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AirLoquence, à mi-chemin entre la sensibilisation à la pollution et le Grand oral

Par Paul-Roch Bruneton, le 8 mai 2023

Étudiant à l'ESJ pro Montpellier

Ce programme en trois temps permet à des lycéens de se familiariser, grâce à leur propre sensibilité, avec la pollution atmosphérique. AirLoquence se conclut souvent par un jeu de rôle afin de libérer la prise de parole en public de ces jeunes.

 

Le paradoxe interroge : plus de 7 jeunes sur 10 se déclarent engagés dans la lutte contre le changement climatique, selon un sondage Ifop commandé par l’ONG Acted. Alors que seulement 55% des 15-35 ans estiment être bien informés. Victor Hugo Espinosa, président et créateur de la fondation L’Air et Moi, en partenariat avec AtmoSud, association chargée de la surveillance de la qualité de l’air en Paca, s’est saisi de ce paradoxe.

Victime de la répression de la dictature militaire d’Augusto Pinochet, ce Chilien, qui se décrit comme “activiste”, s’est promis de “dédier son existence à la vie et à l’écologie. À commencer par la jeunesse. C’est pourquoi, il y a 20 ans, Victor Hugo Espinosa lance, depuis Marseille, ses programmes “d’éducation à l’environnement. Avant de créer, en 2009, en partenariat avec AtmoSud, L’Air et Moi. L’objectif, sensibiliser les jeunes à la pollution atmosphérique. “Nous avons voulu faire étape par étape, en commençant par les lycéens, rapporte le conférencier avec son accent ibérique. Au début, c’était très basique, avec des diaporamas. Mais j’ai vite vu que cela les ennuyait.

 

Apprivoiser les élèves

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Victor Hugo Espinosa entouré de lycéens ©DR

Victor Hugo Espinosa fusionne ainsi ses deux “bébés”, L’Air et Moi et SOS Rire, une association créée cinq ans plus tôt, pour créer le programme AirLoquence. “Il fallait apprivoiser les élèves, car ils avaient un problème de communication. Ils avaient du mal à s’écouter et à trouver les bons mots. Pas seulement chez les jeunes d’ailleurs, car j’avais fait le même constat avec des adultes en arrivant en France. C’est pourquoi j’ai créé SOS Rire”, expose le Chilien.

L’Air et Moi a pour vocation de sensibiliser les lycéens à la qualité de l’air en trois temps. D’abord, en essayant de faciliter la prise de parole, “sans prendre en compte le fond pour décomplexer les élèves. Puis, une séance de face-à-face est organisée entre les élèves par groupe de cinq ou six. Et, un jeu de rôles, point d’orgue d’AirLoquence, conclut ce programme.

 

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Des idées oniriques dans les présentations

Un maire, un médecin, des membres d’association… Voilà à quoi peut ressembler le casting dans une salle de classe. Tous ces rôles sont interprétés par des lycéens, parfois en tombant dans la caricature, mais c’est ce que cherche Victor Hugo Espinosa. “Cela décomplexe les élèves car, inconsciemment, ils utilisent leurs propres mots, pas ceux imposés par des spécialistes comme moi, étaye-t-il. Et parfois, cela permet même de laisser libre cours à l’imagination.

“Dernièrement, certains parlaient de baleine volante, se marre le fondateur de L’Air et Moi. Certes, c’est utopique, mais qu’importe. La forme et le moyen choisi pour imager des solutions à une meilleure qualité atmosphérique comptent peu. Le fond, prévaut davantage. “Chaque moyen est bon pour trouver des solutions à la pollution, expose Victor Hugo Espinosa. Avec les baleines volantes, le but était d’imaginer des déplacements doux et de se projeter dans une ville sans transport polluant. Ce n’est qu’un rêve, mais certains arrivent à se projeter, car pour préparer ces prises de parole, ils s’informent en amont et s’approprient la thématique.

Certains élèves du lycée Marseilleveyre, à Marseille, avouent ainsi avoir pris conscience des enjeux autour de la pollution atmosphérique. “Je me suis rendu compte qu’on peut tous être impactés par la mauvaise qualité de l’air, car la santé de chacun est dégradée, s’alarme Inès, élève de Première. “Plein de solutions existent, mais il n’y en a pas une miraculeuse. Il faut que tout le monde fasse un geste en ce sens. Je m’y suis mise, en marchant plus par exemple, affirme Thalia. Yacine, également en Première, se réjouit de voir ces prises de conscience : “Je suis asthmatique, donc quand l’air est trop pollué, je le sens vite. Je n’ai pas eu de mal à me sentir concerné par ces exercices, mais c’est bien que tout le monde s’approprie ce sujet de société.

 

Une double utilité

Ce programme a également un second intérêt : pour le grand oral du bac. “AirLoquence est un biais qui se sert de la pollution atmosphérique pour aider les élèves à faire des exercices d’éloquence, développe Victor Hugo Espinosa. Elian Duval-Malara, quant à elle, estime que le succès est double : “Que ce soit pour le Grand Oral ou la prise de conscience écologique, cela porte ses fruits.” ♦

 

* Cet article a été réalisé par un étudiant de l’École supérieure de journalisme professionnelle de Montpellier. Pendant deux semaines, douze étudiants en alternance ont quitté leur rédaction respective pour s’immerger à Marseille et partir à la découverte des acteurs – élus, chercheurs, associations et habitants – qui tentent de rendre la deuxième ville de France plus respirable. Que font les pouvoirs publics pour y parvenir ? De quelle manière cette pollution impacte-t-elle la vie des habitants ? Quelles sont les solutions pour la réduire ? Quelques éléments de réponse à lire sur leur blog : Marseille l’irrespirable