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Un pain bio, local et… solidaire

Par Agathe Perrier, le 26 décembre 2022

Journaliste

[fɛtɛs] Du pain bio, confectionné avec des produits locaux et par des personnes en réinsertion : tel est le credo de l’association Pain et Partage. Forts du succès de ce concept, Benjamin Borel et Samuel Mougin le développent depuis quatre ans un peu partout en France via le réseau Bou’Sol (pour Boulangeries Solidaires). Et globalement, ça lève plutôt bien ! *

 

Direction le 15e arrondissement de Marseille. Une partie des anciens abattoirs du quartier Saint-Louis, fermés depuis 1989, a été depuis investi par un regroupement de sociétés. Dans le lot, l’entreprise Bou’Sol, crée en 1997, qui cohabite avec l’une de ses deux boulangeries solidaires – l’autre est installée du côté de la Blancarde. Il est presque midi ce mardi, et tout est plutôt calme. La dizaine de salariés en insertion, sur des postes de boulangers et livreurs, a déserté les lieux depuis le début de la matinée.

« On fournit en pain des établissements de restauration collective – cantines scolaires, d’entreprises, de centres médico-sociaux ou de structures caritatives. Les livraisons doivent donc intervenir dès le matin, pour assurer les petits-déjeuners et déjeuners », explique Benjamin Borel. L’effervescence, c’est donc la nuit qu’elle éclate. Quand les petites mains confectionnent la pâte, la façonnent, la font dorer dans des fours taille XXL. Même trois heures après leur arrêt, de la chaleur s’en dégage encore. Et les derniers effluves font saliver les papilles.

 

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© Colas Isnard/Bou’Sol 2017
Du 100% bio et local

De la fournée du matin, Benjamin Borel me propose un bel échantillon. Pain classique, semi-complet, aux céréales, viennois, il y a de tout. « Tous sont entièrement bio, confectionnés à partir d’une farine qui ne contient aucun additif chimique. Ce n’est pas toujours le cas, y compris pour certains pains bio », souligne le co-gérant.

Un choix qui a des répercussions sur la production. Avec ce type de farine, le temps de fermentation de la pâte doit être allongé, passant en moyenne de quatre heures dans des boulangeries classiques à douze heures dans celles du réseau Bou’Sol. Le gluten a ainsi plus de temps pour se désagréger et les pains deviennent plus digestes pour l’organisme. L’entreprise met un autre point d’honneur à travailler en circuits courts, de l’agriculteur jusqu’au meunier. « On essaye de faire en sorte d’avoir, à notre échelle, un effet levier sur le développement de surfaces agricoles en bio dans nos régions d’installation ». Car si ce concept est né à Marseille en 1997, il s’est depuis étendu à d’autres grandes villes de France.

 

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© Colas Isnard/Bou’Sol 2017
La solidarité au cœur du concept

Avant de parler du développement du réseau Bou’Sol, il est important de souligner l’autre clé du concept : la solidarité. Une soixantaine de personnes est formée chaque année dans les deux établissements marseillais. Soit aux métiers de la boulangerie, soit à ceux de la logistique. La plupart accède ensuite à un poste d’assistant boulanger, en boulangerie traditionnelle ou dans les grandes et moyennes surfaces, ou encore comme livreur. « On est une entreprise inclusive. On intègre des individus en rupture avec le marché du travail pour travailler sur leur savoir être et savoir-faire », met en avant Benjamin Borel.

La solidarité va cependant bien plus loin. « On est des défenseurs de l’accès au bio pour tous », ajoute-t-il. Car le choix du pain bio se révèle plus coûteux que l’option baguette classique. Et tout le monde ne peut pas se le permettre, notamment les associations. Pour contrecarrer cette fatalité, le réseau Bou’Sol a mis en place un fonds de dotation. « Pour un organisme qui se fournit d’ordinaire tous les jours en pain, le fonds va payer les achats du week-end. De quoi compenser le différentiel de prix ». Le fonds de dotation assure également, en ce moment, l’achat de 30 baguettes quotidiennes pour les migrants mineurs réfugiés installés dans des bâtiments du diocèse, dans le quartier de Saint-Just.

 

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© Macif 2016
Paris in, Lyon out

Face au succès du concept de boulangerie solidaire à Marseille, l’idée d’essaimer a émergé. D’abord à Montpellier en 2015, suivi de Calais en 2017, puis Bordeaux fin 2018. Soit, au total, une petite vingtaine de postes en insertion. Bou’Sol a maintenant en ligne de mire Toulouse et surtout Paris : « Il y a énormément d’opportunités là-bas et, malheureusement, pour beaucoup, si vous n’êtes pas présent à Paris vous n’existez pas ». Des opportunités se dessinent même à Nice.
Seule ombre au tableau, l’échec de l’implantation lyonnaise. Bou’Sol s’y est installé en 2016 mais la montée en charges a trop traîné en longueur. « Ça nous a pénalisé et empêché de continuer dans de bonnes conditions », regrette Benjamin Borel. L’entreprise s’est confrontée à un environnement « très porteur, mais aussi très fermé ». Il faut être du sérail pour se pérenniser dans la capitale des Gaules », considère, avec du recul, le co-gérant.

 

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© Colas Isnard/Bou’Sol 2017
Féminiser le métier

Outre le déploiement des structures, Benjamin Borel souhaite travailler sur une féminisation du métier de boulanger. Catalogué comme un métier d’homme, notamment du fait de la rudesse de certaines tâches, les conditions de travail ont évolué sans vraiment le faire savoir. Dans les locaux marseillais, par exemple, les machines à pétrin sont autobasculantes. « Les boulangers n’ont plus à se baisser pour récupérer le contenu du pétrin (ndlr : 200 kg de pâte tout de même). C’est mieux de façon générale pour leur santé, et cela permet à tout le monde de le faire ». Pour autant, seulement 10% des effectifs sont actuellement féminins chez Bou’Sol.

Autre axe d’actions à venir : le recyclage du pain non consommé. L’idée de l’entreprise serait de le récupérer, à condition qu’il ne soit pas souillé, pour en refaire une sorte de farine puis des biscuits secs. Y compris avec les « pertes », ces pains un peu trop cuits qui ne peuvent être proposés aux clients. Une belle façon de boucler la boucle. ♦

*article publié originellement le 1er avril 2019

 

♦ Le Fonds Épicurien, parrain de la rubrique « Alimentation durable », vous offre la lecture de cet article mais n’a en rien influencé le choix ou le traitement de ce sujet. Il espère que cela vous donnera envie de vous abonner et de soutenir l’engagement de Marcelle ♦

 

Bonus 
  • L’association Pain et Partage vient d’obtenir le label Empl’itude, premier label territorial en France qui valorise les actions et les bonnes pratiques des organisations en matière d’emploi, de ressources humaines et d’engagement sociétal. Plus d’informations en cliquant ici.
  • Pour se faire une petite idée sur les quantités produites, la boulangerie solidaire du 15e arrondissement de Marseille produit en moyenne 2 000 à 2 200 pains type restaurant par jour pour une quarantaine de clients.
  • La cuisson chez Bou’Sol se fait de deux façons : via un four rotatif, qui permet à la croûte du pain d’être plus fine et donc adaptée aux personnes avec des problèmes de dentition, ou via un four traditionnel de boulangerie taille XXL.
  • Pour se fournir en pains bio de Bou’Sol, il suffit de contacter l’entreprise à l’adresse suivante : contact@bou-sol.eu. Idem pour faire un don pour le fonds de dotation.