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Un lieu ressource pour les artistes contraints de fuir leur pays

Par Agathe Perrier, le 13 octobre 2022

Journaliste

Une quarantaine d’artistes sont accompagnés à Marseille et aux alentours par L'atelier des artistes en exil, et environ 300 en région parisienne © Photo d'illustration - Pixabay

L’atelier des artistes en exil est une association unique en France. Créée à Paris, elle leur offre un espace où travailler et les aide à trouver des projets professionnels. L’accompagnement est aussi juridique et personnalisé selon le parcours de chacun. Une première antenne s’est ouverte à Marseille avec l’idée de déployer la structure partout dans le pays. Le travail des artistes est actuellement présenté au public dans le cadre du festival Visions d’exil.

 

Ils s’appellent Breno Angelo et Évora Lira. Ils sont Brésiliens, artistes et exilés en France. Pour le premier, c’est le manque de perspectives d’avenir dans la danse qui l’a poussé à quitter son pays il y a cinq ans. Pour la seconde, ce sont les menaces pesant sur sa vie. Tous deux sont accompagnés par L’atelier des artistes en exil depuis l’ouverture du bureau marseillais, en février dernier.

« On les appuie sur le volet artistique mais aussi plus globalement. Car on ne peut pas dire à un artiste de pratiquer son art sans s’intéresser à la question de savoir où il dort, s’il mange… », explique Sarah Gorog, directrice de l’antenne Marseille Région Sud. L’association fait ainsi le pont avec différents organismes d’aide, afin de trouver des solutions à toutes les problématiques. « On accueille n’importe quelle personne en situation d’exil. La plupart sont en danger dans leur pays et ne peuvent pas y retourner. L’idée est d’adapter les réponses aux besoins de chacun ».

 

 

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Évora Lira a notamment décroché une résidence de quatre mois dans un lieu de création grâce à l’aide de L’atelier des artistes en exil © Agathe Perrier

Soutien artistique et administratif…

L’atelier est un peu comme un lieu ressource pour les artistes. Situé au couvent de la Cômerie (6e arrondissement de Marseille), ils peuvent venir y travailler sur leur projet, développer des idées ensemble, trouver des conseils. En revanche, cet espace ne fait pas office de lieu hébergement.

« L’association m’a aidée pour ma demande d’asile lorsque je suis arrivée en France. Je suis aujourd’hui suivie par une assistante sociale. L’atelier continue de m’épauler désormais sur toute la planification artistique de mes projets », témoigne Évora Lira. Un soutien précieux pour cette artiste à la fois couturière, designeuse et performeuse, qui lui a permis de nouer des relations et trouver des événements pour exposer son travail. Elle a notamment décroché une résidence de quatre mois chez Huit Pillards, lieu de création installé dans l’ancienne usine de métallurgie éponyme (14e arrondissement).

L’atelier a aussi ouvert ses portes à Breno Angelo. « J’ai intégré pas mal de projets grâce à l’équipe qui fait le lien avec les structures culturelles locales. Elle m’a également aidé sur l’aspect administratif que je ne maîtrisais pas et qui se révèle difficile quand tu n’es pas Français », souffle-t-il. Sans compter sur les événements que l’association organise elle-même pour promouvoir ses artistes. Comme actuellement le festival Visions d’exil où nombre d’entre eux présentent leur travail au grand public (bonus).

 

 

… mais surtout adapté

Il n’existe pas de schéma préétabli au sein de L’atelier des artistes en exil : l’accompagnement varie d’une personne à l’autre. « Car les besoins des artistes dépendent de leur art et de leur situation ! », expose Sara, bénévole au sein de l’antenne marseillaise. Avant de poursuivre : « Selon leur origine, ils n’ont pas non plus accès aux mêmes aides une fois en France. Depuis la guerre dans leur pays, par exemple, les artistes ukrainiens bénéficient de plus de facilités que d’autres ».

Chaque guerre, chaque crise, crée par ailleurs des mouvements migratoires différents. Certains artistes fuient seuls leur pays, d’autres avec leur famille. « Les problématiques, dès lors, diffèrent. Même si l’expérience acquise lors des précédentes crises nous aide à savoir quoi faire, la suivante pose toujours de nouvelles questions », souligne Johanna. Elle aussi fait partie des nombreux bénévoles qui s’investissent dans l’association, aux côtés de l’équipe salariée. Un renfort bienvenu pour la petite structure toujours en manque de bras (bonus).

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Johanna et Sara, deux des bénévoles de l’antenne marseillaise © Agathe Perrier

 

Pas de travail sans salaire

Si tout travail mérite salaire, certains professionnels ont pourtant tendance à vouloir profiter de la précarité des artistes exilés. « On se bat pour qu’ils n’acceptent pas de contrat gratuit. Car ils s’en voient proposer, avec la promesse que ça leur apportera de la visibilité. On n’est pas d’accord avec ça ! Ils doivent être payés et déclarés. C’est important pour des questions financières et pour prouver qu’ils ont bossé », appuie Sarah Gorog.

Une quarantaine d’artistes sont actuellement accompagnés à Marseille et ses alentours. Environ 300 en région parisienne, et bientôt plus encore avec l’ouverture prochaine d’un bureau à Lyon. Beaucoup viennent d’Afghanistan suite à la prise de pouvoir des talibans en août 2021. Mais aussi de Syrie, d’Iran, du Soudan et plus globalement d’Afrique… et bien sûr d’Ukraine et de Russie depuis ces derniers mois. Les pratiques artistiques sont elles aussi très hétérogènes : danse, écriture, sculpture, graff, peinture, théâtre, architecture, musique, etc. Tous les arts sont représentés. « Il faudrait des antennes partout car c’est la seule structure de ce type en France et en Europe. Mais on préfère se déployer doucement et sûrement », tempère la directrice. Une prudence de rigueur pour que L’atelier des artistes en exil perdure. D’autant plus importante que la demande, exponentielle depuis sa création en 2017, n’est pas vraiment en passe de se tarir. ♦

 

Bonus

  • Donner, aider – L’atelier des artistes en exil a besoin de dons financiers, matériels et alimentaires. Vous pouvez contribuer en cliquant ici. L’équipe recherche également des bénévoles, indispensables pour accompagner au mieux les artistes (cliquez ici). L’association bénéficie de financements publics (45% de son budget) et privés (25%). Le reste provient d’autofinancement. Son budget annuel a dépassé les 900 000 euros en 2020.
  • L’histoire de L’atelier des artistes en exil – Il a été créé en 2017 à Paris à l’initiative de Judith Depaule et d’Ariel Cypel. Leur volonté depuis les débuts est de permettre aux artistes, contraints de quitter leur pays, de continuer à exercer leur art. « Ils doivent pouvoir le faire en tant qu’individus car tout homme aspire à être ce qu’il est. Mais ils doivent pouvoir le faire aussi en tant que représentants de la culture de leur pays. C’est notamment à travers la voix de ses artistes que la culture d’un pays en péril peut se perpétuer », considère l’association.
  • Découvrir le travail des artistes – En ce moment, à l’occasion du festival Visions d’exil, avec divers événements programmés en région parisienne et Paca. Cette 5e édition a pour but d’explorer le rapport des artistes à la guerre et son impact sur leur vie, mais aussi les petites guerres qu’ils ont à mener pour exister. Toute la programmation est à retrouver en cliquant ici. Et pour suivre l’actualité de l’association, direction son site internet.