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Aurelie Gros : réparer la politique

Par Raphaëlle Duchemin, le 30 mai 2023

Journaliste

Le combat de cette élue : faire voter des projets où l'on considère non pas les accointances politiques, mais d'abord l’intérêt du citoyen ©DR

La 2e édition du G500 citoyen se tient à Marseille les 8, 9 et 10 juin. Huit associations et collectifs sont mobilisés pour bâtir la manifestation. Leur ambition ? Faire émerger des solutions venues du peuple pour porter haut les valeurs de la démocratie participative. À la manœuvre, depuis les débuts : une élue, Aurélie Gros qui milite pour la création d’un ministère des Citoyens.

 

Elle s’est débarrassée de son étiquette LR mais a gardé son écharpe tricolore de maire du Coudray-Montceaux. Aurélie Gros, 42 ans, a la République sérieusement chevillée au cœur. Il faut dire que la conseillère régionale d’Essonne est allée à bonne école. « Mon papa a été maire de notre village – 800 habitants à l’époque, près de 5000 aujourd’hui – pendant 43 ans, rappelle-t-elle. Et il faisait de la politique comme il était médecin. Moi aussi je voulais soigner les gens comme lui avoue-t-elle, et finalement je suis médecin de la politique. »
Pas faux. Car l’élue qui a roulé sa bosse au Département avant de devenir première magistrate de sa commune a très vite compris qu’il y avait des plaies béantes à cautériser. Et c’est là que son engagement a pris un tour nouveau.

Aurelie Gros : médecin de la politique 1
Aurélie Gros, maire du Coudray-Montceaux et conseillère régionale d’Essonne ©DR

Mandat et désillusion

« Quand j’ai été élue il y a sept ans – mon premier mandat grâce à la loi parité qui imposait des binômes- j’étais chez les LR et j’ai été nommée vice-présidente de mon département. On devait reconstruire des politiques publiques. »
C’est alors qu’une séquence va particulièrement la troubler. « On nous a donné un tableau des associations. Comme on était à droite, on nous a demandé de casser les subventions des associations proches de la gauche, mais moi j’ai dit non. J’ai argumenté car j’étais certaine qu’il y avait une façon de faire différemment, raconte Aurélie Gros. Et ça a été le déclic, celui qui a changé mon engagement citoyen. À force de persuasion je suis arrivée dans l’Essonne à faire voter des projets où on a d’abord considéré non pas les accointances politiques, mais l’intérêt du citoyen. »

 

♦ (re)lire l’article : Quelle suite à la Convention citoyenne pour le climat de Grenoble ?

 

Un mouvement sur les fonts baptismaux

Si cette femmes d’engagements relève à l’époque avec panache le défi qu’elle s’est imposé, elle est malgré tout échaudée par les méthodes. Elle décide alors de prendre ses distances avec sa famille politique. « J’ai bien essayé de proposer des idées, mais j’ai vu très vite que le parti n’en avait rien à faire. Alors j’ai démissionné. J’avais en parallèle monté mon petit mouvement ». Novice, mais fine mouche et stratège. « Je n’en étais qu’à mon premier mandat, je n’avais pas d’expérience, donc je me suis dit que la seule chose qui pouvait faire se tourner les politiques vers le citoyen, c’était d’embarquer du monde derrière moi ! C’est comme ça qu’est née La France Vraiment en 2016. »
Comme elle l’a fait pour le tissu associatif dans son département, Aurélie applique la même recette à son mouvement : « On a embarqué des gens de droite et de gauche qui avaient le même raisonnement que moi et je leur ai dit : chacun de nous va appeler son réseau et c’est comme ça qu’on va grandir ». Au départ, se souvient-elle, c’était un joyeux bazar : « Il y avait un directeur d’opéra, un Marseillais haut-fonctionnaire, une architecte qui vit à Nantes… Au fur et à mesure, on a agrégé des bonnes volontés. Grâce aux réseaux sociaux, on a monté des antennes avec des citoyens et multiplié les réunions. Avant les gilets jaunes, la classe politique traditionnelle regarde l’initiative avec circonspection. Ce n’est qu’après, se souvient Aurélie Gros, que certains vont commencer à être attentifs. Et pour cause. »

 

L’effet Gilets jaunes

« Quand les gilets jaunes arrivent, j’allume ma télé et je me dis que j’avais raison. Ce qui se passait là incarnait pour moi un manque de fraternité et d’écoute. Cela traduisait le besoin et l’envie d’être entendus sur les problèmes du terrain. Or nous, ces problèmes-là, on y travaillait à l’époque depuis un an ».
Alors Aurélie et son mouvement mettent les bouchées doubles et sillonnent la France. « On a même été appelés par des municipalités pour mener le grand débat national, mais avec notre méthode : celle de la démocratie participative. » Du Loiret à Sète en passant par le nord et l’est, vont se tenir plus de 400 réunions.
Loin de mettre un coup d‘arrêt au mouvement, le confinement va le renforcer : « Les gens nous ont rejoints. Et quand une révolution citoyenne -moi j’appelle ça comme ça- ne s’arrête plus et dure depuis les gilets jaunes, ça signifie que le problème n’est pas résolu. » Forte de ses 30 000 sympathisants Aurélie se dit donc qu’il faut peut-être aller au-delà. À la veille de la présidentielle, en 2022, elle imagine les bases du G500 citoyen.

