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Avec DualSun, c’est électricité ET eau chaude !

Par Raphaëlle Duchemin, le 17 février 2022

Journaliste

Jérôme Mouterde mise sur une production de 20 000 panneaux hybrides en 2022 © DualSun

Leurs panneaux solaires hybrides équipent déjà un immeuble aux Catalans ou encore un EPHAD à Allauch : DualSun est une des pépites marseillaises qui veut révolutionner le photovoltaïque.

L’entreprise a mis au point un panneau innovant qui ne se contente pas de fournir de l’électricité : grâce à un second circuit, il chauffe aussi l’eau. Son créateur rêve déjà de voir disparaître les grosses centrales pour nous rendre autonomes en énergie.

 

De Solaire G2 à DualSun

Tout commence dans un garage. Comme souvent avec les Géotrouvetout. Sauf que cette fois, notre inventeur, Jérôme Mouterde, sort de l’École Centrale. Avec son associée Laetitia Brottier, qui a suivi le même cursus, ils n’ont qu’une idée en tête : démontrer qu’on peut mettre au point des panneaux solaires hybrides. Un projet d’ingénieur très technique qui va les conduire de Paris à Marseille. Nous sommes en 2010. DualSun vient de naître.

Au début le projet s’appelle Solaire 2G. C’est d’ailleurs le nom qu’il va porter pendant trois ans… À l’époque, le duo travaille d’arrache-pied pour faire breveter ses panneaux. Leur particularité ? Ils permettent non seulement de fournir de l’électricité mais aussi de chauffer l’eau. Et si c’est à Marseille que le tandem s’installe ce n’est pas parce que le soleil est au rendez-vous plus de 320 jours par an. Non. Jérôme et son acolyte ont repéré au technopôle de Château-Gombert un laboratoire du CNRS qui héberge une unité spécialisée en thermique. Idéal pour pouvoir valider le concept.

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Diplômés de Centrale, Jérôme Mouterde et Laëtitia Brottier se lancent en 2010 © DualSun

 

Tests probants

À chaque nouveau coup de pouce le projet avance. Car le RSA de Jérôme Mouterde ne suffit pas à acheter les cellules photovoltaïques ou encore le verre, nécessaires à la fabrication de son « 2 en 1 ». Mais à force de persévérance, le concept fait ses preuves. Les premières poses se font chez les Beta testeurs qui confirment l’efficacité du panneau. En 2012, l’entreprise qui tourne avec des stagiaires commence à gagner des concours et décroche sa première levée de fonds.

« Au départ, explique le concepteur, on fabriquait à la demande, quand on faisait des ventes. » Mais très vite un premier gros client arrive : Bouygues construction- qui a repéré l’ingéniosité du système- demande à Dualsun d’équiper la toiture de son futur siège social. 200 panneaux à livrer en neuf mois. Pas le choix, il faut commencer à penser industrialisation. « Cette première commande nous a fait passer une étape, confirme Jérôme. On ne pouvait plus monter les panneaux à la main, on s’est dit qu’il fallait gravir d’autres marches ».

 

 

L’Ain plutôt que l’Asie

Les Centraliens commencent alors à se creuser les méninges pour dessiner et concevoir la machine qui va assembler les éléments de son lego solaire.

Entre-temps les dernières usines européennes qui fabriquaient les panneaux photovoltaïques ont fermé : il n’y a pas d’autre choix que d’aller s’approvisionner en Asie. Mais pour l’échangeur, pas question de concevoir ailleurs qu’en France. C’est donc avec un prestataire de Jujurieux dans l’Ain que l’entreprise choisit de nouer un partenariat. « On a d’ailleurs passé beaucoup de temps sur les routes et sur place, pour expliquer comment elles fonctionnaient », confie Jérôme Mouterde. Mais l’investissement est payant : car aujourd’hui 15 000 panneaux sortent des lignes et font travailler à temps plein huit personnes à l’usine.

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Dans l’usine de Jujurieux, huit personnes travaillent à temps plein pour DualSun © DualSun

Réindustrialiser

« Notre projet, c’est de réindustrialiser, explique-t-il encore. Mais pour ça, il faut d’abord pouvoir monter en volume. »  Et c’est plutôt sur la bonne voie, car DualSun devrait être en capacité de produire cette année 20 000 panneaux. Autre avantage et non des moindres, sur le marché, l’entreprise n’a que peu de concurrents : un sérieux en Espagne et un nouveau aux Pays-Bas. Or l’engouement pour les nouvelles énergies ne cesse de croître. Entre les aides à l’installation et la notion de circuit ultra-court la question de la rentabilité est vite tranchée. D’ailleurs, confirme Jérôme, « 90% de ceux qui viennent nous voir sont des particuliers qui ont vite fait le calcul des économies à moyen terme, même si l’hybride reste aujourd’hui encore deux fois plus cher que le photovoltaïque classique ».

 

 

Passeur de savoir-faire

Pionnier, DualSun veut le rester dans son domaine. Et avec sa dizaine de brevets sur ces panneaux, il garde une sérieuse longueur d’avance dans ce secteur en pleine émergence. Pour mieux évangéliser, l’entreprise a misé sur le digital et s’est assuré un maillage de terrain avec une centaine d’installateurs partout en France. Mais les bras manquent pour faire face à la demande, alors Jérôme et son équipe ont eu l’idée de recourir à l’association de réinsertion Acta Vista, qui compte une formation baptisée Poseurs d’avenir. Trois mois pour que des travailleurs éloignés de l’emploi se familiarisent avec le métier en passant de l’électricité à la maîtrise de la charpente, jusqu’à la pose. Et ça marche : le dispositif a déjà permis de former 80 personnes, dont la moitié a commencé à travailler entre Lyon, Bordeaux et Marseille. ♦

 

Bonus

La filière solaire photovoltaïque en France. Elle s’est fortement développée à partir de 2009. En 2020, la production s’élève à 13,6 TWh (dont 0,5 TWh dans les DROM), en hausse de 11,1% par rapport à 2019. La filière a bénéficié au cours des dernières années d’une baisse sensible du prix des modules photovoltaïques. L’autoconsommation photovoltaïque est par ailleurs en plein essor ces dernières années. En 2019, elle s’est élevée à 116 GWh.

Les énergies renouvelables représentent 13,1% de la consommation d’énergie primaire et 19,1% de la consommation finale brute d’énergie en France en 2020. Ces parts sont en progression régulière depuis une dizaine d’années. La croissance importante de la production primaire d’énergies renouvelables depuis 2005 (+ 70% en France métropolitaine) est principalement due à l’essor des biocarburants, des pompes à chaleur et de la filière éolienne.