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Avec Ciklet, le vélo reconditionné se démocratise

Par Agathe Perrier, le 19 avril 2023

Journaliste

Le but de Ciklet est de structurer le marché du vélo d'occasion et d’y ramener de la confiance © Photo d'illustration Pixabay

La plateforme Ciklet s’est spécialisée dans la vente de vélos d’occasion reconditionnés. Le principe est simple : elle rachète à des particuliers et professionnels leurs deux-roues, à leur juste prix. Puis les retape et les remet à neuf avant de les vendre, entre 25% et 70% moins cher. Un système vertueux et gagnant-gagnant, qui permet de ramener de la confiance dans l’achat/vente de vélos d’occasion. Avec l’ambition de devenir la référence française sur ce marché. 

 

Si la seconde main séduit de plus en plus de Français, elle présente parfois des limites. Particulièrement lorsque le prix des articles est élevé. Une problématique à laquelle Othmane Chouklati a été confronté. Passionné de triathlon, il a essuyé plusieurs déboires lors de l’achat et la vente de ses anciens vélos. « Il m’est déjà arrivé de ne jamais recevoir le matériel acheté. Et, quand on est vendeur, c’est difficile d’être serein sur les plateformes de particulier à particulier, notamment à cause des arnaques », confirme-t-il.

Il s’associe alors avec Christian Jennewein, un ami de son club de sport, pour lancer ensemble en mars 2022 « Ciklet » – à prononcer avec le « t » final – un site e-commerce de vélos d’occasion reconditionnés. « Notre but est de structurer ce marché et d’y ramener de la confiance. Une telle plateforme existe depuis plus de dix ans aux États-Unis ; elle est devenue un incontournable du vélo d’occasion », souligne-t-il (bonus).

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Othmane Chouklati et Christian Jennewein, les deux fondateurs de Ciklet © DR

 

34 étapes de contrôle

Afin de rassurer les acheteurs justement, les vélos sont vendus avec une période d’essai de 14 jours et sont garantis pendant 12 mois. Tous ont obligatoirement passé une étape de contrôle. Ou plutôt des étapes : 34 points bien précis sont scrutés à la loupe par les trois mécaniciens de l’équipe. « On vérifie l’ensemble du vélo avant de le tester en extérieur. Les composants consommables – à savoir les plaquettes et patins de frein, la chaîne et les pneus – sont changés à partir de 25% d’usure. Notre credo, puisque nous sommes tous cyclistes, c’est qu’aucun de nos clients ne roule sur un vélo que nous ne voudrions pas nous-mêmes utiliser », expose Othmane Chouklati.

Si tout est ok, le deux-roues estampillé « Ciklet certifié » est mis en vente en ligne. Les annonces se veulent riches en détails, autant sur les modèles que sur les marques. L’état général du vélo est même noté sur 10 pour une totale transparence envers les clients.

Niveau tarif, par rapport à du neuf, l’économie réalisée atteint au moins 25 à 30% pour des modèles récents. Et peut grimper jusqu’à 70% pour les plus anciens. « Notre plateforme réunit les avantages du prix de l’occasion avec les avantages de la qualité du neuf », résume le co-fondateur.

 

 

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Les mécaniciens de Ciklet passent à la loupe 34 points de contrôle pour chaque vélo © DR

Un prix cohérent pour le vendeur

Le prix des vélos proposés est fixé par un estimateur mis au point par la start-up et accessible en ligne. Ici, pas de place aux incohérences ou au manque d’objectivité comme c’est parfois le cas sur les plateformes de vente de particulier à particulier. « On a modélisé un algorithme qui se base sur le modèle du vélo, le groupe de transmission, l’année, l’état, le type de roue. Si le vendeur est d’accord avec l’estimation proposée, il dépose le vélo chez un vélociste partenaire qui nous l’envoie. À la réception, on vérifie que tout est conforme et il est payé », indique Othmane Chouklati. Ce, sans même attendre qu’un acquéreur soit trouvé.

Une soixantaine de vélos de route sont actuellement en vente sur Ciklet. Ils ont été rachetés auprès de particuliers ou de professionnels. Une fois retapés, ils sont stockés dans l’atelier de la start-up à Pantin, en région parisienne. À l’étroit désormais, l’équipe va bientôt déménager au cœur de la capitale, dans un local avec pignon sur rue. Un showroom y sera aménagé afin de présenter les deux-roues au public. Un espace indispensable puisque beaucoup d’acheteurs préfèrent examiner leur futur partenaire de route en vrai avant de sortir le chéquier. Mais pas tous. « On a vendu une centaine de vélos en un an. Récemment, l’un d’entre eux est parti à 8 100 euros sans que le client l’ait vu », glisse le triathlète. Gage de la confiance que génère la plateforme.