 

♦ Lire aussi : Comment redonner aux citoyens le goût de l’engagement ?

 

Solutions Citoyennes

« Je vois la montée des populismes. Je constate aussi que les Français n’ont plus envie d’aller voter. Alors je me dis qu’il faut faire quelque chose pour leur dire – aux politiques- vous voyez bien que ça ne fonctionne plus qu’il y a un désamour de la part de la population ». Pour inverser la tendance, Aurélie imagine donc rendre la parole à cette France d’en bas, cette fameuse majorité silencieuse, pour qu’elle redevienne force de propositions. La méthode ? Elle l’a déjà en partie éprouvée avec la France Vraiment, et duplique donc le modèle. « Comme pour le G7 ou le G20, explique-t-elle. Sauf que les décideurs ce sont les citoyens. C’est d’eux que partent les idées. Notre méthode permet de fédérer, voilà la différence : en principe dans le milieu associatif chacun veut rester dans son pré carré. Nous, on a réussi avec le G500 à ne pas avoir spécialement de leadership, raison pour laquelle ça marche. »
Et Aurélie voit aussi plus loin : bien sûr l’acte 1 est de parvenir à faire adopter les résolutions qui sont actées lors du sommet citoyen. Mais avec ce levier démocratique, c’est un changement profond de manière de faire qu’elle appelle de ses vœux.
« L’ambition est réellement d’être l’ONG associative la plus grosse de France. De manière à pouvoir interpeller les décideurs. Un peu à la manière des associations de consommateurs aux USA qui peuvent faire pencher une politique publique. » Aurélie y croit : « Il y a un véritable changement qui se profile. On voit que les partis n’arrivent plus à se reconstruire, mais en revanche il y a une place pour la société civile. »

 

Sans attaches

Et cette non-appartenance à tel ou tel parti est aussi une manière d’avoir la parole libre et les coudées franches « Nous ne sommes financés par personne et souhaitons rester indépendant, précise Aurélie Gros. On est persuadés qu’ensemble, on est une force de propositions. Sachant que notre but n’est pas de faire des cahiers de doléances… ni de faire le travail à la place des institutions. En revanche, ce qu’on leur dit institutions, c’est allez-y, prenez le fruit de nos réflexions, il est gratuit. Comment peut-on imaginer réformer le système de santé par exemple sans les professionnels de santé ? C’est une grosse erreur. Avoir les gens de terrain est intelligent, mais pour être sûr et certain que ça tient dans un système complet, il faut aussi l’œil des experts. C’est ce qu’on essaie de faire au G500 ».
D’ailleurs ça fonctionne et les résolutions une fois adoptées finissent parfois par être reprises par les pouvoirs publics : « La déconjugalisation de l’AAH (Allocation adulte handicapé -Ndlr), ça c’est sorti ! Ce n’était pas porté que par le G500, mais on a fait du lobbying. La question des ratios dans les hôpitaux aussi et même parmi nos idées sur le mécénat, une proposition a été reprise », énumère Aurélie qui a toujours en tête l’étape d’après. Si elle ne dort que quatre heures par nuit, c’est pour mieux préparer la suite.

 

Des propositions pour les prochaines présidentielles

« Je me dis que le G500 va pouvoir constituer une base programmatique qu’on proposera aux candidats, pour la prochaine présidentielle. On a une force de frappe, on agrège des associations dans tous les domaines et j’espère qu’on arrivera à faire changer la manière de faire de la politique. »
Serait-ce la marque d’une incorrigible optimiste, à moins qu’elle ne soit idéaliste ? Quand on lui pose la question, la réponse fuse : « Je suis les deux mon capitaine. Et je pense au contraire qu’on peut faire de la politique quand on est idéaliste. Ça amènerait du positif dans notre pays qui en a bien besoin ! Moi, j’ai la foi, conclut-elle. Et tant que je l’ai, je continue à me battre. » ♦

 

Bonus

Les 8 associations et collectifs fondateurs du G500. La France Vraiment, Collectif Santé en danger, Collectif Démocratie Ouverte, Electis, I2M (Innovons pour Marseille), « Handicap, République et Société », Papillons de Jour, A.M.O.U.R. de la Justice.

Le programme du Sommet 2023. C’est par ici, et cela se tiendra à l’Artplexe de Marseille.