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Cimetière 100% naturel : c’est pour moi !

Par Marie Le Marois, le 1 novembre 2021

Journaliste

Le cimetière naturel de Souché, à Niort, est le premier en France à être 100% naturel. Ici, pas de caveau béton ni de plaque commémorative, les cercueils sont biodégradables et ensevelis à même la terre. Plantes et fleurs poussent sur les sépultures clairsemées, et seul un pupitre en pierre du pays rappelle l’identité du défunt. À l’heure de l’écologisation des cimetières, cet oasis drapé de vert est un modèle. Je suis allée humer cette quiétude pour un constat sans appel : je veux la même demeure pour mon repos éternel.

 

À gauche, le cimetière traditionnel

La différence est frappante. À gauche, le cimetière traditionnel. Marbres gris, graviers gris, tombes serrées et alignées, aussi rigides que les conifères bordant l’allée principale. Alors oui, effectivement, depuis l’interdiction des pesticides dans les espaces publics – qui rentre en vigueur dans les cimetières en janvier 2020 -, l’herbe adoucit la monotonie. Mais rien à voir avec le cimetière de droite délimité par une clôture en châtaignier et parsemé de sublimes arbres. « Lorsqu’on crée normalement un cimetière, on dessine les emplacements pour accueillir les sépultures et on rajoute les arbres. Là, c’est le contraire : nous sommes partis de la végétation existante. », explique Amanda Clot, responsable des cimetières et crématorium de Niort.

 

Une alternative aux cimetières gris et uniformes
Cimetière 100% naturel, je veux le même ! 1
À droite, le cimetière naturel

Ce site naturel est l’œuvre de son prédécesseur, en 2014. Son idée de départ était de proposer une alternative aux cimetières gris et uniformes. Après 30 ans immergé dans cet univers, il se désolait en effet de ces enfilades de tombes, perçues comme des « parkings de la mort », et prolongées par des « HLM » que rappellent ces columbariums tout en hauteur. La friche qui jouxtait le cimetière traditionnel était donc l’occasion idéale. Ancienne carrière de calcaire, elle offrait 4 000 m2 de végétation et sol vierge. « Nos seules interventions se résument au décaissement de l’allée principale, au déplacement des arbrisseaux sur les côtés et à la plantation de pommiers et pêchers. Pour la biodiversité », poursuit Amanda Clot.

 

100% écologique pour des sols moins pollués

De ce projet de cimetière spacieux et vert, Niort a poussé le concept jusqu’au 100% écologique, inspiré de ce qui existe déjà en Angleterre et Allemagne. Jamais une ville en France n’aura été aussi restrictive. N’importe qui peut être enterré là, mais à la condition que ses proches signent et adhèrent à la chartre : pas de caveau ni de pierres tombales. Donc, pas de soins de conservation du corps (à base de formol, ils seraient encore pratiqués sur 70% des corps), pas de fleurs artificielles, des cercueils ou urnes biodégradables (pin, carton, peu de traitement…) et vêtements naturels.

L’objectif est que la terre reçoive zéro polluant, ce qui est loin d’être le cas des lieux d’inhumation traditionnels (bonus). « Alors bien-sûr, on ne va pas vérifier les corps, on fait confiance », confie Amanda Clot qui reste tolérante dans une certaine mesure. La charte exige normalement des plantes et fleurs endémiques « mais tant que ce ne sont pas des plantes invasives ou des arbres, nous acceptons », m’explique t-elle tout en pointant lierre et conifères qu’elle va demander aux familles d’enlever. Pareil pour les pots. Normalement, il ne devrait y en avoir aucun. Mais bon, en période de Toussaint, elle accepte que les chrysanthèmes fleurissent les tombes. Les plantes idéales sont, pour elle, géraniums sauvages, bruyères et sauges.

 

Réservoir de biodiversité
Une fratrie venue se recueillir devant la sépulture de leur frère dans le Jardin d’Urnes

Des sépultures sont délimitées par un cadre en bois, d’autres non. Elles sont identifiées par un pupitre en calcaire gravé –« typographie et couleur des lettres sont laissées au choix de la famille » ou, pour certaines, par des galets peints. Joséphine est venue débarrasser la tombe de son frère des mauvaises herbes, qu’elle jette ensuite dans le compost du cimetière. Elle s’excuse pour cette jungle mais elle a « une peur bleue de la mort ». Jardiner lui fait du bien, l’apaise. Un peu plus loin, dans le Jardin d’Urnes joliment éparpillé dans le sous-bois, une fratrie se recueille. Un couple âgé, venu sur la sépulture de leur petit-fils, envisage d’être incinéré ici. Pour la beauté du lieu.

Normalement, les herbes folles cachent tout. « À part les allées, les agents ne fauchent qu’une fois par an. L’intérêt est double : la faune s’y est développée, avec notamment l’apparition de hérissons et d’écureuils. Et la gestion de l’espace est différenciée », insiste la responsable des cimetières de Niort. Rajoutez l’absence de pesticides, l’installation de nichoirs et d’hôtels à insectes, et la biodiversité y est riche. Au point que le cimetière a reçu le label Refuge LPO (Ligue pour la protection des oiseaux) en 2018. D’ailleurs, maintenant qu’elle m’en parle, je suis frappée par le piaillement des oiseaux. Il y en a partout. Tandis que sur le cimetière traditionnel voisin plane un (quasi) silence de mort.