 

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Le vélo coûte autour de 800 euros et le prix d’achat moyen est d’environ 2 500 euros sur Ciklet © DR

Des visites encore difficiles à transformer

L’entrepreneur reconnaît cependant que le taux de conversion de Ciklet – qui témoigne de la capacité d’un site à transformer ses visiteurs en acheteurs – est assez faible. Car elle enregistre près d’un millier de visites chaque jour. Le plus gros frein : le prix. Le vélo le moins cher est autour de 800 euros et le prix d’achat moyen d’environ 2 500 euros. Cela se justifie par les coûts fixes induits par la remise en état des deux-roues puis la gestion de la vente. « Notre modèle économique nous impose de nous positionner sur le segment haut de gamme. Sinon la main-d’œuvre fait grimper trop fortement le prix final d’un vélo d’entrée ou de milieu de gamme par rapport à un neuf », souligne Othmane Chouklati.

Son modèle économique explique aussi pourquoi la start-up ne propose que des vélos de route, et pas de VTT par exemple. Étant donné qu’elle les achète sur sa propre trésorerie, cela limite les capacités de sa flotte. Elle s’est donc focalisée sur un segment de sorte à offrir un large choix aux clients recherchant ce type de deux-roues. « On veut devenir un vrai réflexe et faire entrer la seconde main reconditionnée pleinement dans les mœurs », ambitionne le directeur général. Un objectif crucial si la jeune pousse veut perdurer. Il faudrait pour cela qu’elle atteigne la vingtaine de ventes par mois, contre 13 pour le moment. Un « bon démarrage » après un an d’existence, juge-t-il toutefois.

 

 

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L’équipe de Ciklet compte 11 personnes dont sept à temps plein © DR

Des vélos bientôt en ligne chez Decath’

L’avenir se veut d’ailleurs plutôt porteur d’espoir pour Ciklet. Ses vélos reconditionnés devraient prochainement être vendus dans l’espace « seconde vie » du site internet de Décathlon. Le géant français de la distribution d’articles de sport et de loisirs s’est en effet lancé sur ce créneau, mais ne dispose pas en interne d’équipe dédiée. C’est pourquoi il fait appel aux boîtes spécialisées en la matière. « Il y a actuellement cinq vélos de route sur leur plateforme (ndlr : trois après vérification). Avec nos 60 vélos, on va créer une offre intéressante pour eux et de notre côté, ça nous ouvre le marché européen », indique Othmane Chouklati.

En plus du déménagement et de ce nouveau canal de vente, Ciklet est en passe d’être incubée, ce qui devrait l’aider à se développer. Rien ne plus ne filtrera pour le moment, en attendant la signature. Une fois ces grandes étapes franchies, la start-up envisagera une levée de fonds. Une première puisqu’elle s’est financée jusqu’à présent grâce à deux business angels – « deux amis qui ont investi leurs fonds propres », confie le co-fondateur – et la vente de ses vélos depuis un an, pour un chiffre d’affaires de 250 000 euros. Avec cette prochaine entrée de capitaux, elle pourra élargir son offre aux VTT et proposer à la vente des équipements reconditionnés. Sans oublier un gros volet marketing, nerf de la guerre pour trouver de nouveaux clients. ♦

 

Bonus

  • Aux États-Unis, une plateforme qui fait référence – Ciklet a son homologue outre-Atlantique. The Pro’s Closet a été créée en 2006 par Nick Martin. Plateforme de vente de vêtements de vélo d’occasion à ses débuts, c’est aujourd’hui la référence du vélo d’occasion reconditionné avec environ 3 000 unités à la vente et 7 000 à 8 000 références d’accessoires.
  • Les vélos électriques d’occasion reconditionnés ont aussi leur plateforme – Elle s’appelle Upway. Elle a été lancée en novembre 2021 par deux Français, Toussaint Wattinne et Stéphane Ficaja. En 2022, cette start-up a levé 30 millions de dollars via deux levées de fonds. Des moyens colossaux qui doivent lui permettre notamment de se déployer en Europe et aux États-Unis. Cela explique en partie pourquoi Ciklet ne s’est pas aventurée sur le segment des vélos électriques reconditionnés.