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Une application pour interconnecter tous les acteurs de la solidarité

Par Maëva Danton, le 13 janvier 2023

Journaliste

A travers cette application, l'ambition est de faciliter la vie du milieu associatif et de rendre visible son engagement, trop souvent invisible. @DR

Créée en 2019 à Marseille, l’application +Avenir Connect permet aux acteurs sociaux du territoire de communiquer plus facilement entre eux, et ainsi de mieux répondre aux besoins des personnes en situation de fragilité sociale et/ou économique. Testée localement, elle a vocation à se déployer à l’échelle nationale dans les prochains mois. Visant les associations, les institutions, mais aussi les entreprises et, à terme, le grand public.

 

Émanation d’anciens des Restos du coeur, l’association Vendredi 13 propose depuis 2018 de l’aide alimentaire à destination d’étudiants et de familles identifiés par des travailleurs sociaux. En 2022, ses neuf salariés et ses bénévoles ont ainsi distribué 500 000 repas. Bernard Nos, son président, est aussi membre du comité de pilotage de +Avenir Connect. « J’utilise l’application à la fois pour proposer des services et pour signaler des besoins. Elle me permet aussi de recevoir des informations diverses et variées sur les subventions, les événements … etc ». Concrètement, l’outil lui permet de recevoir des signalements de personnes à la rue, « plusieurs chaque semaine ». « Au sein de l’équipe, tout le monde n’utilise pas l’application. Cela concerne pour le moment surtout les responsables, ajoute-t-il. Elle facilite la communication entre les associations, les personnes dans le besoin, et même les accompagnants. Il y a beaucoup d’associations à Marseille mais chacune a tendance à rester dans son coin. Nous, on a envie de travailler avec tout le monde et de se faire connaître ». Un exemple parmi d’autres de l’utilité de +Avenir Connect.

 

Une pauvreté plus prégnante malgré tout


Lutte contre la pauvreté, accès aux loisirs, à la culture, à une alimentation saine, prévention santé, programmes d’insertion… Dans tous ces domaines, l’ingéniosité et le dévouement du tissu associatif marseillais ne sont plus à prouver. À leurs côtés, des acteurs de l’ESS (Économie sociale et solidaire) de plus en plus nombreux, innovants et solides. Des entreprises qui s’engagent pour toute une série de causes au travers de leur politique de Responsabilité sociale et environnementale… Évidemment, tous ces efforts permettent de changer des vies.

Les chiffres, pourtant, sont sans appel et, à l’échelle du territoire, la pauvreté demeure. Elle a même tendance à s’aggraver. En 2019, d’après l’INSEE, un Marseillais sur quatre vivait avec moins de 1000 euros par mois. Dans certains quartiers, le taux de pauvreté dépasse même les 50%. Et l’actuel épisode d’inflation n’arrangera certainement pas la situation. Alors comment résoudre ce paradoxe ? Et permettre une amélioration significative à l’échelle de la ville ? Une entreprise marseillaise a peut-être trouvé une piste de solution.

 

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Depuis 2009, Joseph Arakel a initié plusieurs actions solidaires financées par son entreprise Tempo One. L’application + Avenir Connect est la dernière d’entre elles @Marcelle

Tempo One, logisticien solidaire

Cette entreprise, c’est Tempo One, spécialiste de la logistique et du transport, fondée par Joseph Arakel. Se revendiquant « patron chrétien », cet admirateur de Saint-François d’Assise décide dès la fin des années 2010, alors que son entreprise commence à être rentable, d’allouer une part de ses résultats à des actions solidaires. Il commence alors par créer un fonds d’investissement destiné à tendre une main aux « accidentés de la vie », se souvient-il. S’ensuit l’ouverture d’une Maison Culture et dialogue dont l’ambition est de porter des projets artistiques, éducatifs et culturels au service du vivre-ensemble.

 

♦ Lire aussi : Joseph Arakel, la profession de foi du logisticien

 

Puis, au fur et à mesure de sa compréhension du tissu associatif local, il fait, avec son œil de logisticien, un constat. Le monde associatif est composé d’un nombre impressionnant de structures dont il admire « le dévouement ». Et la capacité à aborder un panel très complet de problématiques. Mais celles-ci agissent souvent de manière « anonyme et invisible ». Associations et dispositifs publics ne se connaissant pas forcément, le risque d’actions en doublon augmente. Ce dont peut résulter, à l’échelle globale, un manque d’efficacité.

 

Une application pour connecter entre eux (tous) les acteurs de la solidarité
L’application permet aux associations de signaler des besoins des personnes qu’elles rencontrent, auxquelles elles ne sont pas nécessairement en mesure de répondre. @+Avenir Solidarité

Coordonner associations et institutions

« Parfois, plusieurs associations sont impliquées dans un même cas, mais ne le savent pas, n’ont pas de suivi sur ce qui a déjà été fait, et peuvent même apporter des réponses contradictoires », explique Karim Ikherbane, membre de l’équipe solidaire de Tempo One.

Par ailleurs, certaines situations résultant d’une conjonction de facteurs, ont parfois besoin d’expertises complémentaires. Ce qui est difficile à mettre en place lorsque les associations et institutions ne se connaissent pas.

D’où l’idée de créer, en 2019, une application qui faciliterait les échanges entre tous ces acteurs, +Avenir Connect. Son principe : permettre à chaque structure utilisatrice de signaler des besoins de personnes accompagnées, ces derniers étant aussitôt notifiés aux autres utilisateurs qui peuvent apporter des réponses. L’outil fournit également des informations générales utiles au milieu de la solidarité.

