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Quand un biberon varois devient objet iconique !

Par Raphaëlle Duchemin, le 25 mars 2021

Journaliste

Elles sont chanteuses, influenceuses, femmes de footballeurs, « filles de ». Elles vivent en Ukraine, en Corée du Sud, en Allemagne ou juste à côté de chez nous. Leur point commun ? Toutes ont adopté la petite marque toulonnaise de biberons Elhée. Ce succès, c’est celui d’une maman de trois enfants qui a rêvé le bib’ idéal et s’est donné les moyens de le réaliser : 40 000 biberons vendus en un an sans faire de bruit.  

 

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi le biberon que nous donnons à nos enfants est de forme allongée ? Cette question, Allison Piraud ne se l’était jamais posée. Jusqu’à ses 40 ans et la naissance d’Eléonore, sa petite dernière, il y a six ans.

Le BibRond en harmonie avec la nature est varois !Germe alors dans son esprit l’envie de créer un objet de transmission plus en harmonie avec l’univers du bébé. Pour qu’il rappelle la forme du sein, elle le dessine rond. Pour que le nouveau-né puisse le saisir facilement, elle l’imagine souple. Et pour qu’il soit totalement inoffensif sur la santé des nourrissons, elle met un soin tout particulier à choisir la matière :  ce sera du silicone de grade médical, sans aucune substance volatile et nocive.

Sur le papier tout y est. « Je mangeais, je dormais, je vivais biberon, j’étais habitée », se souvient Allison.

 

Ça ne se démoulera jamais !

Ironie du sort, son mari, industriel de la plasturgie lui a toujours déconseillé les biberons en plastique. Y compris pour les deux aînés, qu’elle a allaités. Mais Allison place la barre tellement haut en matière d’exigences sanitaires, qu’elle parvient même à l’embarquer dans l’aventure !

Aucun détail, ni technique ni artistique n’est laissé au hasard. Ainsi, la partie basse est molle pour une meilleure prise en main par les doigts potelés des tout-petits. Le biberon peut bien tomber, il ne se casse pas. Quant à la bague plastique qui enserre la tétine – retravaillée cette année en matière recyclée- elle n’entre jamais en contact avec le lait.

Mais à l’époque, en 2017, personne n’y croit vraiment. Certes on l’aide, on l’oriente, mais elle ne parvient pas à convaincre de la faisabilité de son projet. Les spécialistes sont formels : ça ne se démoulera jamais !

« C’est un Papi, raconte-t-elle, qui m’a fait confiance. Il a effectué toute sa carrière dans les grands comptes, il a été séduit, et c’est lui qui m’a permis de fabriquer mes premiers prototypes. »

 

 

Une marque engagée

Reste alors à choisir les partenaires. Pour les moules, direction le Pays Basque. C’est dans une Scop d’Ustaritz qu’Allison va trouver du sur-mesure. Vient ensuite le fabricant. Là, c’est chez K-Plast à Saint-Marcellin qu’elle fait la bonne rencontre : l’industriel isérois réceptionne la matière première en provenance d’Allemagne et la transforme tel qu’Allison l’a imaginé.

La même exigence de qualité est apportée au packaging : c’est donc en papier recyclé et à base d’encre végétale que sont réalisés les emballages dans la Drôme. Le « BibRond », à ce stade est presque dans les mains des acheteuses.

Mais avant, il passe encore par un l’ESAT La Providence, dans la Drôme également. Là-bas, les différentes parties de l’objet sont assemblées. Les pastilles de couleurs et les codes-barres y sont collés sur les boîtes. Une telle relation de confiance s’est nouée que l’entreprise a aussi choisi de confier aux adultes en situation de handicap qui y travaillent la logistique et toute la vente directe de la marque.

 

 

Le BibRond fait des jaloux

Le pari était risqué, mais la fille de commerçant à de la ressource. Elle a fait ses armes dans la grande distribution, a planché son droit et sa fiscalité de l’entreprise. Ça aide !

Lâchée par le réseau qui la soutenait, mais sûre de son projet, elle n’hésite pas à taper aux portes pour aller chercher l’argent qui va lui permettre de lancer sa première ligne. Ses économies y passent : 60 000 euros. Son fidèle banquier la suit et lui prête la mise de départ, les premiers 200 000 euros manquants.

Résultat : aujourd’hui ce sont les grands noms de la biberonnerie et du design qui lui font les yeux doux, bluffés par son audace et la qualité de son produit. En un an et demi, elle a en effet réussi là où le secteur planche depuis quatre ans en R & D sur des projets similaires.

 

Beaucoup d’ambition

Ce n’est pas parce qu’elle se fait draguer par les géants du secteur que la jolie brune aux yeux noirs entend céder aux sirènes du commerce de masse. Oui, son ambition est de devenir un acteur référent dans son domaine. Mais non, pas question d’aller en grande distribution dit-elle. Le système tire trop sur les prix…

D’ailleurs, elle peut s’offrir ce luxe de leur dire non : des stars se sont chargées d’assurer sa cote d’amour auprès des futures mamans. Shym, Nabilla ou la fille du grand patron américain de l’empire Dell se sont prises en photo avec leurs enfants et ses produits. Quelques clics ont suffi pour faire le reste : la (bonne) réputation d’Elhée s’est répandue sur les réseaux plus vite qu’une rumeur. Résultat, la vente en ligne cartonne et les demandes des concept-stores affluent.

Aujourd’hui, Elhée pense à l’avenir, immédiat d’abord. Dès le mois d’avril, en plus des modèles 150 et des 240 ml, sortira le 330 ml réclamé par les fans. En juin, la tétine viendra compléter la gamme, ainsi qu’un « lait de lait » – senteur de l’enfance. Le parfum est en préparation à Grasse.

 

Objectif 80 000 biberons

Ces nouveautés devraient permettre à Allison d’atteindre ses objectifs – 80 000 biberons d’ici fin 2021 – pour ensuite se lancer à la conquête du marché américain. « Un gros morceau –reconnaît-elle assise dans son bureau de Toulon Var Technologies. Mais j’ai de l’ambition, ce n’est pas un gros mot ». Elle peut en avoir, forte de ses deux brevets. Elle a déjà relevé bon nombre de défis pour Elhée, comme se battre face au magazine « Elle » qui trouvait la marque un peu trop proche du nom de son titre. Qu’à cela ne tienne Allison a ajouté un « h » et des accents. « Pas question de changer c’est le diminutif de ma fille. Et j’ai bien fait, sourit-elle. On se nourrit de micro-succès : une maman m’a écrit la semaine dernière pour me dire qu’elle avait choisi de prénommer sa fille Elhée. » ♦

 

Bonus

Quelques chiffres – 300 points de vente, des biberons présents dans 35 pays, des collaborations aussi comme avec Liberty London qui va mettre ses bibs dans des trousses pour une campagne de charité.

 

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