 

Un îlot de fraîcheur…

À l’heure où l’on parle de l’urgence de la végétalisation urbaine et où les villes dégainent leurs arbres pour lutter contre le réchauffement climatique, le cimetière naturel est un véritable îlot de fraîcheur. L’agent du cimetière présent ce jour-là le confirme : l’été, il lui est agréable de travailler à l’ombre des arbres, tandis qu’à côté, « c’était une fournaise ». Il n’est pas rare aux beaux jours que des Niortais y viennent se balader ou prendre leur pause-déjeuner.

Le cimetière accueille pour l’instant 116 défunts. Ce qui me paraît peu, compte-tenu de l’intérêt du lieu. « Mais si on compare au cimetière d’à côté sur la même période, nous avons plus d’entrants », souligne Amanda Clot, rappelant au passage la richesse de l’offre de la ville : 12 cimetières. Lors de notre visite, elle pointe quelques améliorations, des vases en bambou plutôt qu’en inox  – « qui, en chauffant l’été, fait évaporer l’eau plus rapidement » – et des tombes davantage clairsemées – « parce qu’on s’est aperçu qu’on avait reproduit le système de rangées des cimetières traditionnels ! » Sinon, rien n’est à changer. La ville a déjà acheté la parcelle à côté pour doubler la superficie du cimetière naturel. Son seul défaut : il n’est pas arboré, « mais on s’y attelle déjà » !

 

…et un havre de paix pour les proches 
L’Arbre des Printemps encerclé de pavés récupérés des anciennes rues Niortaises.

Au centre du cimetière naturel se niche Le Jardin du Souvenir, un espace de dispersion des cendres. Il arbore un Arbre des Printemps réalisé par les serruriers de la ville, avec des feuilles en laiton gravées au nom des défunts. les cendres sont enfouies dans du sable recouvert de copeaux de bois. Une femme d’une cinquantaine d’années vient y déposer des chrysanthèmes pour sa mère, qui était « proche de la nature, des arbres, des fleurs ». Elle confie, dans un grand sourire, qu’il est très reposant de venir ici : « On peut se recueillir sereinement ». ♦

 

*Cet article a été publié le 1er novembre 2019

 

Bonus

[pour les abonnés] Légal, un cimetière naturel ? – Moins cher pour les familles ? – Le cimetière, une zone polluée – L’humusation : une alternative à la crémation et l’inhumation –

  • Légal, un cimetière naturel ? Selon Amanda Clot, une commune peut créer un cimetière naturel à partir du moment où elle propose d’autres alternatives. Périgné (Deux Sèvres) et Ivry, depuis peu, ont adopté ce concept.

 

  • Moins cher pour les familles. Une concession de 15 ans dans le cimetière de Souché s’élève à 112 euros, le même prix que dans un cimetière traditionnel. Mais les familles font l’économie du caveau béton et de la pierre tombale. Pour les défunts qui préfèrent une tombe naturelle, le cimetière naturel a également l’avantage d’être moins stigmatisant. Une tombe naturelle dans un cimetière traditionnel peut être en effet source de critiques : « ils n’ont pas d’argent », « ils n’aiment pas leur mort »… « Ici, tout le monde est logé à la même enseigne, il n’y a pas de signes distinctifs », souligne Amanda Clot.

 

 

  • Le cimetière, une zone polluée. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les lieux d’inhumation sont sources de pollution. Les caveaux sont bétonnés et cimentés, étanchéifiés avec des joints. Les monuments funéraires sont construits en pierre, en marbre ou granit, extraits de carrières surexploitées. Ils sont de plus en plus Made In China, moins qualitatifs, avec un transport qui impacte l’empreinte carbone. Une fois les concessions arrivées à terme, ces édifications sont obsolètes et finissent très souvent à la casse. Les cercueils sont colmatés avec du plomb, recouverts de vernis, équipés de poignées et d’ornementations en métal, les tissus de capitonnage sont souvent synthétiques.

Les urnes impliquent la même problématique. Les corps subissent des soins de préparation et de conservation où interviennent des produits très corrosifs qui s’infiltrent dans les sols via le processus de décomposition. Au-delà du formol, les produits ingérés durant notre vie ne sont pas anodins : produits chimiques dans l’alimentation, traitements médicaux comme la chimio, contraception… Tout ce qui est ingéré se retrouve dans les sols, ainsi que les tissus des vêtements qui recouvrent la dépouille. (Sources principales ici)

 

  • L’humusation : une alternative à la crémation et l’inhumation. Ce procédé, qui consiste à déposer le corps du défunt à même la terre, reste illégal. En Belgique, une pétition circule pour obtenir sa reconnaissance. Dans une vidéo, qui met en scène une humisation, il est expliqué que le corps se décompose en un an et devient un supercompost qui pourrait fertiliser un espace de plus de 100 arbres. Voir article ici.

 

  • Cercueils biodégradables et arbres de mémoire: voir idées ici