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Le Bar Radis, potager perché, durable et solidaire à Grenoble

Par Zoé Charef, le 10 janvier 2023

Journaliste

Sur 2300 m² de toit, le Bar Radis se décline aujourd’hui en bar, restaurant, terrasse, atelier de transformation alimentaire et 1000 m² de maraîchage ©DR

Perché à 15 mètres de hauteur sur le parking de l’écoquartier Flaubert de Grenoble, le Bar Radis est un lieu de transmission culinaire et culturelle. Dans cette maison de l’alimentation durable et solidaire, j’ai découvert un potager aérien et rencontré l’un des cofondateurs de ce lieu palpitant.

« Ça faisait un moment que j’avais comme idée de monter une épicerie ou un resto solidaire à Grenoble », raconte d’emblée Leny Moulin, casquette-béret vissée sur la tête. Créer une maison de l’alimentation durable, un lieu de solidarité et de transmission culinaire et culturelle. Installé au sommet du parking silo flambant neuf de l’écoquartier Flaubert, voici le Bar Radis, qui a ouvert ses portes en octobre dernier. Et Leny, tout juste 30 ans, assure la coordination générale du projet.

 

Des bureaux d’études au projet Bar Radis

Le Bar Radis, une maison de l’alimentation durable et solidaire à Grenoble
Leny, gérant du Bar Radis. © Zoé Charef

Après des études de géographie, une première spécialisation en aménagement des territoires centrée sur l’alimentation puis une autre dans les politiques publiques alimentaires en France et à l’international, Leny entame une carrière dans des bureaux d’études pendant un peu plus de cinq ans. « Le consulting m’a appris énormément de choses, mais ça m’a épuisé. Mon terrain de jeu s’étendait sur la France entière. Et en termes d’idéologie, j’étais un peu éloigné de mes convictions. Dans les bureaux d’études, il y a une notion de rentabilité économique et j’avais un salaire royal. Mais j’ai fait un choix, j’ai préféré entrer dans le concret », confie-t-il quand on le questionne sur son parcours.

Alors, à la sortie du confinement, au printemps 2020, il se lance un double défi. Devenir consultant indépendant auprès des collectivités, départements et associations sur les questions de précarité alimentaire et de développement de circuit court. Et, en même temps, élaborer un projet mixant alimentation et solidarité.

Si ses dossiers sont d’abord retoqués à cause de son manque de compétences en cuisine, finance et comptabilité, cela n’arrête toutefois pas Leny. Il s’inscrit à des cours du soir, « pour apprendre à entreprendre », raconte-t-il. C’est la réunion publique de présentation d’un appel à projets de la ville de Grenoble qui le met sur le chemin d’autres entrepreneurs motivés. 

 

La Grande Table de Grenoble

Le Bar Radis, une maison de l’alimentation durable et solidaire à Grenoble 1
Le premier rooftop de Grenoble, sur le toit d’un parking. © Zoé Charef

Avec ce projet nommé La Grande Table, la ville de Grenoble souhaitait mettre en place son premier rooftop sur le toit de ce parking, pour l’exploiter commercialement.

« Le projet nous a bien plu, explique Leny, parce qu’on faisait déjà de la culture alimentaire sur les toits de la Casemate. » Ce « nous » agrège plusieurs structures : Cultivons nos toits, une association accompagnant des bailleurs et collectivités pour créer des jardins sur les toitures et rez d’immeubles, Malto Bar – une micro-brasserie grenobloise – et le restaurant du centre-ville de Grenoble La tête à l’envers. « On a réuni les trois pour répondre à l’appel derrière l’association Le Bar Radis. Et on a été lauréats début 2018. » Pour Leny, l’atout de leur projet provient du volet social de l’activité économique.

 

Une gérance partagée

Le Bar Radis, une maison de l’alimentation durable et solidaire à Grenoble 7
Explications artistiques des différents espaces du Bar Radis. © Zoé Charef

Si pour s’assurer un salaire, Leny a d’abord gardé son activité de conseil le temps de la construction du Bar Radis, il s’y consacre entièrement depuis mai dernier. « Je suis à la gérance globale du lieu. Tout ce qui est ressources humaines, administration, comptabilité, finance… et je suis amené à faire du service, de la cuisine, à être au bar », dépeint Leny. C’est dans la mentalité de l’équipe : « On se serre tous les coudes. » Comme le projet leur semblait titanesque, l’association a opté pour une gérance tournante tous les deux ans répartie entre trois personnes : Benoît gère le bar, Pascal s’occupe du restaurant et Leny est chargé de la coordination générale. « Et pour l’instant, ça a vraiment très bien démarré », se réjouit Leny. 

 

Lire aussi : Un fast-food au service de la solidarité !

