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Classes bleues : à l’école des moussaillons

Par Neijma Lechevallier, le 23 mai 2023

Journaliste

Pour former les éco-citoyens de demain à la protection des océans, la Ville de Marseille a mis sur pied avec le Naturoscope un projet de Classes Bleues destinées aux élèves de primaire. Au programme : découverte de la vie marine, apprentissage des bons gestes pour la protéger et sorties en voilier. Chaque année, près de 3500 élèves participent à ces actions de sensibilisation et d’éducation. Comme ces 30 écoliers de CM2 de l’école élémentaire Prado Plage qui, au printemps, ont embarqué pour un cours grandeur nature.

 

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Mathieu, Naïm et Joachim scrutent la ligne d’horizon et leurs camarades embarqués sur un autre voilier.

« Vous avez déjà traversé des tempêtes ? » « Oui » « Vous avez eu peur ? » « Oui, parfois. » « Vous avez déjà chaviré ? » « Oui, évidemment ». « Est-ce qu’on va chavirer aujourd’hui ? » « Non. » Les questions fusent. Les réponses arrivent au compte-goutte, légèrement laconiques. Les matelots du jour, 10 ans, sont curieux et soumettent à la question leur capitaine. Mais en bon marin, il économise ses mots. Jean, quelques miles au compteur, emmitouflé dans son ciré bleu, répond patiemment aux élèves de la classe de CM2 qu’il accueille à son bord.

Les moussaillons sortent de l’école élémentaire Prado Plage (8e arr) pour suivre quatre journées de sensibilisation à la navigation et à la protection de l’océan. Ce projet s’inscrit dans le cadre du programme « Classes Bleues » mis en place au Prado Plage par l’institutrice Monica Artero et le directeur d’établissement Sylvain Rosati. Trois bateaux, dix élèves par embarcation.

 

L’école de la mer

Ces classes transplantées proposent : découverte du milieu marin, navigation, cours sur la biodiversité. Ce programme s’inscrit dans la continuité de l’appel à projets « Envies d’environnement » lancé par la Ville de Marseille en 1999. De bon matin, les élèves, casquettes et lunettes sur la tête, quittent l’école et mettent le cap vers la plage, en bas de la rue. La classe arrive joyeusement sur le front de mer et débarque à l’antenne du Club municipal de voile (CMV).

Derrière les barrières métalliques, les bateaux. Les enfants sont accueillis par des « voileux » burinés, qui leur expliquent qu’ils seront seuls maîtres à bord en mer. Sécurité oblige. Ils les invitent à aller se changer fissa, puis à enfiler des gilets de sauvetage aux couleurs fluo.

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Jean rappelle les règles de sécurité et explique à son équipage les différentes parties du voilier.

Les petits suivent leurs guides et se retiennent de ne pas courir pour rejoindre les Echo 90, bateaux-écoles de 12 mètres qui les attendent à quai. Sur les voiliers, les moniteurs (tous diplômés d’État) leur apprennent à nommer les éléments du bateau : le mât, facile, la barre, mais aussi la quille, le safran, la bôme, qui peut être méchante, attention aux têtes, le foc, pas encore sorti, la grand-voile, les barres de flèche ou encore les haubans…

C’est beaucoup de mots nouveaux, qui seront répétés à chaque sortie. Jean explique comment avance un navire, rappelle les règles de sécurité.

Et que l’on ne dit pas « ficelle », mais « bout ». Qu’ils ont chacun une fonction et qu’il ne faut pas les confondre lors de la navigation, si l’on veut espérer arriver plus sûrement à bon port.

 

 

Larguer les amarres

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Parés à larguer les amarres, les pare-battages vont être relevés. il faudra des bras pour hisser la grand-voile. Amandine, Janna, Lilou et Nina écoutent attentivement.

Le capitaine lance le moteur et largue les amarres. Les petits sont mis à contribution pour ramener les pare-battages, hisser la grand-voile, puis le foc. L’un des enfants est rapidement désigné comme barreur, ils alterneront à ce poste comme à tous les autres. Puis, près de trois heures plus tard, et le plein d’iode et d’émotions, retour au port, manœuvre en douceur, débarquement de l’équipage joyeux et affamé. Les premières frayeurs ont été dépassées, certains enfants n’avaient en effet jamais navigué de leur vie.

C’est l’heure du pique-nique, au milieu des coques de bateau et des planches à voile. « On a vu des dauphins ! », s’exclame Antonin. « Oh, la chance », répondent d’autres petits. « On a été jusqu’à l’île du Comte de Monte Cristo, on a vu le château d’où il s’est sauvé ! », dit Antoine.

