Pour former les éco-citoyens de demain à la protection des océans, la Ville de Marseille a mis sur pied avec le Naturoscope un projet de Classes Bleues destinées aux élèves de primaire. Au programme : découverte de la vie marine, apprentissage des bons gestes pour la protéger et sorties en voilier. Chaque année, près de 3500 élèves participent à ces actions de sensibilisation et d’éducation. Comme ces 30 écoliers de CM2 de l’école élémentaire Prado Plage qui, au printemps, ont embarqué pour un cours grandeur nature.
« Vous avez déjà traversé des tempêtes ? » « Oui » « Vous avez eu peur ? » « Oui, parfois. » « Vous avez déjà chaviré ? » « Oui, évidemment ». « Est-ce qu’on va chavirer aujourd’hui ? » « Non. » Les questions fusent. Les réponses arrivent au compte-goutte, légèrement laconiques. Les matelots du jour, 10 ans, sont curieux et soumettent à la question leur capitaine. Mais en bon marin, il économise ses mots. Jean, quelques miles au compteur, emmitouflé dans son ciré bleu, répond patiemment aux élèves de la classe de CM2 qu’il accueille à son bord.
Les moussaillons sortent de l’école élémentaire Prado Plage (8e arr) pour suivre quatre journées de sensibilisation à la navigation et à la protection de l’océan. Ce projet s’inscrit dans le cadre du programme « Classes Bleues » mis en place au Prado Plage par l’institutrice Monica Artero et le directeur d’établissement Sylvain Rosati. Trois bateaux, dix élèves par embarcation.
L’école de la mer
Ces classes transplantées proposent : découverte du milieu marin, navigation, cours sur la biodiversité. Ce programme s’inscrit dans la continuité de l’appel à projets « Envies d’environnement » lancé par la Ville de Marseille en 1999. De bon matin, les élèves, casquettes et lunettes sur la tête, quittent l’école et mettent le cap vers la plage, en bas de la rue. La classe arrive joyeusement sur le front de mer et débarque à l’antenne du Club municipal de voile (CMV).
Derrière les barrières métalliques, les bateaux. Les enfants sont accueillis par des « voileux » burinés, qui leur expliquent qu’ils seront seuls maîtres à bord en mer. Sécurité oblige. Ils les invitent à aller se changer fissa, puis à enfiler des gilets de sauvetage aux couleurs fluo.
Les petits suivent leurs guides et se retiennent de ne pas courir pour rejoindre les Echo 90, bateaux-écoles de 12 mètres qui les attendent à quai. Sur les voiliers, les moniteurs (tous diplômés d’État) leur apprennent à nommer les éléments du bateau : le mât, facile, la barre, mais aussi la quille, le safran, la bôme, qui peut être méchante, attention aux têtes, le foc, pas encore sorti, la grand-voile, les barres de flèche ou encore les haubans…
C’est beaucoup de mots nouveaux, qui seront répétés à chaque sortie. Jean explique comment avance un navire, rappelle les règles de sécurité.
Et que l’on ne dit pas « ficelle », mais « bout ». Qu’ils ont chacun une fonction et qu’il ne faut pas les confondre lors de la navigation, si l’on veut espérer arriver plus sûrement à bon port.
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Larguer les amarres
Le capitaine lance le moteur et largue les amarres. Les petits sont mis à contribution pour ramener les pare-battages, hisser la grand-voile, puis le foc. L’un des enfants est rapidement désigné comme barreur, ils alterneront à ce poste comme à tous les autres. Puis, près de trois heures plus tard, et le plein d’iode et d’émotions, retour au port, manœuvre en douceur, débarquement de l’équipage joyeux et affamé. Les premières frayeurs ont été dépassées, certains enfants n’avaient en effet jamais navigué de leur vie.
C’est l’heure du pique-nique, au milieu des coques de bateau et des planches à voile. « On a vu des dauphins ! », s’exclame Antonin. « Oh, la chance », répondent d’autres petits. « On a été jusqu’à l’île du Comte de Monte Cristo, on a vu le château d’où il s’est sauvé ! », dit Antoine.
Cap sur la biodiversité
Après le déjeuner, Lison, intervenante du Naturoscope, arrive. Elle va parler aux enfants biodiversité et protection des océans.
L’association (lire bonus) intervient toute l’année auprès d’élèves de la maternelle au lycée. Mais aussi auprès du grand public et des plaisanciers, à travers des actions de sensibilisation sur terre ou en mer. Les enfants s’installent dans la grande salle, l’institutrice en vigie bienveillante au fond.
La jeune femme commence par une question. « C’est quoi la biodiversité ? ». « C’est ce qu’il faut protéger », se lance une élève. « Oui, tu as raison, mais qu’est-ce que c’est ? Pour la protéger il faut savoir ce que c’est… ». Les réponses fusent, les enfants sont encouragés à participer, ont le droit de se tromper.
Le savoir et l’accès aux connaissances se co-construit avec les enfants sur un mode participatif et ludique. Lison présente, jeux et films à l’appui, les différentes formes de vie sous-marine : peuples des rochers, des sables et de pleine eau. Où il sera question du mérou, qui naît asexué, avant de devenir femelle, puis mâle. « Mais les femelles, elles, ont des vieux amoureux alors ! »
On apprendra aussi que certaines étoiles de mer sont capables de sortir leur estomac de leur corps le temps de digérer une proie copieuse. Ou que chez les hippocampes, c’est monsieur qui porte les œufs… Outre ces curiosités animalières, les enfants apprendront à reconnaître les principales espèces peuplant les océans et l’importance de les protéger.
Un océan à protéger
Ils réviseront les mots du bateau, comprendront quelles interactions entre l’homme et la nature abîment cette dernière, quels gestes simples permettent de protéger la vie. À chaque nouvelle séance en mer ou à terre, les enfants apprennent de manière ludique l’essentiel à connaître sur la faune et la flore tout en découvrant des rudiments de navigation, et les réserves marines in situ, sortes de travaux pratiques grandeur nature ! L’échelle de Beaufort et les nœuds marins sont aussi au programme.
La dernière journée permet d’aller observer les élevages de poissons de la ferme aquacole de l’île du Frioul. D’admirer les criques sauvages nichées dans le dédale d’îles alentour. Quelques vocations de marin sont peut-être nées, tous repartent riches d’un enseignement à hauteur d’enfant. Les écocitoyens de demain sont en chemin. ♦
*La Criée, Théâtre national de Marseille, parraine la rubrique éducation et vous offre la lecture de cet article*
Bonus
[pour les abonnés] – Le Naturoscope –