue est pavée, mais le vélo-bus offre un confort qui amortit les soubresauts. L’école primaire Jean-Jaurès n’est plus très loin.

« On prend aussi les enfants de l’école privée Saint-Charles quand il y a de la place », indique encore le joyeux chauffeur. « Tout le monde descend ». Une troupe d’enfants vient se rassembler devant le vélo-bus, l’attraction qui capte comme au premier jour l’attention des instituteurs et des parents. « T’as trop de chance ! », lance un garçonnet à l’un des petits passagers qui défait son casque, saisit son cartable, dit « merci » à Mehdi et détale.

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Le cartable ramené sur le torse en mode airbag ©PG

 

Une dizaine de vélos-bus en préparation pour l’agglomération de Montpellier

Saint-Georges est la première ville de France à s’être dotée de l’équipement, financé par la municipalité. « Cela fait plus de dix ans que je cherche un moyen adapté pour désengorger la commune des voitures, surtout aux abords des écoles, et pour sensibiliser à d’autres modes de transport », explique Jean-François Audrin, le maire (Horizons). Il pense alors au pédibus, à la Rosalie… sans être totalement convaincu. Mehdi et son projet sont arrivés à point nommé. « Les planètes se sont alignées. Les mentalités évoluent. On comprend mieux l’intérêt des déplacements doux. Nous ne regrettons pas cet investissement ».

Le Maestro-bus a été symboliquement remis à l’élu à Paris en novembre dernier, lors du salon des maires. Saint-Georges-d’Orques s’y est classée deuxième au prix de l’Innovation territoriale. L’idée a depuis séduit plus d’une commune aux alentours du village héraultais. Si bien que Montpellier Méditerranée Métropole a décidé d’investir dans une dizaine de Ouicycles. La start-up conceptrice, France Quadricycle, les construit en Occitanie sur le site de Lannemezan, créant ainsi des emplois. La livraison doit avoir lieu en 2024.

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Jean-François Audrin, le maire de Saint-Georges-d’Orques, n’a pas hésité à investir dans le vélo-bus © PG

 

Marseille et Toulouse dans la liste des communes intéressées

La nouvelle présérie est conçue pour plus de maniabilité et de confort, grâce notamment aux remontées de Mehdi Khouda, relais d’expériences. Ainsi, le nouveau modèle comportera, entre autres, un parebrise avant. Les bancs des passagers se feront face et un pédalier permettra aux écoliers qui le souhaitent de participer. « Nous sommes soucieux d’améliorer l’existant, explique Matthieu Spillmann, le dirigeant fondateur de France Quadricycle. Car je tiens avant tout à ce que le OuiCycle puisse être pris par tous sans exception ».

Le concepteur l’a pensé à l’origine pour les besoins particuliers de sa famille. « Ma femme avait peur du vélo. J’ai un enfant qui a des troubles de l’attention sévères et un autre qui était momentanément handicapé ». Matthieu Spillmann se félicite du changement qui s’opère progressivement partout. De l’éducation à la route et de la levée des craintes liées aux deux-roues. « Les collectivités comme les particuliers comprennent l’importance écologique et économique des moyens de transport doux ». Sans compter que la mécanique cycliste et électrique a nettement progressé. Plus d’une centaine de communes se sont en effet positionnées pour acquérir le OuiCycle. Marseille et Toulouse en tête. ♦

(1) Se traduit, de l’anglais, par motivés, gonflés à bloc.

 

Bonus
  • France Quadricycle. Depuis 2019, France Quadricycle conçoit et réalise, avec ses partenaires allemands et hollandais, des quadricycles à assistance électrique homologués VAE (Vélo à Assistance Electrique). En 2022, l’équipe choisit d’internaliser notre bureau d’étude et la production en France, entre la région parisienne et l’Occitanie.
  • Et aussi Human Mob. En avril 2023, Amaury Piquiot a lancé à Rouen Human Mob, une entreprise spécialisée dans le développement de vélos collectifs dédiés au ramassage scolaire. Il teste actuellement deux prototypes, tous deux pouvant accueillir huit passagers, en plus du conducteur.