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Invendus non alimentaires : le combo CircularPlace

Par Nathania Cahen, le 5 avril 2023

Journaliste

Le marché des invendus non alimentaires pèse 4,3 milliards d’euros ©Pixabay
Avant, la solution pour les invendus non alimentaires était souvent la benne. Mais depuis la loi AGEC, ce n’est plus la même chanson : il faut les redistribuer ou les recycler. Pour aider les entreprises dans ces démarches, CircularPlace organise la revente de ces marchandises entre professionnels ou leur don à des organismes associatifs. N’en jetez plus !

Le point de départ est la fameuse « loi AGEC » (anti-gaspillage pour une économie circulaire), adoptée en janvier 2022, qui entreprend de transformer notre système en profondeur. Forte de 130 articles permettant de lutter contre toutes les formes de gaspillage, elle comprend l’interdiction de détruire des invendus non alimentaires. Et vise à transformer une économie linéaire (produire, consommer, jeter) en une économie circulaire. De quoi favoriser le recyclage, la réutilisation ou le don de bien des marchandises à des associations caritatives.

Tous les équipements devront s’y conformer au plus tard le 31 décembre 2023. En cas de non-respect, la loi prévoit des sanctions, essentiellement des amendes pouvant aller jusqu’à 15 000 euros par manquement et par entreprise. « Mais c’est davantage le bad buzz que l’amende que redoutent les entreprises », glisse Vincent Rigal, CEO et cofondateur de CircularPlace.

La gestion des invendus, un casse-tête

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Maxime Scholz, Vincent Rigal et Alain Rouchet ©DR

Je le rencontre à l’incubateur Ville Durable de Paris & Co, dans le nord de Paris. Ambiance jeune, murs pop, mugs et tee-shirts siglés. C’est là que CircularPlace est incubé depuis septembre 2022. Dans ses vies précédentes, Vincent Rigal, 38 ans cette année, a été responsable achats d’une major des Télécom, puis en charge du parc obsolescence d’un grand groupe du secteur de la consommation. « J’ai donc conscience des difficultés liées à la gestion des invendus, à fortiori quand elle est assortie de contraintes ». Mais s’il y a des problématiques, il n’y a pas de réponse globale en face. Ce marché pèse pourtant 4,3 milliards d’euros.

Avec ses acolytes Maxime Scholz et Alain Rouchet, ils mûrissent l’idée de créer une plateforme « tout en un ». À même de permettre aux entreprises de ne plus jeter, brûler ou détruire les invendus. D’encadrer leur pratique, d’en attester pour les mettre en conformité avec la loi. Bref de « trouver la solution la plus pertinente, au cas par cas, explique Vincent Rigal. Notre rôle étant de jouer les intermédiaires ». Avec un fonctionnement des plus simples : toute entreprise intéressée ouvre un compte sur l’appli CircularPlace. Trois options s’offrent ensuite à elle : vendre, donner ou recycler.

Vendre, donner ou recycler

Invendus non alimentaires : le combo CircularPlace 1Vendre en premier lieu. CircularPlace se présente en effet comme une place de marché nationale qui permet de proposer aux enchères des invendus pour en obtenir le meilleur prix.

Sinon, donner : à l’une des quelque 200 associations (« toutes les grandes sont déjà chez nous ») partenaires de CircularPlace. Et soutenir ainsi une cause via une action solidaire.

Enfin, recycler si le lot n’a pas trouvé preneur. Une solution vertueuse peut alors être trouvée auprès d’un partenaire recycleur, adaptée au produit et à son état.

Cœur de ce business : les invendus non alimentaires (vaisselle, vêtements, mobilier, décoration…), qui souvent appartiennent à de grands groupes. Le jour de cette interview, un lot d’un million de coffrets de crème cosmétique vient d’être enregistré. Comme ils sont passés de mode, ils entrent davantage dans la case donner. Il y a de fortes chances que l’Agence du don en nature ou Dons Solidaires, par exemple, soient intéressés pour son réseau.

Quand aucune de ces propositions solution ne marche, un certificat attestant que l’entreprise a épuisé toutes les possibilités pour écouler ses invendus alimentaires lui est gratuitement fourni. Cela lui permet de procéder à la destruction des produits en toute légalité et en conformité avec la loi AGEC.

