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Bionetys, la société de nettoyage qui privilégie le bien-être au travail

Par Maëva Danton, le 24 mai 2021

Journaliste

Dans cette société de nettoyage, on organise des réunions toutes les deux semaines pour faire avancer ensemble l'entreprise et créer du lieu @Bionetys

Lorsqu’on parle métiers de la propreté, on pense souvent pénibilité au travail ou produits toxiques. À Marseille, l’entreprise Bionetys veut redorer cette image en proposant des prestations de nettoyage qui font passer le bien-être des salariés avant tout.

 

Pour arriver jusqu’aux locaux de Bionetys, il faut s’engager dans une coursive de la très calme rue Laforest, à quelques pas du métro de la Timone. Reste à traverser une petite cour avant d’apercevoir, sur la gauche, une terrasse équipée d’un salon de jardin flambant neuf devant une baie vitrée. Entreprise ou maison de particulier ? La question se pose. D’autant qu’un bouledogue noir déboule soudain, accueillant chaleureusement les visiteurs.

 

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Après trois années au Carburateur, Bionetys vole de ses propres ailes dans des locaux situés du côté de la Timone @Bionetys
L’entreprise comme lieu de convivialité

« Newton, viens ici ! », lui lance Yann Simonnet, fondateur de la société de nettoyage Bionetys. « C’est un peu la mascotte du bureau », sourit-il. Une manière d’animer l’espace et d’en faire un lieu de vie convivial.

Bionetys a posé ses cartons ici fin janvier. « On a tout refait, du sol au plafond », annonce fièrement l’entrepreneur.

En entrant, on découvre d’abord un alignement de bureaux éclairés par de petits spots qui constellent le plafond. « Ici, c’est un espace de coworking que l’on partage avec d’autres entreprises ». On trouve également des espaces de réunion et une salle de détente aux allures de pièce à vivre familiale. Cuisine équipée, table, chaises, imposant canapé d’angle, télé grand-écran… « Et prochainement on aura deux consoles de jeu. Les salariés ont voté pour. Ce sera un moyen de leur donner envie de passer plus de temps ici ».

 

Vivre le métier pour mieux le connaître

Créer une cohésion d’équipe. Yann Simmonet y tient tout particulièrement tant il sait combien les agents de nettoyage peuvent en manquer.

Après un parcours scolaire plutôt difficile, il s’oriente vers les métiers de bouche où il connaît, porté par des patrons bienveillants, une rapide ascension sociale. Il en tire une envie de donner à son tour. De valoriser des personnes. Mais souhaite changer de secteur d’activité.

Il se trouve que les produits d’entretien le passionnent. Et il sait que beaucoup de choses méritent d’évoluer dans ces métiers. Il commence par travailler comme agent d’entretien pendant deux ans et demi. Il découvre alors le quotidien des travailleurs de la propreté. Les journées interminables.  Le Smic qui permet tout juste de vivre. Les douleurs engendrées par des mouvements répétitifs et des positions inconfortables. Les mains brûlées par les produits.

Bionetys est fondée en janvier 2018 et s’installe dans un premier temps au Carburateur, la pépinière d’entreprise située dans le 15e arrondissement de Marseille.

 

Produits inoffensifs, matériel ergonomique

Dès le départ, la jeune entreprise s’attaque à la question des produits nettoyants et découvre l’existence des produits biotechnologiques, concurrents de ceux issus de la pétrochimie (néfastes) et de ceux issus de la biologie (à l’efficacité limitée). « Les produits biotechnologiques sont conçus à partir de bactéries. On les soumet à des conditions extrêmes et elles produisent naturellement des tensio-actifs 100% respectueux de l’homme et de l’environnement ».

Il se penche également sur le matériel. « Les balais classiques occasionnent beaucoup de troubles musculo-squelettiques, notamment au niveau du canal carpien. Et s’ils ne sont pas à la hauteur idéale, ils peuvent obliger à se pencher en avant ou à se cambrer en arrière ». C’est ainsi qu’il fait le choix de balais ergonomiques. Leur hauteur est ajustable et ils sont équipés de parties rotatives rendant la manipulation plus confortable. La même logique est adoptée pour une série d’appareils. La nuisance sonore des aspirateurs, par exemple, est réduite.

