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Du climat à l’agriculture, des « fresques » pour (r)éveiller les consciences

Par Agathe Perrier, le 2 mars 2023

Journaliste

Alors que le Salon de l’Agriculture bat son plein, la Fresque Agri'Alim a organisé à Marseille un atelier pour faire connaître le système agricole mondial et ses conséquences © Agathe Perrier

La Fresque du Climat organise partout en France des ateliers de sensibilisation sur le dérèglement climatique et de ses conséquences. Un moment ludique, autour d’un jeu coopératif, qui a inspiré près de 100 projets sur de grandes thématiques, dont l’agriculture et l’alimentation. Avec toujours le même objectif : pousser les gens à agir tant il y a urgence à changer la société actuelle. 

 

Apprendre par le jeu. Une méthode reconnue (bonus) qui est au cœur des ateliers de la Fresque du Climat. Ceux-ci ont pour but de « faire comprendre les causes et les conséquences du dérèglement climatique, de manière ludique et fun », explique Marie-Laure Pluvy, l’une des 13 000 « fresqueuses » (autrement dit animatrice) de l’association, installée à Marseille. Et Astrid du Petit Thouars, sa compatriote aixoise d’ajouter : « Le tout grâce à l’intelligence collective car les sessions doivent compter au moins quatre participants. Ils travaillent ensemble par petits groupes de huit maximum, afin de laisser à chacun la possibilité de s’exprimer ».

 

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Les premiers ateliers de la Fresque Agri’Alim (agriculture et alimentation) ont démarré en 2020 © AP

À chaque thématique sa fresque


L’idée en revient à Cédric Ringenbach, toujours président de l’association, spécialiste du changement climatique depuis 2009. Il a monté ce jeu en se basant sur les données du Giec, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Un organe reconnu et de référence pour garantir un outil neutre, objectif et fiable. Quatre ans après les premiers ateliers lancés fin 2018, 886 000 personnes y ont déjà participé dans le monde entier, dont 300 000 en France. Et le concept a « fait des petits », décliné sur les sujets de la biodiversité, l’eau, les déchets… (bonus). Chaque fresque thématique est indépendante et montée par sa propre association. Et, bien que reposant sur un modèle commun, chacune présente ses propres spécificités.

Parmi elles, la fresque Agri’Alim, pour agriculture et alimentation. « L’objectif est de réfléchir sur comment faire évoluer notre système alimentaire », indique Céline Monthéard, co-créatrice de cette version déployée depuis 2020. Un atelier s’est tenu à Marseille ce lundi 27 février à la Base, un espace de travail partagé réunissant des associations agissant en faveur d’une transition sociale et écologique. Plutôt d’actualité puisque le Salon de l’Agriculture bat son plein à Paris – le choix de la date n’est d’ailleurs pas un hasard. Onze inscrits et deux désistements portent à neuf le total des participants. Fait rare : quasiment tous sont des fresqueurs, à l’exception de Thierry. « Mais j’ai déjà participé trois fois à la Fresque du Climat », expose ce climatologue de profession. Autant dire qu’il maîtrise les rouages du jeu.

 

 

Des données scientifiques pour socle

Concrètement, le jeu débute sur un constat. Ici, la hausse de la production agricole. Des cartes sont distribuées aux participants : déforestation, augmentation de la population, labour, urbanisation… Certaines sont des causes, d’autres des conséquences. À eux de le définir et de les placer de sorte à dresser un portrait logique et cohérent du système agricole mondial. Les échanges vont bon train et rares sont les débats dans ce public d’avertis. L’animatrice les laisse discuter sans les couper, hormis au moment des debriefs qui enclenchent la distribution de nouvelles cartes. « En temps normal, j’interviens un peu plus. Lorsque les participants ne connaissent pas bien le sujet, ils calent et n’arrivent plus forcément à avancer », explique Alice Étienne.

En plus de leurs connaissances, les joueurs peuvent compter sur les cartes elles-mêmes pour savoir où les positionner, grâce aux explications et informations au verso. « Toutes les données proviennent d’études et de rapports. Se baser sur un fond scientifique et objectif est primordial pour rassembler des personnes qui peuvent avoir des points de vue différents et limiter les débats et postures clivantes. Des experts de l’Ademe (ndlr : l’agence de la transition écologique) ont d’ailleurs validé les contenus du jeu », souligne la co-fondatrice.

