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Les rencontres d’Arles avec l’économie circulaire

Par Nathania Cahen, le 11 mai 2022

Journaliste

Taco and Co récupère différentes catégories de déchets qui seront recyclés © POP

La question de la ville de demain est en partie résolue à Arles : ce sera durable, engagé, recyclé, doux pour l’environnement et les citoyens. Comment ? Avec la plateforme POP qui croise les bons gestes et les savoir-faire locaux pour gérer (puis valoriser) les grandes familles de déchets et les déplacements.

 

POP comme populaire (qui s’adresse au peuple, propose Larousse). Mais aussi, ici, acronyme de plateforme ouverte au public. POP a pris ses quartiers en bordure du centre-ville, dans une friche industrielle à l’abandon : les anciens entrepôts de la fabrique de câbles électriques Grignard Mistral, en activité jusqu’en 1965. Un vaste espace de 5000m2 hérissé de trois bâtisses, éclaboussé de lumière, battu par les vents ou brûlé par le soleil, c’est selon.

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Une nouvelle vie pour la friche industrielle ©Victor_Picon

 

Un cercle vertueux et local

Le concept lui est né en 2018. Trois chefs d’entreprise arlésiens (Stéphan Fabre, ex-boss d’Éco-Fabrik, Damien Monteux de Taco and Co, et Philippe Schiepan du Collatéral) font le constat que, localement, certains services font défaut. Concernant les livraisons et le traitement des poubelles, par exemple. Pourquoi ne pas créer alors un lieu qui favoriserait la mutualisation de services et l’économie circulaire locale ?

L’idée est bonne, encore faut-il en définir l’exacte vocation. Ce sera une plateforme déclinée en trois pôles : logistique, recyclage et hospitalité. Carte blanche et casquette de directrice générale sont offertes à Cloé Castellas, qui va en faire bon usage. Avec la précédente municipalité (PC), un bail emphytéotique avait été négocié. La nouvelle municipalité de Patrick de Carolis (divers centre) leur propose de l’acquérir pour 870 000 euros (bonus). « Cela nous donne une grande liberté, les coudées franches pour aménager à notre guise », souligne la jeune femme.

 

 

Tu tries, ils collectent et valorisent

La rencontre d'Arles avec l'économie circulaire
Sac à verre Taco & Co ©Anne-Cécile Granone Lopez

C’est le premier acte de POP, la plateforme de tri. Installée dans le bâtiment 2, elle traite jusqu’à 400 tonnes par an. Bien sûr, seuls les déchets réutilisables sont concernés. Le problème majeur étant le manque de points d’apport volontaire à Arles, ce sont les vélos de Taco and Co qui assurent la collecte auprès des particuliers et professionnels. Ils distribuent et passent reprendre quand ils sont pleins, sacs à verre, seaux à biodéchets, cartons à cartons, bidons pour huiles alimentaires… Le tout géré avec l’application mobile Taco and Co, qui permet de définir la nature des déchets, leur volume, et de fixer une date. Le tout gratuitement. Pour ce qui est verre et carton, la Communauté d’Agglo les récupère chaque semaine.

Concernant les bio-déchets, la régie d’insertion Regards et l’association Petit à Petit les récupèrent pour les distribuer aux agriculteurs du secteur.

Quant aux huiles alimentaires usagées des restaurateurs, elles sont recyclées par l’entreprise VégétOil en biocarburants. Une unité de transformation est du reste en construction pour alimenter les ateliers de la Fondation Luma. Sur place, une première cuve fonctionne déjà au colza pur. La collecte est d’autant plus intéressante pour les restaurateurs qu’ils ont interdiction de jeter les huiles usagées dans les canalisations.

Bientôt, les plastiques seront eux aussi recyclés. Installée à POP, l’association Milvi y travaille chaque jour (un article lui sera consacré, ne perdez pas Marcelle de vue).

 

 

Une alternative écolo au premier et au dernier kilomètre

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Le vélo-cargo se faufile partout sans polluer ni encombrer la chaussée ©Marcelle

Il est malaisé de circuler dans le centre historique d’Arles. En outre, les caves souvent petites compliquent le stockage pour les commerçants. D’autre part, le confinement a encouragé le e-commerce pour nombre de boutiques. Il y avait donc un vrai sens à aménager un site à même de réceptionner, stocker, envoyer… La plateforme POP, installée dans le grand bâtiment de l’entrée, compte une vingtaine de clients. Très éclectiques : du festival We love Green au restaurant Chardon, en passant par la distillerie Bigourdan ou la galerie FishEye. Pour livrer, la flotte de vélos-cargos Taco and Co met le pied à la pédale et se faufile dans toutes les rues sans polluer ni encombrer la chaussée.

Pendant l’interview, je vois une estafette du CCAS se garer pour déposer des repas dans les frigidaires de la plateforme. Taco and Co les livrera plus tard, à l’heure du déjeuner.

 

Une école de musique, une torréfactrice, des ruches…

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Parmi les locataires, un atelier de sérigraphie mobile ©Marcelle

La troisième envie du trio fondateur était la possibilité d’accueillir des « opérateurs » pour du court ou du long terme. Des bureaux et des espaces communs sont ainsi loués, donnant au site un petit air de village, tandis que les loyers assurent un revenu à POP.
La liste des occupants tient de l’inventaire à la Prévert : énergéticienne, association d’architectes, cultivatrice de lavande, école de musique pop rock, organisateur de concerts, atelier de sérigraphie ambulant, atelier bois, décaperie, entreprise de maçonnerie, designers, une céramiste, un prototype de toilettes sèches (PeeKeep qui transforme nos pipis en engrais), les ruchers Tamata…

« On n’est pas sur un principe de mutualisation, précise Cloé Castellas. Mais tous bénéficient des synergies présentes, de la communication et de la visibilité du site, d’un accompagnement. Beaucoup sont encore en création à leur arrivée, sans bilan ou sans références. Cela ne nous pose pas de problème ».

 

 

Une cuisine ouverte, des animations culturelles

La rencontre d'Arles avec l'économie circulaire 1Cette petite marmite mijote déjà joyeusement tandis que d’autres projets arrivent. Sur les 1600m2 de bâti, seuls 600 ont été réhabilités à ce jour : il y a donc du potentiel ! Dans le bâtiment 2, une partie du rez-de-chaussée sera bientôt dédiée aux arts culinaires. Avec une grande cuisine ouverte aux restaurateurs, aux amateurs comme aux centres de formation.

La scène de spectacles, elle, prendra place dans le hangar 1. S’y tiendront ateliers, expos, concerts, spectacles. Un autre projet tout chaud est une consigne appuyée sur une station de lavage pour la vaisselle et les les contenants réutilisables des restaurateurs. Elle devrait être inaugurée cet été.

Le modèle économique de cet écosystème vertueux ? Une SAS avec l’agrément ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale) qui compte deux salariés. « Mais notre modèle est celui d’une entreprise plus que celui d’une association. Avec une gouvernance non partagée, souligne Cloé Castellas. Cela nous permet d’avancer trois fois plus vite ! »

Elle conclut : « C’est une très jolie aventure humaine. On crée, on casse les codes, et on évolue ensemble. Le bilan est super positif ! » ♦

 

Bonus
  • Financement. Aux 783 000 euros de la vente s’ajoutent environ 50 000 euros de frais d’acquisition. La ville d’Arles a consenti une aide indirecte à l’immobilier d’entreprise de 87 000 euros, adossée à une convention d’objectifs de développement économique et durable de 3 ans.