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Repas de Noël étoilé pour les démunis

 
Michel Trama, le chef des chefs engagés ! Photo Stéphane de Bourgies

Par Olivier Martocq, journaliste

Dans la lignée des Restos du Cœur, les Bouffons de la Cuisine cumulent 110 étoiles au Michelin. Pour la troisième année consécutive, l’appel lancé par Michel Trama a été entendu et relayé par les plus grands chefs de l’Hexagone, qui ont confectionné et servi quelque 2 000 repas de fête pour les plus démunis. 

 

Il reconnaît bien volontiers avoir été inspiré par un bouffon célèbre : Coluche. Il admet avoir pompé le concept du réseau professionnel au service d’une cause : les plus démunis. Avec les Bouffons de la Cuisine et les Tables de Noël, Michel Trama s’inscrit dans la filiation directe des Enfoirés et des Restos du cœur. Derrière ce monument de la gastronomie française du terroir, c’est la corporation des métiers de bouche qui s’engage. Comme celle des artistes avait suivi Coluche, puis poursuivi l’aventure sans lui. Quand on ose suggérer à ce fort en gueule qu’il peut paraître paradoxal que les restaurants les plus chers de France s’ouvrent aux plus nécessiteux, la voix éraillée monte vite dans les tours. « Les chefs ne sortent pas de la cuisse de Jupiter. La plupart d’entre nous avons commencé à travailler très jeunes. Souvent comme commis. Eh oui, même quand on a réussi, on peut considérer que notre société est trop individualiste ! » Roi des fourneaux, l’homme est aussi un taiseux. Ayant partagé un repas avec lui – nous étions jurés pour désigner les Meilleurs Ouvriers de France dans la catégorie des sommeliers – j’ai dû rapidement me réapproprier quelques notions philosophiques de base pour éviter de me faire laminer dans notre échange. Au-delà de la langue et du discours, Trama est un homme de conviction. A l’heure où il n’a plus rien à prouver sur le plan professionnel, le maniement des mots et des concepts l’aide à servir la cause qu’il s’est choisie. Avec l’aide de quelques généreux et indispensables partenaires : le Rotary, le Lions Club, Bridor, Métro, Bernardaud, Bragard, Aura Group, Vals et Thonon, pour les principaux.

 

Mettre en scène le bonheur

Repas de Noël étoilé pour les démunisLes Bouffons de la Cuisine se sont donné la mission philosophique de mettre en scène le bonheur. Ils ont parfaitement conscience que leur action est limitée dans le temps, et que les Tables de Noël ne seront qu’une parenthèse dans la vie de milliers de démunis. Mais justement servir dans une salle de fête un repas « simple » (velouté de chou-fleur, blanc de volaille sauce forestière, polenta gratinée, tiramisu aux fruits exotiques accompagnés de macarons au chocolat) mais parfaitement cuisiné et élégamment servi, devient un véritable moment de partage, à même de rompre l’isolement social. « Le décorum n’est pas intimidant. C’est nous qui venons à la rencontre de l’autre ». Avant de débuter les hostilités gastronomiques, il y a un passage obligé : « On partage le pain, c’est un symbole fort ».  L’ambiance est à chaque fois chaleureuse et conviviale. Il y a du brouhaha, des rires des chants, de la gaité sans avoir recours à l’alcool, proscrit. Le tube des Bouffons de la cuisine est sans conteste « Les copains d’abord » de Brassens. En fin de repas, tout le monde se répartit le pain restant pour en rapporter à la maison. Cuisiniers, bénévoles et convives ont fait la ronde des Bouffons. « Nous sommes des metteurs en scène du bonheur, devise Michel Trama. Ce n’est pas seulement un repas, on a de la considération pour tous ces gens ! ». Partout où ils passent, les chefs ont droit aux mêmes mots, « C’était un repas magique. Merci ! »

 

Hommes de cœur, humanistes, et lanceurs d’alertes

« Je vais avoir 71 ans, je suis à l’automne de ma vie. J’ai eu peu de chance au début de mon existence, mais beaucoup par la suite… En 40 ans, j’ai connu beaucoup de chefs, il est temps de les fédérer autour de ces causes, et de donner ensemble. » La vague Bouffons parcourt le pays : Reims, Montpellier, Narbonne, Paris, Pontchartrain, Bordeaux, Agen, Colmar, Megève, Cahors, Courchevel, et traverse même la Méditerranée puisqu’il y aura aussi un repas à Marrakech. Les Bouffons de la Cuisine sont une chaîne dont chacun est un maillon. Et quand il y a un maillon faible, on est là pour l’aider ». Michel Trama demande aux Français, partout, de se mobiliser le 25 décembre. « Que chaque personne apporte un repas, simple, à une personne isolée et passe un peu de temps avec elle ». O.M.

 

Bonus

  • Les Bouffons de la cuisine sont à Marseille samedi 22 décembre chez Acte Gourmet 344, boulevard Michelet, 8e auprès de 110 personnes invitées par le Secours Populaire.

 

  • Des projets : La construction de logements sociaux avec des jardins collectifs en permaculture et aquaculture, à destination de personnes dans le besoin. La création d’une école du goût, ainsi que d’un atelier de récupération de vaisselle cassée pour pouvoir réaliser des œuvres d’art en mosaïque.

 

  • Une Charte : -Aider les personnes les plus démunies et de participer à la lutte contre l’exclusion sociale,
    -Créer des liens sociaux entre différents individus, de participer à leur insertion sociale et économique, en leur offrant l’accès à des repas gratuits d’une cuisine de qualité et traditionnelle française,
    -Permettre la découverte et la promotion de la Cuisine Traditionnelle Française,
    -Promouvoir la connaissance du goût,
    -Promouvoir le lien entre alimentation et santé,
    -Créer des espaces d’apprentissage au sein du secteur de la restauration, de l’hôtellerie et de l’environnement,
    -Participer à la défense de l’environnement par, notamment, la promotion des Terroirs.Une Charte

  • Un texte

« Je suis Saint-Martin, Je suis Saint-Barth’. Il n’y a plus rien. Je vous propose que nous, chefs, métiers de bouche et fournisseurs, soyons là, debout, pour eux qui ont un genou à terre. Aidons-les à se relever, à se « restaurer ». Ce sont nos frères et nos sœurs.
Mobilisons-nous rapidement, tous ensemble, organisons une grande soirée extraordinaire à Paris. On a besoin de vous tous mais aussi de partenaires, de sponsors, de fournisseurs de grands groupes, de média, d’artistes et de tous ceux qui ont les bonnes connexions pour contacter les décideurs. Mettre la main à la poche pour une grande cause humanitaire qui nous touche de tellement près.
L’Homme peut être un loup pour l’Homme. Il peut être son pire ennemi comme on a pu le voir lors de pillages. Montrons au monde que l’Homme peut être aussi le meilleur ami de l’Homme.
Sans tirer la couverture à soi, sans bavardage, juste en ayant du cœur et des nouilles. Il y a les Enfoirés du Cœur, il y aura les Bouffons de la Cuisine !
Irma, on est là !
 »

Gilles Goujon (Auberge du Vieux Puits ***)