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OrphanDev booste la recherche contre les maladies rares

Par Marie Le Marois, le 10 février 2022

Journaliste

Les maladies rares sont une cause nationale : trois millions de personnes en sont porteuses en France © DR

Il existe plus de 6000 maladies rares qui touchent majoritairement des enfants. Seules 5% bénéficient d’un traitement curatif. Cet enjeu majeur de santé publique jouit désormais de l’expertise d’un réseau pluridisciplinaire, unique en Europe : OrphanDev. Interview de son coordinateur, le Pr Olivier Blin, au siège de la plateforme, l’hôpital de La Timone à Marseille. 

 

Qu’appelle-t-on maladie rare ?

Coup d’accélérateur pour les maladies rares avec OrphanDev
Pr. Olivier Blin, coordinateur d’OrphanDev @Marcelle

Selon la définition réglementaire européenne, une maladie rare est une maladie qui affecte moins de 5 personnes pour 10 000. Il en existe plus de 6000 et on en découvre tous les jours, notamment grâce aux progrès de la génétique aidée par la bio-informatique et l’Intelligence Artificielle.

Les maladies rares sont une cause nationale avec trois plans successifs depuis 2005, faisant de la France un pays précurseur en Europe dans la prise en charge. Elles sont également une cause sociale – on estime trois millions de personnes atteintes en France, sans compter les familles. Enfin, un terrain d’excellence en France, au moment où le pays prend la présidence du Conseil de l’Union européenne.

 

Quelles fonctions touchent-elles ?


Les maladies rares touchent tous les organes et tout type de patient. Le développement cérébral, la peau (‘’les enfants lune’’ qui souffrent d’une hypersensibilité aux rayons violets du soleil), le métabolisme (des personnes qui accumulent des sucres en trop, par exemple), les proliférations des vaisseaux artériels qui provoquent des saignements, les os (‘’la maladie des os de verre’’ qui entraîne des fractures à répétition), la croissance – certaines formes de nanisme, l’œil, etc…

80% des maladies rares sont génétiques et commencent à 70% dès l’enfance. Un grand nombre d’entre elles entraînent un handicap important et même une mort précoce. Nous mettons la priorité là-dessus.

 

Pourquoi 95% de patients n’ont-ils pas de traitement ?

Coup d’accélérateur pour les maladies rares avec OrphanDev 3Le diagnostic est très compliqué et met souvent plusieurs années avant d’être posé. 25% des patients l’attendent encore après cinq ans d’évolution. Or, un médicament doit se prendre dès le début de la maladie : à la naissance de l’enfant dans certains cas, pas à 5 ans. En outre, peu de médicaments sont développés. Trop peu, en fait. Car ce domaine est complexe.

En effet, la rareté de la maladie est telle que peu de patients sont disponibles pour la recherche, malgré leur motivation. De plus, il y a tellement peu de traitements existants que, lorsque les équipes cherchent un médicament pour une nouvelle maladie, elles n’ont pas de points de repère. Le développement d’une nouvelle molécule devient alors ardu et coûteux.

En outre, pour les entreprises pharmaceutiques, du fait du faible nombre de patients, la vente du médicament ne sera peut-être pas suffisante pour compenser le coût. A contrario, dans le cas des maladies touchant plusieurs millions de personnes, type diabète ou hypertension, le médicament est rentabilisé rapidement après sa mise sur le marché.

Pour encourager la recherche de traitement pour les maladies rares, le gouvernement et l’Agence européenne du médicament ont mis en place des incitations financières et modifié la législation. Mais ce n’est pas encore suffisant, il faut passer à la vitesse supérieure.

 

Quel évènement vous a donné l’impulsion de créer OrphanDev ?

Cela fait quarante ans que nous travaillons sur les maladies rares à Marseille. OrphanDev était il y a dix ans une plateforme dédiée aux spécificités des essais cliniques dans les maladies rares. Nous l’avons fait évoluer il y a quinze mois sous la forme d’un réseau national composé d’une cinquantaine d’acteurs et labellisé par F-CRIN (voir bonus). Le troisième Plan National Maladies Rares (PNMR 3) a servi d’accélérateur.

 

 

Quelle est sa spécificité ?

Coup d’accélérateur pour les maladies rares avec OrphanDev 4Jusqu’à présent, les réflexions sur les maladies rares étaient souvent menées en silos, entre acteurs du public ou acteurs du privé. OrphanDev fédère public/privé – médecins, chercheurs, professionnels de la santé, industriels (biotech, medtech, laboratoires pharmaceutiques…) – mais aussi la société civile : les patients et leur famille ont toute leur place dans la réflexion.