 

« Donner accès à une alimentation aux personnes qui n’en ont pas forcément les moyens »

Le Bar Radis, une maison de l’alimentation durable et solidaire à Grenoble 2
La carte des boissons et de la programmation de l’association Les Ami-e-s du Bar Radis, devant le bar. © Zoé Charef

« On a pensé le projet pour que ce soit une maison de l’alimentation durable et solidaire, développe Leny. On a même choisi une forme juridique Scop pour générer suffisamment de bénéfices avec l’activité du bar-restaurant et financer ainsi des activités à but non lucratif, principalement celles de notre association Les Ami-e-s du Bar Radis*. » Un banquet repas solidaire à prix libre a déjà été organisé en novembre. « On risque de perdre de l’argent mais ce n’est pas grave. L’objectif est de créer du lien social, de donner accès à une alimentation saine aux personnes qui n’en ont pas forcément les moyens. »

L’écoquartier Flaubert est en effet en restructuration pour insuffler de la mixité. Des logements sociaux jouxtent des appartements de propriétaires. « Du moins, sur le papier, tempère Leny. Parce que ça peut très vite devenir un lieu bobo. Je me considère comme bobo, donc ce n’est pas une critique. La plupart de notre clientèle l’est également. » Mais l’enjeu de toute l’équipe reste cependant de « réussir une vraie mixité, que ces publics différents se rencontrent et échangent. » D’autant que le quartier se situe entre le centre-ville, plus aisé, et les quartiers sud, plus populaires. « On est excentré, mais ce secteur est quand même dynamique. Et on a commencé à travailler avec d’autres entrepreneurs des alentours pour développer de l’activité économique. Créer de l’offre permettra de tous se tirer vers le haut », souligne encore le gérant du Bar Radis, confiant.

 

Un potager urbain…

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Les différents espaces du potager du Bar Radis, avec une vue unique sur les massifs grenoblois… et les immeubles. © Zoé Charef

Après huit mois de travaux (et 650 000 euros –lire bonus) pour mettre à profit ces 2300 m² de toit, le Bar Radis se décline aujourd’hui en bar, restaurant, terrasse, atelier de transformation alimentaire et 1000 m² de maraîchage répartis sur plusieurs espaces. S’inspirant de ce que faisaient les maraîchers parisiens du 21e siècle, les productions de leur potager seront intégralement destinées au restaurant. « Elles couvriront à terme 20% de nos besoins en fruits et légumes, précise Leny. On a également une serre horticole, où l’on fabrique nos propres plans et micro-pousses. »

Les éventuels excédents seront utilisés pour les ateliers cuisine et pédagogiques que leur association organise. Ateliers d’agriculture ou conférences sur l’agroécologie et la cuisine consciente : le Bar Radis veut sensibiliser, partager et questionner l’alimentation des Grenoblois.

Les autres produits utilisés en cuisine sont locaux. Et si le potager ne peut pas obtenir l’agrément bio « parce qu’il n’est pas relié à la terre », aucun pesticide n’y est utilisé. La brigade se ravitaille dans un rayon de 100 km. Cola du Trièves, la limonade du Vercors et jus d’Isère pour les boissons. Un groupement de producteurs du Trièves fournit le complément de légumes. Le pain provient d’une coopérative grenobloise et la viande, de Montagne Saveur, une entreprise locale et bio.

 

…et un menu pour prendre conscience de son impact

Le Bar Radis, une maison de l’alimentation durable et solidaire à Grenoble 6
Le menu d’automne proposé par le Bar Radis. © Zoé Charef

Pour le menu du restaurant, un système innovant a été choisi : « On a deux plats carnés et deux plats végé. La même base pour deux alternatives. » L’idée globale est de communiquer sur ce que cela représente en nutrition, en énergie, en préparation et pour l’environnement. « Mais sans faire culpabiliser les gens, clarifie Leny. Plutôt pour que les clients puissent choisir en sachant ce qu’il y a derrière ce qu’ils mangent, c’est-à-dire les litres d’eau nécessaires au plat, le salaire du producteur, etc. »

Malgré un très bon début d’activité – un restaurant qui affiche complet tous les midis et soirs et une programmation culturelle qui s’enrichit -, la comptabilité reste toutefois un point noir. « Entre l’emprunt, le loyer, les charges financières conséquentes… l’équilibre n’est pas encore là ! C’est une grosse pression financière à l’ouverture », admet Leny. Sans se départir de son optimisme.

 

Bonus
  • Les ami-e-s du Bar Radis. L’association représente le volet social du projet. Elle veut promouvoir une alimentation saine et durable à travers son café associatif, des animations culturelles et sociales accessibles à tous. Et, pour ce faire, a embauché trois personnes : une coordinatrice, une animatrice du café et une chargée de communication. Les locaux du bar sont ainsi  intégralement mis à disposition de l’association les après-midis (pour le café associatif). « Avec des tarifs moins élevés, par volonté d’offrir une accessibilité aux produits », développe Leny. L’asso programme aussi ateliers, soirées jeux, événements culturels. Théâtre d’impro, concert acoustique et banquet populaire ont déjà été organisés.

 

  • Les financements. Pour que le projet voit le jour, l’équipe du Bar Radis a dû trouver 650 000 euros. Dont 20 000 euros de subventions publiques (la ville, la métropole et le département notamment), un emprunt de la coopération de 500 000 euros, environ 100 000 euros de dons des fondations Aviva et Carrefour. Plus une campagne de crowdfunding (sur Mimosa) qui a apporté 36 000 euros… Sans oublier les prêts personnels de l’équipe !
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Le 2 juillet 2022 s’est tenue la première édition du Marseille Rooftop Day. Des propositions ludiques, familiales, créatives, sportives, singulières et solidaires. Mais aussi un événement professionnel d’échanges, en collaboration avec les autorités publiques locales, pour faire progresser l’utilisation durable, sociale et créative des toits de Marseille.

Cet événement s’inspire du festival Rotterdamse Dakendagen de Rotterdam qui promeut l’utilisation durable des toits en milieu urbain. Avec 7 éditions, 77 toits participants, 18 km d’aménagement et plus de 25 000 visiteurs, Rotterdam a déjà convaincu 10 autres villes européennes à faire de même.