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Les bouchons plastiques pour équiper des personnes handicapées

Par Zoé Charef, le 28 avril 2023

Journaliste

Les bouchons récoltés sont transformés en granulés qui servent de matière première pour fabriquer des poubelles de ramassage ©DR

Cœur2Bouchons récupère bouchons et couvercles en plastique dans toute la France pour les vendre à un recycleur et financer ainsi le matériel de personnes en situation de handicap. Depuis 2018, l’association a ainsi pu affecter plus de 217 000 euros à l’achat de lits-douches, fauteuils électriques ou scooters adaptés.

 

C’est pour financer l’équipement spécifique et aménager habitats et véhicules des personnes en situation de handicap que l’association a vu le jour en 2018. L’idée ? Récolter bouchons et couvercles (type couvercle de Tupperware) en plastique pour les revendre à un recycleur. La démarche n’est pas nouvelle en France, mais le « truc en plus » est de consacrer la totalité de l’argent récolté à l’aide aux personnes handicapées. « Pas un centime n’est utilisé pour le fonctionnement de l’association », souligne Sébastien Dorut, président du réseau national.

 

Un fonctionnement par partenariats

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Chez Bouchons Solidarité Environnement 38, on récupère les bouchons récoltés par le club de football local et 7 autres associations. Un total d’environ 200kg de bouchons ! ©Coeur2Bouchons

Il y a 22 ans, Sébastien entrait dans une association de collecte de bouchons « pour faire quelque chose d’utile. » En 2018, après quelques déconvenues, il décide d’en partir et de créer l’association Coeur2Bouchons avec quelques autres bénévoles. « On a déposé la marque au niveau national et on travaille avec des antennes départementales, indépendantes. Elles trient, collectent et envoient elles-mêmes leurs bouchons chez le recycleur. L’association nationale gère les récoltes effectuées par les bénévoles dans chaque département, les aide et les soutient », explique Sébastien.

Les bouchons et couvercles plastiques récoltés dans les écoles, les entreprises, les grandes surfaces (type Leroy Merlin) ou encore les mairies sont ensuite envoyés chez un recycleur français, Sulo. Un élément important pour Sébastien comme pour Sylvain Ducruez, président de la branche savoyarde C2B73. « On a voulu créer quelque chose avec nos valeurs. Du recyclage français, la récupération de tous les bouchons et couvercles plastiques, et ne pas collecter d’argent », raconte celui-ci.

 

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Des bouchons aux fauteuils roulants

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Chaine humaine pour remplir le camion en direction du recycleur. ©Coeur2Bouchons

Pour qu’un camion de recyclage puisse être sollicité, il faut dix à douze tonnes de bouchons (soit 800 sacs de 120 litres de bouchons). « Le prix de nos bouchons fluctue entre 300 et 350 euros la tonne, en fonction du cours du plastique », développe Sébastien. Depuis 2019,

Cœur2Bouchons a récolté plus de 122 000 euros. L’argent récolté va soulager des personnes en situation de handicap. Car en envoyant leur dossier à l’association, elles peuvent obtenir jusqu’à 3 500 euros d’aides. « Cela représente souvent le reste à charge qui peut manquer à la famille, argumente Sébastien. On intervient en dernier lieu, après les aides légales et extralégales. Et on ajuste notre aide suivant le coefficient familial de la personne. »

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Exemple d’un container disposé dans les points de collecte. ©Coeur2Bouchons

Les aidés choisissent l’équipement dont ils ont besoin, qui sera validé par la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) puis livré. Ces actions ont permis de financer des lits-douches, fauteuils électriques, scooters adaptés ou encore d’aménager des véhicules. Entre 2018 et  2022, 62 aides ont été attribuées. « Ça peut paraître peu, se défend Sébastien, mais à raison de 3 500 euros par aide, ça fait beaucoup à notre échelle. »

L’ambition des fondateurs reste d’aider davantage de personnes. Ils ont conscience de devoir travailler sur leur communication auprès des particuliers et des institutions gouvernementales. « Souvent, ils savent qu’on ramasse des bouchons, mais ne viennent pas demander d’aide… »

 

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100% bénévolat

Les bouchons récoltés sont transformés en granulés qui servent de matière première pour fabriquer des poubelles de ramassage. Mais avant de devenir des poubelles, où sont stockés les bouchons récoltés ? Qui s’en charge ? L’association vit de la force du bénévolat. « Comme on ne débourse pas un centime de l’argent des bouchons pour l’association, tout se fait bénévolement. En région parisienne par exemple, aucune mairie ne nous prête de local, déplore Sébastien. On en a donc acheté un, à titre personnel, qu’on met à disposition de Coeur2Bouchons. »

En Savoie, la communauté a mis un local de stockage à disposition de C2B73. La trentaine de bénévoles savoyards s’applique à trier les bouchons dans le local, récoltant environ deux camions de douze tonnes par an. « Le tri est un gros travail, on trouve souvent des ampoules, des capsules de métal, des types de bouchons non plastiques…, relate Sébastien. Mais j’ai un métier à côté ! Je passe un mercredi sur deux à trier les bouchons. Et tous les samedis à les chercher chez les collecteurs, avec l’aide d’un ou deux bénévoles. »

 

♦ Ici la carte des départements avec une antenne de collecte
Des bouchons plastiques pour financer le matériel des personnes handicapées
Depuis mars dernier, un point de collecte Cœur2Bouchons se trouve dans le magasin Jardiland à Saint-Maur (Indre). ©Cœur2Bouchons

 

« On y arrive avec le système D, des relations et du bon sens »

La difficulté principale d’un tel fonctionnement réside dans le temps : « Il faut avoir du temps pour démarcher, trouver les points de collecte, trier…, relance Sylvain. On pourrait toujours faire plus et mieux, mais on y arrive avec le système D, des relations et du bon sens. Ça nous plaît et nous motive. » Ils n’ont obtenu qu’une seule subvention au niveau national, il y a un an. « Il faut pouvoir prouver et justifier nos besoins, mais c’est compliqué parce qu’il n’y a pas d’argent qui passe par les comptes de l’asso », explique Sébastien. 

Autre difficulté : le manque de bénévoles. « C’est pourtant un geste simple, qu’on peut faire à tout âge », glisse Sylvain. Et de rappeler qu’il a commencé à 13 ans.