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L’orchestre s’invite au collège

Par Agathe Perrier, le 7 février 2022

Journaliste

La musique donne des clés aux adolescents pour développer confiance, écoute, attention. Des compétences qu’ils utilisent au quotidien dans leur vie © Agathe Perrier

Découvrir la musique en s’initiant, en classe, à la pratique de l’orchestre : voilà ce que propose la Cité de la musique de Marseille dans deux collèges en zone prioritaire. Outre le socle scolaire commun, les élèves ont quatre heures de musique supplémentaires par semaine. Une activité qui favorise estime, confiance, motivation et esprit d’équipe.

 

Matière préférée pour certains, détestée par d’autres – merci la flûte – le cours de musique a laissé des souvenirs chez nombre d’élèves. Même s’il est plutôt marginal dans les emplois du temps : à peine une heure au collège. Sauf dans certains établissements, comme Versailles (3e arrondissement de Marseille) et Barnier (16e). Tous deux disposent en effet d’une classe orchestre.

« Le principe est simple : tous les trois ans, une classe de 5ème est choisie au hasard par les enseignants. Jusqu’à la fin de leur année de 3ème, les élèves suivent chaque semaine quatre heures de musique en plus de leur emploi du temps », explique Yolaine Callier, responsable des écoles au sein de la Cité de la musique, qui porte ce dispositif depuis 2007 (bonus). L’occasion d’apprendre et pratiquer un instrument – saxophone, trompette, clarinette, flûte ou trombone – de manière collective. Et d’accéder à une activité aux nombreux bénéfices, à laquelle ils n’auraient sûrement jamais pu s’initier autrement.

 

 

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Parmi les cinq instruments proposés aux élèves à leur entrée en 5e : la flûte © AP

Répétition, proposition, improvisation

Au collège Versailles, lundi rime avec musique pour la classe orchestre. Les 22 élèves, actuellement en 3ème, forment la cinquième promotion du dispositif « Orchestre au collège ». En cette fin janvier, ils répètent déjà ardemment leur spectacle de fin d’année prévu en mai. Un projet mêlant à la fois musique et théâtre, qui viendra clôturer trois ans de pratique intensive. La petite troupe revoit donc son répertoire. Notamment une partition évoquant une atmosphère de suspens. Gilles Cabanes, le professeur de musique, repère rapidement de quel pupitre – groupe d’élèves jouant du même instrument – viennent les fausses notes. On rectifie, corrige, répète de nouveau.

Puis vient le moment de choisir un morceau à jouer pour personnifier la joie. « Soit on utilise quelque chose que vous connaissez, soit on crée », suggère l’enseignant. Les apprentis musiciens ne manquent pas d’idées, sans tomber d’accord pour autant. Place alors à la création et à l’impro. Djasma se lance la première à la clarinette. Cela plaît à son professeur qui, dès la première écoute, identifie ses notes. Il les dicte au reste de la troupe et tout le monde les reprend dans la foulée. Tout se fait à l’oral dans un premier temps. En une dizaine de minutes, chaque pupitre retient les trois premières mesures du futur morceau. Ça avance vite et bien, malgré le bruit omniprésent. Entre les bavardages, les rires, ceux qui répètent dans leur coin, la classe est animée. Mais l’ambiance est à la fois bon enfant et studieuse.

 

À chacun son instrument

Cette heure de répétition d’orchestre est d’ordinaire suivie d’un cours où chaque pupitre travaille la technique propre à son objet, épaulé par un professeur de la Cité de la musique. « Le trombone et la trompette sont plus compliqués à jouer que les autres parce qu’ils ont moins de doigtés. Les sons dépendent donc aussi de la force du souffle dans l’instrument », précise Yolaine Callier.

Pour choisir leur futur compagnon de route, les élèves les testent tous à leur entrée en 5ème. Six semaines de découverte au bout desquelles ils listent leurs deux préférés. Les enseignants les dispatchent ensuite dans les groupes en prenant leur souhait en compte. « Certains ont une facilité innée avec un des instruments. On les incite alors à le choisir car ils s’en sortiront bien et ça les mettra en confiance », souligne la responsable du programme. Si Hichem s’est tourné vers le saxo – « Le son me plaisait et le nombre de touches m’impressionnait » – Soumeya a, elle, opté pour la trompette. « Pour le son et parce qu’il y a que des garçons qui en font d’habitude », glisse-t-elle, un brin féministe même si c’est involontaire.

