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« Ce serait dangereux de continuer à opposer tourisme et durable »

Par Agathe Beaudouin, le 25 octobre 2022

Journaliste

Pour éviter la surfréquentation de certains sites, comme Venise, il faut multiplier les propositions @Pixabay

Les 27 et 28 octobre, le forum A World for Travel se déroulera à Nîmes, pour sa deuxième édition, et accueillera plus de 400 personnalités. Après Évora au Portugal l’an passé, l’événement, imaginé comme un Davos du tourisme durable, réunit des entrepreneurs, politiques, universitaires, philosophes, spécialistes qui se pencheront sur les nouveaux modèles à inventer. Partant d’un postulat : « Le voyage est essentiel », le grand organisateur de cette rencontre à l’emploi du temps surchargé, expert du transport aérien, du tourisme et du digital, Christian Delom a répondu aux questions de Marcelle. Son mot d’ordre : « Oui le tourisme peut être, mais surtout doit être durable ».

 

Quelle est l’origine du forum A world for Travel ?

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Christian Delom, secrétaire général de A world for travel ©DR

Nous avons eu cette idée pour au moins deux raisons. La première, c’est que l’impact du tourisme est de plus en plus interrogé, par des activistes mais pas seulement. Or le voyage est essentiel pour l’humanité.

La seconde, ce sont les conséquences économiques du tourisme, qui fait vivre des millions de personnes à travers le monde. Les forums existants sont souvent cloisonnés. Nous, nous pensons au contraire que la solution viendra de la coopération entre tous les acteurs. Par exemple, un camping qui multiplie ses efforts pour être 100% neutre, si tous ses clients y viennent en voiture thermique, cela ne va pas. Il faut créer des passerelles et multiplier des partenariats public/privé.

 

Tourisme durable, n’est-ce pas, aujourd’hui en tout cas, antinomique ?

Le tourisme est durable ou il n’est pas ! Ce serait extrêmement dangereux de continuer à opposer ces deux termes. Si on veut avoir un impact, le tourisme doit devenir durable, d’abord par une somme de petits pas astronomiques qui traceront le chemin qui y mène. À A World for Travel, nous parlons avant tout de sustainable, en anglais, que l’on pourrait traduire ici par la transformation durable du tourisme. Nous devons apporter les éléments en libre choix pour permettre à chacun de choisir une voie durable. De notre point de vue, la question n’est plus de savoir si on s’engage mais comment nous engageons cette transformation.

 

 

Plus concrètement, à Nîmes, viendront plus de 400 personnalités du monde entier. Qu’attendez-vous de ces rencontres ?

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En vogue, la visite du site de Petra, en Jordanie © Pixabay

Moi j’y attends qu’on parle de la conviction à transformer ce domaine. Tous les objectifs portés par l’ONU nous intéressent. À Nîmes, nous allons pousser les acteurs à nous présenter leurs meilleures pratiques, à partir d’études de cas qui ont porté leurs fruits et obtenu de véritables résultats. Nous allons mettre en phase l’impact humain et économique.

Pour l’humain notamment, nous visons trois cibles. D’abord les employés, pour réfléchir à leur rémunération, leurs conditions de travail, le sens de leur mission.

Les consommateurs pour leur permettre de prendre les meilleures décisions. Par exemple, on ne voyage pas à l’étranger pour faire ce que l’on fait chez soi. Il faut reparler du sens du voyage. Le voyage, c’est avant tout un enrichissement personnel et social, des découvertes.

Enfin, la communauté, c’est-à-dire imaginer le tourisme comme un emploi durable et local, quelque chose d’ancré dans un quotidien, une identité de territoire.

 

Cela amène à la question des influenceurs, dont désormais, les conséquences sont remises en cause avec des hausses de fréquentation sur des sites protégés par exemple…

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Parmi les merveilles de la nature, les Météores, en Grèce ©Pixabay

C’est vrai, mais cela ne date pas d’aujourd’hui ! Prenez Jules Verne par exemple, ou Games of Thrones à Dubrovnik où sont organisés des circuits touristiques qui engendrent un phénomène d’attroupement. Je pense au contraire qu’il faut multiplier les propositions. Mais les influenceurs ont une responsabilité, celle des communicants. Certains savent le faire, d’autres pas, et là aussi il faut pouvoir.

 

Donc, pour vous, tourisme de masse et tourisme durable sont des notions compatibles ?

Oui, mais cela va coûter beaucoup d’argent, dans un contexte de crise actuelle que nous connaissons. Et il ne faut pas nier cet impact économique. Par exemple, un hôtel qui doit changer son système de chauffage au fioul, comment va-t-il pouvoir financer ces travaux ? Ma réponse, c’est qu’il faut faire intervenir des fonds d’investissement. Cela suscite des questions sociétales. On parle dans ce forum de transformation du tourisme par des leviers très importants, c’est un tout cette affaire.

 

A World for Travel vient bousculer les codes…

Je suis convaincu que beaucoup de décideurs et d’entrepreneurs ont acquis ce discours. J’insiste sur la coopération intersecteurs en se basant sur la force des États (par leurs taxes, leurs règlements), celle des entreprises qui apportent des solutions technologiques, de l’innovation, et sur la force de l’initiative qui vient du local. Il faut que cet ensemble s’aligne.

 

Pourquoi avoir choisi Nîmes, préfecture de 150 000 habitants, pour ce congrès international ?

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En 2021, le forum AWFT s’est tenu au Portugal, à Evora ©DR

Et pourquoi pas ! Nous voulons montrer qu’on peut organiser des forums d’ampleur internationale dans des lieux qu’on n’attend pas. Nîmes possède un patrimoine romain extraordinaire et nous voulions être en Occitanie. Nous voulions aussi un endroit qui peut attirer les touristes et les accueillir. ♦

 

  • Demandez le programme 

Nîmes, capitale mondiale de la transformation durable du tourisme pendant deux jours. Pour la deuxième édition de ce forum international, le gouvernement égyptien livrera un aperçu de la COP27 ; des responsables ukrainiens expliqueront comment les destinations font face à la guerre et protègent leurs atouts touristiques ; dix ministres du tourisme échangeront autour des initiatives novatrices ; Google livrera les nouvelles attentes des voyageurs…

Des représentants d’entreprises mondiales (la Banque Mondiale, Alstom, Mastercard, ACCOR, American Express GBT, Amadeus, Pierre et Vacances, SNCF, TUI, IATA) et des responsables du secteur public (ministres, élus régionaux et locaux, organismes internationaux comme l’OMT et le WTTC) tenteront d’apporter des solutions concrètes pour transformer le secteur des voyages et du tourisme de façon durable et responsable.