 

Cap sur la biodiversité

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La ferme aquacole des Îles du Frioul, un exemple de protection de la ressource.

Après le déjeuner, Lison, intervenante du Naturoscope, arrive. Elle va parler aux enfants biodiversité et protection des océans.

L’association (lire bonus) intervient toute l’année auprès d’élèves de la maternelle au lycée. Mais aussi auprès du grand public et des plaisanciers, à travers des actions de sensibilisation sur terre ou en mer. Les enfants s’installent dans la grande salle, l’institutrice en vigie bienveillante au fond.

La jeune femme commence par une question. « C’est quoi la biodiversité ? ». « C’est ce qu’il faut protéger », se lance une élève. « Oui, tu as raison, mais qu’est-ce que c’est ? Pour la protéger il faut savoir ce que c’est… ». Les réponses fusent, les enfants sont encouragés à participer, ont le droit de se tromper.

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Après la théorie, la pratique. On apprend à reconnaitre les petites bêtes, qui seront toutes relâchées à l’issue de la séance.

Le savoir et l’accès aux connaissances se co-construit avec les enfants sur un mode participatif et ludique. Lison présente, jeux et films à l’appui, les différentes formes de vie sous-marine : peuples des rochers, des sables et de pleine eau. Où il sera question du mérou, qui naît asexué, avant de devenir femelle, puis mâle. « Mais les femelles, elles, ont des vieux amoureux alors ! »

On apprendra aussi que certaines étoiles de mer sont capables de sortir leur estomac de leur corps le temps de digérer une proie copieuse. Ou que chez les hippocampes, c’est monsieur qui porte les œufs… Outre ces curiosités animalières, les enfants apprendront à reconnaître les principales espèces peuplant les océans et l’importance de les protéger.

 

Un océan à protéger

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Antoine et Antonin, heureux de ces classes bleues à deux pas de leur école. C’est chouette d’apprendre en s’amusant !

Ils réviseront les mots du bateau, comprendront quelles interactions entre l’homme et la nature abîment cette dernière, quels gestes simples permettent de protéger la vie. À chaque nouvelle séance en mer ou à terre, les enfants apprennent de manière ludique l’essentiel à connaître sur la faune et la flore tout en découvrant des rudiments de navigation, et les réserves marines in situ, sortes de  travaux pratiques grandeur nature ! L’échelle de Beaufort et les nœuds marins sont aussi au programme.

La dernière journée permet d’aller observer les élevages de poissons de la ferme aquacole de l’île du Frioul. D’admirer les criques sauvages nichées dans le dédale d’îles alentour. Quelques vocations de marin sont peut-être nées, tous repartent riches d’un enseignement à hauteur d’enfant. Les écocitoyens de demain sont en chemin. ♦

*La Criée, Théâtre national de Marseille, parraine la rubrique éducation et vous offre la lecture de cet article*

 

Bonus

[pour les abonnés] – Le Naturoscope –

  • Le Naturoscope. Cette association basée à Mazargues, a été créée en 1995. Son objectif est de sensibiliser et d’éduquer le public à la fragilité des écosystèmes méditerranéens et à leur protection nécessaire. Les 11 salariés de l’association sont répartis sur 4 sites : le siège administratif à Mazargues, la Maison de la mer sur la plage du Prophète (13007), la Maison de la forêt à la Campagne Pastré (13008) et le Naturoscope Var au Pradet, près de Toulon.

Le Naturoscope déploie des actions variées à Marseille. L’éducation à l’environnement se fait à travers divers projets avec les écoles, collèges et lycées marseillais, près de 140 classes participant chaque année à ces programmes pédagogiques, en classe ou sur sites.

L’association mène également des campagnes de sensibilisation grand public à la fragilité des écosystèmes provençaux, comme « Info plage », « Éco gestes pour la Méditerranée » et les Patrouilles Bleues. Chaque été, jusqu’à 10 000 personnes sont touchées. Par ailleurs, tous les ans, elle organise des actions avec l’aide de bénévoles (reboisement d’automne, nettoyages littoraux et forestiers).

Enfin, des balades de découverte de la faune, la flore et des écosystèmes sont organisées, pour les adhérents ou des groupes (comités d’entreprise, clubs, associations…). Elles ont essentiellement lieu dans la région marseillaise (calanques, forêt de Saint-Pons, massif de l’Étoile).