♦ Relire l’article Vêtements neufs lacérés, brûlés, jetés : vers la fin d’un scandale ?

Traquer l’impact

Invendus non alimentaires : le combo CircularPlace
CircularPlace ambitionne de devenir un acteur international ©Pixabay

En outre, CircularPlace propose à ses clients une place d’échange en marque blanche, intra-entreprise. Elle permet aux collaborateurs ou sites d’un même groupe de se prêter ou s’échanger des biens disponibles. Évitant ainsi tout achat superflu – la perceuse comme le barnum. La plateforme propose aussi un calcul d’impact pour permettre aux entreprises de mesurer l’économie de CO2 réalisée grâce aux transactions réalisées.

L’inscription sur la plateforme est entièrement gratuite pour les entreprises, acheteurs et associations. CircularPlace se rémunère sur les transactions réussies dont 10% sont prélevés. Parmi les premiers grands comptes entreprises enregistrés : Sodexo – le roi de la restauration collective, pour tout ce qui est non alimentaire, évidemment.

« Nous avons de la chance, les planètes sont alignées entre notre produit, les attentes sociétales en demande d’entreprises vertueuses et le calendrier », reconnaît Vincent Rigal. Jusqu’à ces premières récompenses qui encouragent la jeune entreprise, comme le trophée Jeune Pousse décerné par le média Objectif Green.

Rayonner au-delà de la France

CircularPlace a le soutien de la Mairie de Paris et de la BPI. De plus, une levée de fonds appuyée par des business angels aura lieu d’ici l’été. En plus des trois cofondateurs, la start-up compte aujourd’hui 9 salariés.

Désormais, elle ambitionne de devenir rapidement un acteur international ; en tout cas européen puisque les obligations seront les mêmes pour tous les pays de l’UE en 2024. Et avec toute la data engrangée (autour de la RSE et du calcul d’impact notamment), elle aspire aussi à être une référence en matière de données du réemploi. ♦

Bonus
  • La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Dite loi AGEC, elle interdit la destruction des produits non alimentaires invendus. Cette mesure est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Depuis cette date, les producteurs, importateurs et distributeurs de produits non alimentaires neufs destinés à la vente sont tenus de les réemployer, de les réutiliser, de les recycler ou de les donner lorsqu’ils n’ont pas pu être vendus. À ce titre, ils doivent prioritairement faire don des produits de première nécessité (à savoir les produits d’hygiène et de puériculture) à des associations de lutte contre la précarité et à des structures de l’économie sociale et solidaire bénéficiant de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ».

Les producteurs ou distributeurs sont ainsi amenés à effectuer des concessions sur la gestion de leurs stocks pour réduire les invendus.

 

♦ Lire aussi : Agence du don en nature : du neuf pour les plus démunis

 

  • Les dons en nature. Consentis par une entreprise à une association caritative, ils ouvrent droit à une exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés. À hauteur de 60% de la valeur des produits donnés, dans la limite de 20 000 euros ou de 0,5% du chiffre d’affaires de l’entreprise si ce dernier montant est plus favorable. Pour la fraction de dons supérieure à 2 M€, la réduction d’impôt est de 40% de la valeur des produits donnés, dans la limite de 20 000 euros ou de 0,5% du chiffre d’affaires de l’entreprise si ce dernier montant est plus favorable. Sachant que la réduction est de 60%, quel que soit le montant du don, lorsque ce dernier est consenti à un organisme sans but lucratif (fourniture gratuite de repas ou de soins ou d’un logement à des personnes en difficulté).

En pratique, sont concernés par cette obligation : les produits électriques et électroniques ; les textiles (vêtements, chaussures…) ; les meubles ; les cartouches d’encre ; les produits d’hygiène et de puériculture (savons, shampoings, déodorants, dentifrices…) ; les équipements de conservation et de cuisson des aliments ; les produits d’éveil et de loisirs ; les livres et les fournitures scolaires.

 

  • Exception. Le recyclage est interdit pour certains invendus présentant un risque pour l’environnement ou la santé humaine. Ou dont le recyclage conduirait à un impact environnemental négatif. Ils échappent à l’interdiction et peuvent donc continuer à être détruits. Il en est de même lorsqu’il n’existe aucune solution de réemploi, de réutilisation ou de recyclage pour des invendus.