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Lors de cette session marseillaise, les participants étaient tous des habitués du mécanisme de la fresque © AP

 

Réagir plutôt que déprimer

Après cinq vagues de cartes distribuées, la fresque est complète. Mais la conclusion n’est pas très joyeuse au regard des dégâts sociaux, sociétaux, environnementaux et économiques qu’induit le système agricole actuel. Et il en va de même pour les autres thématiques. C’est là que l’animateur a un rôle clé à jouer. « À lui de faire en sorte que les participants ne terminent pas l’atelier le moral plombé, mais avec l’envie d’agir », expose Marie-Laure Pluvy.

Le déroulé des sessions le prend en compte. Avec une phase de créativité pour agrémenter la fresque de dessins, messages, connaissances… Un temps qui a le mérite d’insuffler une ambiance bon enfant. L’atelier se termine avec une discussion dédiée aux solutions et la mise en lumière d’initiatives, pour donner à chacun des moyens d’agir. Par exemple, en devenant à son tour animateur ou en sensibilisant autour de soi, grâce aux informations acquises pendant la fresque. Ou en modifiant ses habitudes. Reste un avis partagé par tous : le changement à l’échelle des particuliers ne sera pas suffisant. Aux collectivités et aux pouvoirs publics d’entrer aussi dans la danse ou d’aller encore plus loin.

 

 

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L’atelier comprend une phase de créativité et de partage de solutions pour que les participants ressortent reboostés malgré le constat © AP

Sortir de l’entre-soi

En deux ans et demi d’existence, la fresque Agri’Alim a touché 2 500 participants partout en France. « Ce sont en général des personnes sensibilisées aux grands enjeux environnementaux, qui souhaitent approfondir les questions de l’agriculture et de l’alimentation. Ou des gens déjà très au fait sur ces deux sujets », glisse Céline Monthéard. Un constat confirmé lors de la session marseillaise. Les participants reconnaissent qu’il existe un « entre-soi » dans ces rencontres, et que peu de profanes se joignent aux ateliers.

Une tendance que souhaitent changer les associations. Elles démarchent pour cela entreprises et établissements scolaires, afin d’y réaliser des ateliers auprès de leur public. Les animateurs n’y sont plus bénévoles, mais « pro » et rémunérés. Si la Fresque Agri’Alim est accessible à partir de 16 ans, celle du Climat convient aux enfants à partir de 10 ans. Une version junior a même été développée pour être présentée dans les écoles. Toutes ont un objectif finalement commun maintenant que le concept a prouvé son efficacité : sensibiliser un maximum de personnes à l’urgence d’agir. ♦

 

Bonus

  • Comment participer – En s’inscrivant ici pour la Fresque Agri’Alim ou ici pour la Fresque du Climat. Cette dernière a par ailleurs recensé toutes les fresques existantes ou en cours de création (à retrouver ici). À noter que des sessions en ligne sont également proposées. Le tarif d’un atelier dépend de chacune des associations. Agri’Alim laisse la participation libre, celle sur le Climat l’a fixée à 10 euros (gratuit néanmoins pour les étudiants et demandeurs d’emploi).
  • Les sources de financement – La Fresque Agri’Alim s’est basée sur le modèle que celle du Climat. Elles récupèrent une rétribution des animateurs pros et comptent sur les dons et les subventions.
  • Le jeu comme support d’apprentissage, un modèle qui marche – C’est ce qu’explique notamment la Ligue de l’enseignement belge sur son site internet. Ce concept est utilisé en sciences de l’éducation et en psychologie. Il défend l’idée selon laquelle l’enfant acquiert des compétences à travers l’activité de jeu, en donnant un sens au monde qui l’entoure. D’après Lev Vygotsky, « le jeu est la principale source de développement des enfants, que ce soit sur le plan affectif, social, physique, langagier ou cognitif ». Le jeu donnerait à l’enfant des compétences sociales et cognitives et une confiance en soi qui lui permettraient de vivre de nouvelles expériences et d’évoluer dans des environnements inconnus.