« C’est un outil de levée des freins pour les associations », explique Romain Larrouy, secrétaire générale de +Avenir Solidarités, association émanant de Tempo One afin de porter l’application. Un outil qui simplifie la communication entre toutes et permet de mieux suivre les personnes en difficultés. Le numérique laisse en effet des traces sur ce que chaque association a pu déjà apporter. « Tempo One est architecte et concepteur de solutions pour la logistique et le transport. Avec +Avenir Connect, nous transposons cela au champs du social et de la solidarité », compare Romain Larrouy.

 

♦ Pour télécharger l’application : si vous êtes une association ou une entreprise, il vous faut d’abord demander une labellisation sur le site de +Avenir Connect. Le grand public devra attendre encore un peu.

 

D'après la Labo de la Fraternité, les Français ont envie de fraternité mais manquent d'occasions de l'expérimenter
A ce jour, l’application est utilisée par une soixantaine de structures labellisées. @DR

Un « réseau de confiance » bientôt national

Pour bénéficier de l’outil, les associations doivent être labellisées par +Avenir Solidarité qui les rencontre environ 3 fois par an. « C’est important pour tisser un réseau de confiance », pense Joseph Arakel. À ce jour, 60 structures ont ainsi été labellisées. Parmi elles, beaucoup d’associations comme Vendredi 13, mais aussi la Banque alimentaire, la Croix-Rouge ou encore La Ligue contre le cancer. Mais aussi des institutions comme les Missions locales ou la CPAM qui utilise l’application pour faire la promotion de son Cesam 13 (Centre d’Examens de Santé de l’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône) et son bilan de santé complet et gratuit.

« Nous avons été très bien accueillis par les associations qui avaient réellement besoin de coordination. L’application permet aussi de mieux les mettre en valeur », tient à souligner Joseph Arakel.

Des résultats encourageants qui motivent l’équipe à déployer +Avenir Connect à plus large échelle. Pour fluidifier les échanges entre des acteurs de la solidarité de tout le pays. « Beaucoup d’associations labellisées à Marseille s’inscrivent dans des réseaux nationaux. Nous nous appuierons sur cela », prévoit Romain Larrouy. Une large campagne de communication devrait par ailleurs être mise en place.

 

Les entreprises bientôt sollicitées…

Mais les acteurs traditionnels de la solidarité ne seront pas les seuls à être visés par ce déploiement national. « Nous allons ouvrir l’application aux entreprises, pour créer des passerelles entre monde associatif et monde économique », annonce Joseph Arakel. Comme les associations, celles-ci pourront être labellisées et proposer divers services comme la mise à disposition de salariés pour des missions solidaires. Elles pourront aussi répondre aux besoins de stages que feront remonter les associations, pour des jeunes n’ayant pas forcément les bons réseaux.

Et parce que la solidarité ne concerne pas seulement les entreprises et les associations, l’équipe prévoit aussi une ouverture au grand public. « Chacun pourra signaler des personnes dans le besoin afin que des associations les prennent en charge», explique Joseph Arakel qui pense en particulier aux « travailleurs pauvres qui dorment dans leur voiture », souvent hors des radars des acteurs de la solidarité.

 

… puis les citoyens à leur tour

Les utilisateurs citoyens pourront accéder à de nombreuses informations sur les dispositifs et acteurs à même de les aider en fonction de leurs problématiques. Ou encore se proposer pour des missions de bénévolat. « C’est l’un des besoins les plus récurrents des associations », pointe Marlène Arakel, elle aussi membre de l’équipe +Avenir Solidarités. Et Romain Larrouy de compléter : « beaucoup de personnes ont envie de faire du bénévolat mais ont besoin que les missions soient proches de chez eux, sur une durée qui leur convienne. Et ils ne connaissent en général pas bien les besoins sur leur territoire ». L’outil a vocation à leur simplifier la tâche, tout en répondant à la demande de renforts des associations.

« Dans toutes nos actions, nous cherchons à faire évoluer le niveau de conscience, explique Joseph Arakel. Avec cette application ouverte au grand public, nous espérons générer plus d’engagement en touchant de nouveaux publics ». Pour que la solidarité devienne l’affaire de chacun. Et que les immenses efforts du tissu associatif se lisent enfin dans les chiffres macroéconomiques de la pauvreté. ♦

 

Bonus

  • La logistique au service de l’économie circulaire – Aux côtés de son fonds de dotation et de +Avenir Solidarité, Tempo One a également créé +Avenir Services dont la mission est d’accompagner vers les métiers de la logistique et du transport des jeunes et des personnes en insertion, mais aussi, à l’horizon 2025, d’utiliser la logistique au service de l’économie circulaire et solidaire. La structure a notamment aidé la Banque alimentaire à optimiser ses pratiques.
♦ Lire aussi : Le vélo au service de la solidarité

 

  • Appel au mécénat d’entreprise – Initialement financées exclusivement par les résultats de Tempo One, les activités solidaires lancées par Joseph Arakel et son équipe sont désormais ouvertes au mécénat d’entreprises afin de mutualiser les forces. Les entreprises intéressées peuvent contacter Jane Sampol, responsable du mécénat, par téléphone (06 60 51 16 42) ou par mail (jane.sampol@plusavenir.org).
  • Besoin de bénévoles – Profitant de son ancrage au sein du milieu associatif marseillais, l’association +Avenir Solidarité a mis en place vingt-cinq ateliers en tous genres (prévention, information, expression artistique) assurés gratuitement. L’ambition dans les prochains mois est de doubler le nombre d’ateliers. Ce qui nécessitera plus de bénévoles.