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Les micro-algues à la rescousse d’un air plus pur

Par Agathe Perrier, le 14 décembre 2022

Journaliste

Biomitech a déjà installé une petite dizaine de ses colonnes de purification de l'air en Amérique du Sud © DR

L’entreprise BiomiTech a créé un système de purification de l’air à base de micro-algues : le « BioUrban ». Fonctionnant selon le même processus que la photosynthèse, il transforme les polluants, notamment le dioxyde de carbone et les particules fines, en oxygène. Une dizaine de ces puits de carbone sont déjà en place en Amérique du Sud. Ils arrivent en France en commençant par le territoire d’Aix-Marseille, d’ici le début de l’année 2023.

 

Combattre la pollution de l’air : tel est l’objectif de BiomiTech. Créée en 2017, cette entreprise s’attaque directement aux polluants qui le composent (dioxyde de carbone, oxydes d’azote, particules fines). Elle a pour cela conçu des colonnes métalliques remplies de micro-algues qui les absorbent et restituent de l’oxygène à la place. « C’est exactement ce que font les arbres avec la photosynthèse », résume Franck Schenaerts, directeur général de cette « cleantech ». Des puits de carbone qui fonctionnent autant en milieu urbain qu’industriel.

 

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Le BioUrban, système de purification pour les milieux urbains, mesure entre 2,10 et 4,20 mètres de haut et absorbe jusqu’à 85% des particules dans l’air © DR

85% des particules capturées

Pour les villes, le système de purification s’appelle BioUrban. La colonne mesure entre 2,10 et 4,20 mètres de haut et absorbe jusqu’à 85% des particules dans l’air. « Elle peut être installée en intérieur, dans les lieux recevant pas mal de monde. Ou en extérieur, là où il y a une forte pollution. Le but est de la mettre au plus proche de la source. C’est par contre inutile dans un espace vert car la nature fait suffisamment bien les choses », expose Franck Schenaerts. En plus de l’oxygène, les microalgues génèrent de la biomasse. Un déchet naturel – équivalent à de l’engrais – produit en petite quantité et qui peut être utilisé pour de l’épandage.

BioUrban affiche des résultats largement supérieurs aux arbres. Il est en effet capable de capturer entre 9 et 60 tonnes de CO2 par an, contre 10 à 40 kg en moyenne pour un arbre (bonus). Mais l’entreprise n’aime pas dresser ce type de comparaison. D’abord parce que les calculs sont complexes et dépendent de nombreux facteurs. Mais aussi pour éviter que les clients ne se servent de cette innovation pour du greenwashing. « On ne veut pas que notre produit soit assimilé à une forêt et donne bonne conscience pour déforester », glisse le directeur général.

 

 

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Le premier BioUrban français devrait s’installer début 2023 sur le territoire d’Aix-Marseille © DR

Du Mexique à Aix-en-Provence

Une petite dizaine de spécimens BioUrban sont en place en Amérique du Sud. Ils devraient être 200 dans les mois à venir puisque l’entreprise a remporté un appel à projets pour déployer ses colonnes dans les 35 capitales des pays de ce continent.

L’attrait pour cette partie du monde s’explique par le fait que BiomiTech est née au Mexique, à l’initiative de Carlos Monroy. Ce biologiste spécialisé dans les algues est d’ailleurs encore étudiant quand il créé cette start-up. Pour développer son projet, notamment l’aspect R&D, il part d’abord en Angleterre. C’est là qu’a lieu la rencontre avec Franck Schenaerts, alors dans l’import-export de produits à tendance écologique. « On a ensuite voulu déménager dans un pays d’Europe de l’espace Schengen. On a opté pour la France et plus particulièrement pour Aix-en-Provence de par sa proximité avec l’étang de Berre où la pression industrielle est forte », explique le directeur général. La start-up est depuis septembre installée au sein de la pépinière Cleantech, au technopôle de l’Arbois.

BiomiTech est actuellement en négociations afin d’installer un BioUrban sur le territoire d’Aix-Marseille. Et ce, très prochainement, même si le lieu n’est pas encore défini. Rien de plus ne filtrera pour le moment. Franck Schenaerts espère en tout cas lancer la commercialisation à grande échelle dès la mi 2023. Le prix d’une colonne est encore en réflexion. L’entreprise propose deux versions : avec ou sans écran publicitaire. Ce dernier fonctionne à base de LED et permet d’amortir le coût en générant des revenus. « C’est un win-win intéressant pour les collectivités qui ne disposent pas de beaucoup de moyens », glisse le dirigeant. La fabrication des colonnes sera par ailleurs relocalisée sur le territoire.

 

 

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Destiné aux milieux industriels, le BioFilter 1000 sera une colonne XXL de 17 mètres de haut pour 7 de diamètre © DR

Le secteur industriel dans le viseur

BiomiTech a mis au point deux autres systèmes. L’un, BioCov cible les composés organiques volatiles des carburants et s’installe donc près des stations essence. Des prototypes sont testés dans plusieurs stations services aux États-Unis et au Mexique.

Quant au second, le BioFilter 1000, il filtrera directement les émissions de procédés industriels à grande échelle qui produisent un volume élevé de pollutions. « On est actuellement dans la phase de développement d’un pilote au Mexique. On espère pouvoir le mettre en marche d’ici la fin 2023 ou le début 2024. En parallèle, on cherche à se rapprocher d’un industriel français, si possible du côté Marseille, pour lancer le même projet », indique Franck Schenaerts.

Cette colonne XXL – 17 mètres de haut pour 7 de diamètre – pourra traiter 50 tonnes de fumées par heure. L’objectif est de réussir à capturer entre 60 et 80% des émissions de CO2 et de 80 à 95% des particules fines. En contrepartie, ce traitement de quantités importantes de fumées va générer un volume conséquent de biomasse. Mais Biomitech a pensé à tout : ces déchets seront valorisés pour produire du biohydrogène et du biométhane. Tout se transforme, rien ne se perd. Et inversement !

 

Bonus

  • Les financements de BiomiTech – L’entreprise n’a eu recours qu’à des fonds propres. « La prochaine étape est sûrement une capitalisation », glisse Franck Schenaerts.
  • Les arbres, alliés du climat – Dans le monde, la forêt représente le deuxième puits de carbone après les océans. Les forêts françaises séquestrent chaque année 63 millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent de 14% des émissions annuelles françaises de gaz à effet de serre, d’après une infographie de l’office nationale des forêts (qui se base sur un rapport du Giec de 2018). Il est cependant difficile de calculer ce que chaque arbre est capable d’absorber. Cela dépend de son essence, son âge, le lieu où il pousse… Ecotree, société de gestion forestière, a néanmoins élaboré une méthode de calcul, qui a été validée par Bureau Veritas. Il en ressort qu’un arbre capture entre 10 et 40 kg de CO2 par an en moyenne. Le détail en cliquant ici.