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Quand la bière contribue à redynamiser tout un quartier

Par Virginie Menvielle, le 20 décembre 2022

Les bénévoles organisent deux événements dans l’année : la distribution des pieds de houblon et la récolte © DR

La bière est la boisson préférée des gens du Nord, pourtant ce n’est pas parce que les Ch’tis aiment ce breuvage qu’on vous en parle ! Mais parce que c’est l’ingrédient phare de « Houblons-nous », un projet qui, depuis 2017, contribue à redynamiser le quartier Bois Blancs, à Lille. 

 

Du houblon dans des pots de fleurs, dans les jardins familiaux ou qui grimpe sur des façades du quartier Bois Blancs… À Lille, la fameuse fleur qui sert à fabriquer la bière est partout. Pourtant, rien ne prédestinait ce quartier tranquille à se lancer dans la culture de houblon. Si ce n’est l’envie de Pierre, Jérôme, Émerick, Thibault, Cécile, Thomas, Xavier, Émilie et Antoine qui ont fondé Houblons-nous, en octobre 2017. Leur but : « Créer du lien avec les habitants du quartier autour de la bière ». Antoine raconte : « On n’a rien inventé, on s’est inspiré d’une autre association, Tous Houblon, à Fives et Hellemmes (autres quartiers lillois) qui cultivait déjà du houblon. On est allés voir comment les bénévoles travaillaient… » 

 

« Lors des récoltes, on retrouve l’ambiance d’autrefois »

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Les fleurs de houblon sont récoltées à la main. Ce sont les différentes variétés de houblon qui permettent de donner un goût à la bière, ses notes plus ou moins fruitées.

Antoine poursuit : « La première année, on a distribué 125 pieds de houblon aux habitants pour que chacun les cultive chez eux. Lors des récoltes, on retrouve l’ambiance d’autrefois. Plusieurs générations sont installées autour d’une table. Plein de bénévoles qui cueillent en écoutant des concerts.» Le partage se ressent dans la cueillette même, qui nécessite de travailler ensemble. Certains plans requièrent quatre heures de récolte de la part de six personnes, par exemple. Cela amène ainsi les habitants du quartier à se rencontrer. « Cest vraiment le cœur de notre assoc’ », insiste Antoine. 

À leurs débuts, seul Emerick maîtrisait le brassage. « Avec les autres membres, nous aimions boire de la bière et en particulier des bières un peu chelou (rires) : vieillies en fûts de whisky, au poivre… ce genre de choses. On savait que ce n’était pas ce qu’on voulait proposer au public. Plutôt des bières cool blondes légères qui plaisent à un maximum de personnes ». Leur vrai problème n’était pas de s’adapter aux goûts des habitants du quartier, « mais c’est qu’on ne savait pas brasser », confie dans un sourire Antoine. Or, tout ne pouvait pas reposer sur les épaules d’une seule personne. 

 

D’amateurs de bières à brasseurs 

Antoine raconte : « Notre brasseur nous a dit au bout de six mois, “je vais pas faire tous les brassins“. Alors, il nous a formés. On a appris à suivre des recettes et à brasser. Nous sommes désormais quatre, Emerick, Thomas, Xavier et moi à savoir le faire. Et, on est en train de former Cédric et Damien à leur tour. Il y a pas mal de brasseurs amateurs dans l’asso’, des gens qui ont acheté des kits de brassage et qui ont envie de passer à l’étape supérieure avec les cuves, etc. » 

Il faut dire que, depuis sa création, l’association a bien grandi. « La première année, on a brassé 300 litres. En ce moment, on brasse quasi toutes les semaines ». En priorité pour les associations du quartier, histoire de coller à l’ADN de l’association. « Nous avons été présents pour le marché de Noël du quartier, aux 40 ans du centre social, à la braderie, au carnaval… » Bref, à tous les évènements organisés par d’autres associations du quartier, Houblons-nous répond présent. 

« Les habitants sont heureux de participer »

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Houblons-nous a brassé avec la brasserie Barbe blanche : la Châteauneuf du Pack. Un exemple de collaboration réussie pour l’association.

Les bénévoles organisent deux événements à part entière dans l’année : la distribution des pieds de houblon (125 tous les ans) et la récolte. « Cette année, la distribution des pieds a eu lieu à la fin du carnaval. Le défilé débouchait sur un jardin partagé, où Houblons-nous tenait un stand. On n’a pas fait de décomptes contrairement à l’année précédente, mais il y avait aussi beaucoup de monde. Les habitants sont heureux de participer. » Quelque 800 personnes en moyenne viennent participer à la récolte, c’est un moment fort de la vie du quartier pour lequel de nombreuses associations participent. Antoine détaille : « Un des jardins familiaux nous accueille pour l’évènement. Le café participatif se charge des repas, la radio associative Bois Blancs organise des concerts… » Un bel exemple de solidarité et de vie de quartier, ce que souhaitaient les chevilles ouvrières quand elles ont monté leur projet. 

 

De l’associatif à la brasserie artisanale

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Damien, l’un des bénévoles de l’association en pleine formation brassage. Ici, il est à l’étape non moins importante du broyage.

Il y a quelques mois, Houblons-nous a pris une nouvelle ampleur. Ayant obtenu un local en plein cœur du quartier, elle s’investit davantage. « Entre mai et juillet, on a participé aux évènements de dix associations différentes. Si on commence à fabriquer toutes les semaines, il va falloir qu’on produise plus », fait remarquer Antoine. L’association est d’ailleurs tellement ancrée dans le quartier que les habitants n’hésitent pas à venir passer la porte du local, juste pour venir dire bonjour. Ils sont d’ailleurs 250 à en faire partie et tous ne sont pas des amateurs de bière. Certains viennent pour l’ambiance, le partage entre les membres. Pour le noyau dur de Houblons-nous, composé de 10-15 membres actifs, cette proximité est indissociable de leur projet. Pour la conserver, les membres actifs chouchoutent ces adhérents : « On offre une bouteille de bière à chaque personne pour les fêtes, par exemple », souligne Antoine. 

« Pour nous, ce houblon, c’est celui du quartier, il ne nous appartient pas »

Aussi, en ce moment, l’activité brassage tourne à plein. L’association est pour le moment en capacité de produire 180 litres par semaine et envisage de brasser encore davantage. « Notre bière était distribuée dans un bar, puis dans un deuxième depuis octobre. Elle est aussi au café participatif qui a été fondé dans le quartier, ça aurait été impensable pour nous de pas en être. Notre but est et reste de participer à la vie du quartier ». Houblons-nous a aussi lancé des collaborations avec d’autres associations et commence à réfléchir à la suite. Antoine souligne : « Pour nous, ce houblon, c’est celui du quartier, il ne nous appartient pas. Donc je trouve assez limite de distribuer notre bière à Lille Centre et Villeneuve d’Acsq. Ça ne profite plus aux habitants du quartier alors que c’est pour eux qu’on fait tout cela ». 

Cette présence dans les bars les a fait monter dun cran et amenés à réfléchir à la suite. « On sest dit quon devait professionnaliser notre pratique. Alors on a créé un fichier de suivi de production et on est désormais inscrits aux douanes. Pour passer tranquillement de l’associatif à l’artisanal. Tout en conservant ce qui fait notre force : le lien avec les habitants via les distributions de pieds de houblon et la récolte. »