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Ils livrent des marchandises à la voile

Par Antoine Gérard, le 11 août 2023

Étudiant à l'ESJ pro Montpellier

Bourlingue & Pacotille a fait l’acquisition de son propre navire, d’une capacité allant de 20 à 25 tonnes © Bourlingue et Pacotille

[mer] L’association Bourlingue & Pacotille transporte à la voile des produits alimentaires issus des côtes méditerranéennes. D’ici 2025, elle va se transformer en société coopérative pour concrétiser son ambition : offrir une alternative aux cargos polluants et faire émerger une filière.

 

Et si le transport de marchandises à la voile revenait à la mode ? Loin des nuisances et des pollutions des cargos traditionnels, l’association Bourlingue & Pacotille achemine des produits alimentaires sur des voiliers à travers la Méditerranée. « On n’a rien inventé », préviennent Nicolas Rousson et Thibault Nacam, les cofondateurs. « Cela fait depuis l’Antiquité qu’on transporte des céréales, du vin et de l’huile à la voile. C’est une filière qui va réapparaître, surtout qu’on a beaucoup plus de techniques de navigation aujourd’hui ».

Les deux hommes se sont lancés en mars 2020, concrétisant plus de dix années de tournées artistiques à la voile. « On s’est dit que si les bateaux étaient utiles pour transporter des spectacles, ils pourraient l’être aussi pour des marchandises », explique Nicolas Rousson. D’autant qu’aucune initiative de ce genre n’existait alors en Méditerranée, malgré un bassin riche en termes de patrimoine gastronomique. L’association s’est donc donné pour mission de ramener des produits d’exception en France. Elle a débuté avec une huile d’olive tunisienne et se concentre désormais sur la Corse, la Sardaigne, la Sicile et la Grèce.

« Beaucoup de producteurs nous contactent », raconte Thibault Nacam. « Ce sont des gens engagés, qui ont envie d’aller au bout de la démarche au moment d’exporter leur produit. Parce que sinon, ils n’ont pas d’alternative au cargo et au camion ». Le prochain voyage acheminera ainsi une tonne de farine venue d’Allier à une boulangerie corse, qui a longtemps cherché le moulin lui permettant de produire un pain bio.

 

 

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Bourlingue et Pacotille vient de faire l’acquisition d’un navire qu’elle est en train de remettre en état © Pixabay, photo d’illustration

Un navire de 22 mètres pour accéder aux petits ports

Pour l’heure, l’association utilise des bateaux de plaisance qui ne lui appartiennent pas et sont mis à disposition par leurs propriétaires. Une façon de répondre au problème de l’engorgement des ports. Car, pour un million de bateaux immatriculés en France, le pays ne compte que 250 000 places de stationnement. « Sachant que construire un port est désastreux sur le plan écologique car ça détruit la biodiversité du littoral, on propose comme alternative l’usage collectif d’un bateau », souligne Nicolas Rousson.

Bourlingue & Pacotille vient toutefois de faire l’acquisition d’un navire de 22 mètres, qu’elle est en train de remettre en état. Et pour cause : l’association va prochainement devenir une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), Nicolas Rousson et Thibault Nacam souhaitant professionnaliser leur activité. « On voulait une petite unité, éclaire le second. 22 mètres, par rapport à des cargos, ce n’est pas grand-chose. C’est la possibilité pour nous d’aller dans les petits ports et d’avoir des circuits courts. On se rend compte qu’on a des routes qui sont presque concurrentielles par rapport au transport classique en termes de délai ».

 

 

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La livraison du navire est espérée pour le début de l’année 2025. Il pourra transporter entre 20 et 25 tonnes de marchandises © Pixabay, photo d’illustration

« On s’est déjà fait percuter par un cargo »

À terme, la société pourra salarier entre cinq et sept personnes, dont un capitaine diplômé, indispensable pour transporter des marchandises en Méditerranée. « On veut faire émerger une filière, clame Thibault Nacam. Beaucoup ont étudié le projet mais personne n’a osé se lancer. Nous, on l’a fait ».

Le choix d’une société coopérative permettra de travailler main dans la main avec les producteurs. Sur l’élaboration des routes, des plannings et aussi des cargaisons. Car le projet repose avant tout sur la volonté de transformer le commerce maritime. « On est sans arrêt confrontés à la question du transport, pointe Nicolas Rousson. On est souvent entourés de cargos, on s’est même déjà fait percuter. La pollution est un problème et la seule réponse, aujourd’hui, c’est du greenwashing avec le gaz naturel liquéfié. Il faut absolument partir sur autre chose ».

 

Les usages du bateau

La livraison du navire est espérée pour le début de l’année 2025. Il pourra transporter entre 20 et 25 tonnes de marchandises – contre une tonne pour les bateaux qu’utilise actuellement l’association – et avancera à la voile 90% du temps, son moteur n’étant utilisé que pour les manœuvres.

« Le but, c’est d’avoir une réflexion sur l’usage qu’on fait d’un bateau, confient Thibault Nacam et Nicolas Rousson. Il y a des bateaux de croisière qui viennent contaminer la population pour un usage récréatif. C’est ce qu’on veut remettre en question, mais c’est une question de modèle de société ». Les deux hommes ont fait leur choix. ♦

* article publié le 18 mai 2023

 

  • Cet article a été réalisé par un étudiant de l’École supérieure de journalisme professionnelle de Montpellier. Pendant deux semaines, douze étudiants en alternance ont quitté leur rédaction respective pour s’immerger à Marseille et partir à la découverte des acteurs – élus, chercheurs, associations et habitants – qui tentent de rendre la deuxième ville de France plus respirable. Que font les pouvoirs publics pour y parvenir ? De quelle manière cette pollution impacte-t-elle la vie des habitants ? Quelles sont les solutions pour la réduire ? Quelques éléments de réponse à lire sur leur blog : Marseille l’irrespirable