Mais dans la logique de l’entreprise, le bien-être des salariés dépasse le seul temps de travail. Global, il concerne aussi la qualité de vie au quotidien. À commencer par le salaire. « On a choisi de payer nos salariés au-delà du Smic ». Ce dernier ne permettant pas selon l’entrepreneur de vivre sereinement, d’avoir des loisirs et, de surcroît, de partir en vacances.

 

Friperie d’entreprise

Et puis il y a ces petites inquiétudes qui occupent l’esprit, et dont il veut aider ses équipes à se défaire. « Nous avons un poste d’accueil avec un ordinateur accessible à tous nos salariés lorsqu’ils ont besoin de gérer des affaires professionnelles ou personnelles. Car certains n’en ont pas chez eux».

Son associée Sandra Agusti-Garcia, par ailleurs patronne d’une société de management indépendante, se tient également à disposition des salariés pour les accompagner dans leurs démarches administratives.

« On s’est aussi rendu compte que certains n’ont pas les moyens de s’acheter des vêtements. On a donc décidé de monter une sorte de friperie solidaire pour qu’ils puissent se servir s’ils en ont envie », expliquent les deux entrepreneurs. Un projet encore en germe qui concernera plusieurs entreprises (notamment dans le domaine de la propreté) et auquel les associés aimeraient donner de l’ampleur dans les mois à venir.

 

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Les salariés sont encouragés à s’exprimer librement, à porter des initiatives et à travailler en toute autonomie @Bionetys
Des salariés jeunes ou éloignés de l’emploi

Dans sa politique de recrutement aussi, l’entreprise adopte une démarche RSE (responsabilité sociale des entreprises) en privilégiant l’emploi d’alternants, d’apprentis et de personnes en insertion au sein du Gieq propreté PACA (bonus). L’une d’entre elles dispose désormais d’un CDI à temps plein. Elle côtoie actuellement trois alternants et une personne en contrat d’insertion à temps partiel. Des personnes encouragées à prendre des initiatives et à travailler en autonomie. La confiance étant ici un maître-mot.

Mais mener une politique RSE aussi complète est loin d’être un long fleuve tranquille. Et Yann Simonnet ne s’en cache pas. Si les trois premières années de vie d’une entreprise ont la réputation d’être un parcours du combattant, le défi est plus grand encore lorsqu’il faut concilier réussite économique et impératifs de bien-être des salariés. « Je me bats chaque jour depuis trois ans et demi. Le développement est très lent parce qu’on investit beaucoup pour que tout le monde se sente au mieux ». Et parfois, le développement commercial est freiné par les engagements sociaux.

 

Des contrats clients qui doivent s’adapter aux plannings des salariés

Ainsi, alors que l’entreprise travaillait au départ pour un certain nombre de copropriétés, elle a dû interrompre trois contrats de ce type pour des raisons de qualité de vie des travailleurs. « Les copropriétés ont de petits budgets et de grandes exigences. Cela allait parfois à l’encontre du bien-être de nos salariés et générait beaucoup de turn-over ».
De ces ruptures de contrats résulte forcément une baisse de chiffre d’affaires. « Mais on préfère la qualité à la quantité ». L’entreprise se focalise désormais sur des copropriétés souhaitant des prestations haut de gamme, en plus des bureaux représentant 95% de son chiffre d’affaires.

Même dilemme sur certains contrats impliquant un travail de nuit auquel se refuse l’entreprise. « Ce sont les contrats qui doivent s’adapter à nos plannings et non l’inverse ».

 

Engagement profitable

Mais si l’engagement a un coût, il présente aussi des avantages économiques. D’abord parce que la RSE est de plus en plus valorisée et encouragée au moyen de divers dispositifs de financement. Ainsi, Bionetys a entre autres bénéficié du Cedre PACA (Contrat pour l’Emploi et le Développement Responsable des Entreprises en Provence-Alpes-Côte d’Azur) assorti d’une subvention de 40 000 euros versée sur trois ans.

Au-delà des aides de ce type, il faut ajouter la réduction des accidents du travail découlant de l’ergonomie du matériel et l’innocuité des produits. De même que l’implication forte des salariés : ils n’hésitent pas à s’investir dans des tâches ayant trait au développement de l’entreprise.

 

Une demande croissante

Côté clients, ce type de démarche est de plus en plus plébiscitée. « Des clients me contactent car ils veulent changer de politique de nettoyage. Et le fait que l’on travaille avec des produits sans risque les rassure ». Un mouvement de fond porté par des entreprises comme Bionetys et par des structures fédératrices comme la Fédération des entreprises de propreté ou encore le Gieq, réunis à Marseille au sein d’une Maison des métiers de la propreté.