Le challenge est de faire dialoguer tous ces acteurs de domaine, de culture et de fonctionnement différents mais complémentaires. Nous y parvenons : notre collectif est collaboratif, interactif, réactif et efficace. Il est d’ailleurs déjà identifié comme force de proposition et interlocuteur, notamment du ministère de la Santé, de l’Industrie, de Matignon et de l’Élysée (le lendemain de notre interview, le Pr. Olivier Blin y avait rendez-vous – NDLR).

 

Quelles sont ses missions ?

Tout en partant des grands projets déjà existants, nous développons trois axes. Accélérer la recherche clinique en se donnant les moyens de conduire des essais, inventifs et du plus haut niveau. Développer l’Intelligence Artificielle pour intensifier le recueil, la mise en commun et l’exploitation des données sur chaque maladie rare. Améliorer le diagnostic et le parcours de soins du patient, éviter son isolement et organiser son réseau d’intervenants (ergothérapeute, orthophoniste…). Enfin, rendre accessibles au plus vite les médicaments pour permettre aux patients de bénéficier des innovations françaises, européennes et internationales.

 

Qu’avez-vous déjà mis en place ?

OrphanDevDepuis cet été, grâce à une conjonction d’acteurs et la publication d’un texte de loi, les patients ont un accès précoce aux traitements. Ils peuvent recevoir les nouveaux médicaments dès leur autorisation de mise sur le marché. Et ce, sans attendre la fin des procédures administratives qui peuvent parfois durer deux ans. Notre politique est le patient d’abord, le reste peut attendre.

Nous avons mis en place conjointement avec les universités de Dijon, Lyon, Lille et Marseille une formation : le DIU Maladies Rares (Diplôme Inter-Universitaire – NDLR) sur les particularités de la conception et de la conduite des essais cliniques. Il est destiné aux médecins, industriels, personnes des agences de santé, membres d’associations.

Nous sommes en train de réaliser un gros travail favorable à l’innovation et l’attractivité de la France. Il s’agit de l’optimisation de l’évaluation du médicament pour les maladies rares. En effet, l’évaluation ne peut pas être exactement la même pour dix patients atteints d’une maladie rare que pour des milliers de patients affectés par le diabète ou l’hypertension. Elle est forcément spécifique. Les autorités considèrent maintenant des données – qui seraient insuffisantes pour une grande cohorte (ensemble de patients suivis dans le temps – NDLR) – acceptables dans le cas de maladie rare.

 

Quel est votre défi ces prochaines années ?

Participer à une coordination européenne. Il y a des pistes. La présidence française du Conseil de l’Union européenne (elle dure six mois -NDLR) pourrait donner le top départ de cette initiative. Et d’ici un an ou deux ans, on devrait pouvoir réussir. On ne part pas de rien, énormément de travaux ont été réalisés au niveau national et européen. Les différents gouvernements en perçoivent la nécessité. D’ailleurs, en février aura lieu une réunion sur les maladies rares entre les ministres de la santé européens. ♦

 

Bonus
  • Bio express. Olivier Blin est chef du Service de Pharmacologie Clinique et de Pharmacovigilance au CHU de la Timone à Marseille. Ainsi que chercheur au sein de l’Institut de Neurosciences des Systèmes (UMR 1106). Cet ancien Interne des Hôpitaux de Paris, Docteur d’Etat en Biologie Humaine, titulaire d’un diplôme de l’Ecole Centrale Paris est un ancien membre du Cabinet du ministre de la Santé, et co-fondateur du pôle de compétitivité Eurobiomed. Son parcours public mais aussi privé, tant en France qu’à l’étranger lui offre une large expérience du développement des produits de santé.

 

 

Sa mission ? Renforcer la compétitivité de la recherche clinique française à l’international. Identifier et labelliser les réseaux de recherche. Faciliter la mise en place d’essais cliniques académiques ou industriels. Développer l’expertise des acteurs de la recherche clinique, en mutualisant savoir-faire, objectifs et moyens. L’organisation, qui dispose d’une unité de coordination nationale localisée à Toulouse, a déjà labellisé et fédère actuellement

16 réseaux d’investigation clinique ciblant des maladies d’intérêt général international (Parkinson, Asthme Sévère, Thrombose, Obésité, Cardionéphrologie, Sclérose en Plaques, Maladies de la rétine, Maladies auto-immunes, Vaccinologie, Cardiologie Troubles psychotiques, AVC, Dermatite atopique, Maladie du neurone moteur/maladie de Charcot).

Trois réseaux d’expertise et de méthodologie (Maladies Rares, Dispositifs Médicaux, Épidémiologie).

Et une plateforme de supports sur mesure offrant l’ensemble des services nécessaires à la conduite des essais cliniques.