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Soumeya a choisi la trompette « pour le son et parce qu’il y a que des garçons qui en font d’habitude » © AP

 

Heures sup’ sans rechigner

En plus de ces cours, les adolescents ont deux heures d’études surveillées par semaine pour pratiquer. Chacun dans son coin préféré, avec l’aide de leur professeur de musique. Ces séances ont été mises en place pour leur permettre de s’entraîner en dehors de la classe car ils ne peuvent pas ramener leur instrument chez eux, par mesure de sécurité. C’est généralement en fin de journée, parfois même durant les vacances scolaires. Des heures supplémentaires qu’étonnamment, ils ne rechignent pas à faire. « On a vu de gros progrès dans leur comportement en trois ans. Certains élèves présentaient de tels troubles que l’on se demandait s’ils allaient continuer une scolarité », confie Gilles Cabanes. Et Yolaine Callier d’appuyer : « La musique leur donne des clés pour développer confiance, écoute, attention. Des compétences qu’ils utilisent au quotidien dans leur vie ».

 

 

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Deux des clarinettistes de la classe orchestre du collège Versailles © AP

Pas de compétition, mais une vraie émulation

L’orchestre a en plus la particularité de favoriser l’entraide et le travail de groupe. « Il n’y a pas de compétition possible. Si l’un joue très bien mais que les autres membres du pupitre ne sont pas à l’unisson, ça ne fonctionne pas. Ils le comprennent vite et ça crée une émulation », souligne la responsable. « On dit qu’on est une classe soudée », confirme Mayron, l’un des trombonistes. Le jeune garçon compte d’ailleurs continuer la pratique de son instrument après le collège. Pour tous les motivés comme lui, la Cité de la musique a mis en place un atelier de pratique orchestrale. Ils peuvent ainsi prolonger leur apprentissage pour 20 euros par trimestre. Au bout de trois ans, leur instrument leur est même offert (bonus). Depuis 2007, une vingtaine d’adolescents a poursuivi jusqu’à l’âge 18 ans. Et ce n’est pas près de s’arrêter. ♦

 

* Le ZEF, scène nationale de Marseille, parraine la rubrique éducation et vous offre la lecture de cet article *

 

Bonus

[pour les abonnés] – d’autres orchestres dans d’autres écoles – un instrument à soi –

  • Instrument offert après six ans de pratique – L’atelier de pratique orchestrale proposé par la Cité de la musique à tout collégien désireux de poursuivre est financé par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le département des Bouches-du-Rhône leur offre leur instrument à condition qu’il continue pendant trois ans complets. Parmi les autres partenaires de la Cité de la musique pour les orchestres : l’agence de la cohésion des territoires, la Métropole Aix-Marseille Provence, la Ville de Marseille et le dispositif Cité éducative.
  • Un orchestre à l’école Korsec – La Cité de la musique a aussi ouvert une classe orchestre en 2008 à l’école élémentaire Korsec (1er arrondissement). Le cycle dure également trois ans, du CE2 au CM2. Les enfants s’initient par contre à des instruments à cordes et non à vent. La raison ? À cause des trous liés aux pertes de dents qui modifient l’air envoyé dans l’instrument et donc le son !
  • Des orchestres partout en France – Pour déployer son programme « Orchestre au collège », la Cité de la musique de Marseille a été soutenue jusqu’en 2013 de l’association Orchestre à l’école. Cette dernière promeut le développement des orchestres partout en France et les aide financièrement pour l’achat des parcs instrumentaux. On en compte actuellement 1 460 sur tout le territoire, 67% en école primaire et 33% en collège. La philharmonie de Paris porte aussi depuis 2010 un dispositif baptisé Démos. Il permet à des enfants habitant dans des quartiers défavorisés de s’initier à un instrument en dehors du temps scolaire (notre article à retrouver en cliquant ici).

La musique classique à la portée des enfants des quartiers défavorisés