La tendance RSE touche aussi les grands groupes qui affichent un intérêt croissant pour les produits biotechnologiques.

 

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Les deux associés Sandra Agusti- Garcia et Yann Simonnet devant une vitrine contenant quelques uns des produits commercialisés par Bionedys. @Bionetys
Bionedys, petite sœur dédiée à la vente

Pour tirer profit de ce mouvement de fond, Bionetys souhaite accélérer son développement après une période de consolidation, et ainsi passer d’un chiffre d’affaires de 110 000 euros en 2020 à 160 000 euros en 2021. Cela signerait le début d’une phase de bénéfices pour l’entreprise qui est pour l’heure à l’équilibre.

Pour cela, elle mise sur la recherche de nouveaux clients et la création d’une seconde entreprise. Bionedys (avec un d comme distribution) vendra aux professionnels et aux particuliers des produits biotechnologiques et du matériel ergonomique. « Ce sera la première fois que des produits de ce type seront mis à disposition des particuliers », assure Sandra Agusti-Garcia. Car le grand public s’interroge, lui aussi, sur ce qu’il utilise pour nettoyer sa maison.
Cette petite sœur de Bionetys permettra de générer des revenus supplémentaires et de disposer de produits à moindre coût pour les activités de nettoyage.

 

Prouver que bien-être humain et réussite économique sont compatibles

Depuis la création de Bionetys, le chemin a été long. Tortueux parfois. Les lourds investissements. Les dilemmes à trancher. La peur du lendemain. Et bien sûr le covid-19.
Mais aujourd’hui, Yann Simonnet est fier de montrer que le pari de l’humain n’est pas aussi fou que certains le lui avaient promis. « Je veux être une référence en matière de RSE ». Référence, il ne prétend pas l’être encore même si déjà, il reçoit quelques coups de fil de personnes avides de conseils.

Son « autre réussite », il la perçoit dans le regard des jeunes. Ceux qu’il emploie et dont il parle avec fierté, futurs ambassadeurs de sa démarche. Et d’autres qu’il rencontre à l’occasion d’événements avec des établissements scolaires. « Lors d’une rencontre organisée avec des collégiens par Cap au Nord Entreprendre [une association qui met en réseau les entreprises et divers acteurs du Nord de la ville, ndlr], ils m’ont posé trois tonnes de questions et certains ont même demandé s’ils pourraient faire un stage ou une alternance ici. Ça, c’est une réussite ». Le signe qu’un message a été transmis. Celui que les indispensables métiers de la propreté savent se réinventer. Tant au profit de ceux qui entreprennent, que de ceux qui les exercent. ♦

 

Bonus
  • La RSE – De plus en plus revendiquée, la responsabilité sociétale des entreprises désigne la prise en compte par les entreprises des enjeux environnementaux et sociaux dans leurs activités.

Elle est reconnue par divers labels locaux, nationaux et internationaux, parfois assortis de financements.

Plus d’informations sont à retrouver sur le site du Ministère de l’économie.

 

  • HTS Bio, un fournisseur de Gémenos – Pour s’approvisionner en produits biotechnologiques, Yann Simonnet s’appuie sur un fournisseur de Gémenos : la PME HTS Bio. Cette entreprise œuvre dans le secteur du nettoyage mais aussi de l’agriculture et du traitement des eaux.
    Jacques Faudin, son fondateur, a d’abord travaillé dans la chimie avant de se repentir et de créer l’entreprise en 1988. Il dresse alors le constat que les bactéries sont omniprésentes dans nos vies. Et si une petite quarantaine sont pathogènes, l’immense majorité joue un rôle dans la dégradation de la matière. Son métier est de découvrir quelle souche dégrade quel type de matière.

Désormais, HTS Bio poursuit ses activités aux quatre coins du monde, portée par la prise de conscience sur la dangerosité des produits issus de la pétrochimie.

 

  • Les Gieq Propreté – Créés et pilotés par des entreprises de propreté pour répondre à leurs besoins de recrutement, les GEIQ Propreté proposent des parcours d’insertion de 6 à 24 mois tout au long de l’année auprès des entreprises adhérentes.

On compte dix Gieq propreté en France, et 400 entreprises adhérentes.