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Comment Pernod-Ricard se pose en entreprise responsable

Par Maëva Danton, le 27 septembre 2021

Journaliste

En 2007, le groupe lance la relocalisation de la culture de fenouil en Provence. Pour le grand bonheur des pollinisateurs. @PernodRicard

Quand on est un des leaders mondiaux des spiritueux, s’engager en faveur de l’environnement pourrait être assimilé à du greenwashing. C’est pour éviter un tel procès d’intention que le groupe Pernod-Ricard s’est lancé il y a deux ans dans une politique de responsabilité sociale structurée, à l’échelle mondiale. Avec des objectifs chiffrés. En France, cela se décline autour de trois axes : la préservation de la planète, la consommation responsable d’alcool, et l’action citoyenne. Essentiel pour répondre aux attentes des clients. Et pour attirer des talents.

 

Difficile de trouver une entreprise qui ne vous parlera pas de sa stratégie RSE. Derrière ce sigle, trois mots : Responsabilité Sociale des Entreprises. En d’autres termes, il s’agit de l’ensemble des actions menées en faveur de l’environnement, du bien-être au travail, des enjeux sociaux et sociétaux. L’idée, c’est qu’une entreprise ne peut plus se contenter d’engranger des revenus en échange de biens et de services. Elle doit aussi apporter un plus à la société. Ou du moins réduire ses impacts négatifs.

À Marseille, le groupe Pernod Ricard France fait de cette responsabilité un axe clé de sa stratégie de développement. Pas seulement parce que c’est une obligation légale (bonus), mais parce que cela fait partie de son histoire et de celle de ses fondateurs.

 

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Cécile Devillers, responsable de la performance durable au sein de Pernod Ricard France. @PR
Paul Ricard, amoureux de la nature et pionnier de la responsabilité environnementale

Parmi eux, Paul Ricard, un amoureux de la nature. En 1966, il est le fondateur de l’Institut océanographique éponyme, dans le Var. Celui-ci se situe plus précisément sur les Embiez, une des îles que Paul Ricard acquiert en 1955 pour promouvoir un tourisme vert accessible à tous.

« C’est aussi l’un des premiers à s’être engagé sur le mécénat scientifique. Et le groupe est toujours un gros mécène de cet institut », assure Bruno Goimier, directeur de la communication de Pernod Ricard France.

À ses côtés, dans une petite salle baptisée Lillet – du nom de la marque d’apéritif détenue par le groupe – Cécile Devillers, qui est responsable de la performance durable, confirme que cet engagement de l’entreprise ne date pas d’hier. « En 2001, la société Paul Ricard est la première entreprise agroalimentaire à obtenir une triple certification Iso. Puis en 2008-2009, nous avons mis en place une politique de réduction de notre consommation d’eau, d’énergie et de déchets ». Une politique qui s’applique autant en interne que vis-à-vis des fournisseurs et prestataires. « Pour le transport, nous avons intégré à nos appels d’offres des exigences environnementales. Nous avons aussi travaillé sur les emballages pour qu’ils soient écoconçus », c’est-à-dire recyclables, compostables ou réutilisables, et moins gourmands en ressources au moment de leur fabrication.

 

« Désormais, si une entreprise ne fait rien sur ces sujets, il y a une grosse déception »

En 2011, cette démarche est récompensée d’un Trophée RSE PACA. Le terme RSE qui apparaît dans ces années-là donne corps aux initiatives parfois éparses prises jusqu’alors. Dans le même temps, les attentes des consommateurs évoluent. Ils s’intéressent à la manière dont sont fabriqués les produits qu’ils consomment.

« Désormais, si une entreprise ne fait rien vis-à-vis des enjeux environnementaux, sociétaux, il y a une grosse déception en face. C’est devenu une obligation pour continuer d’attirer les consommateurs mais aussi pour recruter », assure Cécile Devillers.

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Veiller à une agriculture durable est aussi un moyen de disposer d’un approvisionnement de qualité. @PR
Une politique globale et structurée, impulsée par le groupe à l’international

D’où le lancement d’une politique à l’échelle du groupe Pernod Ricard Monde. Son nom : « Good times from a good place », ou « Préserver pour partager » en français. L’ambition est alors d’enclencher une démarche globale qui concerne tous les services et toutes les parties prenantes du groupe à l’échelle mondiale. Avec des objectifs chiffrés pour évaluer la performance, à des échéances allant jusqu’en 2030. Des objectifs liés à ceux de l’ONU en matière de développement durable.

La démarche se décline en une trentaine d’engagements, dont certains ne correspondent pas nécessairement aux réalités du groupe France. « Certains objectifs étaient déjà atteints ou ne concernaient pas vraiment nos activités. Alors nous avons sélectionné ceux qui nous semblaient les plus pertinents, autour de trois axes », explique Bruno Goimier.

 

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Bruno Goimier, directeur de la communication @PR
Préservation de la planète

Le premier de ces axes, c’est la préservation de la planète. Ainsi, l’entreprise se donne un peu moins de dix ans pour réduire de 50% ses émissions de CO2. Elle s’engage également à concevoir d’ici 2025 100% de ses emballages de manière éco-responsable. « Pour le moment, nos bouteilles de Ricard sont réalisées à 81% à partir de verre recyclé », assure Justine de Stoutz, chargée de communication.

Des défis qui exigent d’impliquer les fournisseurs, notamment les agriculteurs. « Nous voulons que 100 % de nos terroirs stratégiques soient certifiés en agriculture durable ou régénératrice d’ici 2030 », annonce Cécile Devillers. Cela passe par des expérimentations menées avec les producteurs. L’une d’entre elles concerne évidemment le fenouil, à l’origine du goût anisé au pastis.

« Nous avons relancé sa culture en Provence en 2007. Grâce à cette culture, les agriculteurs ont la possibilité de faire des rotations ou de compléter leur production ». Mais ce qui n’était pas prévu -et c’est une bonne surprise- c’est que la plante a attiré sur ces cultures (du lavandin en l’occurrence) de nombreux pollinisateurs. Soit une quarantaine d’espèces repérées contre 12 sur une parcelle de lavandin sans fenouil. Un constat confirmé par une thèse menée ensuite sur ce sujet. Et l’entreprise a tout à y gagner car ces pollinisateurs ont la vertu d’améliorer la qualité et le rendement du fenouil.

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Dans le cadre du Congrès mondial de la nature de l’IUCN, le groupe Pernod Ricard a organisé une série de rencontres sur les liens entre entreprises et biodiversité. @PR
Un rôle citoyen

Au-delà de rendre sa production plus compatible avec la préservation de l’environnement, le groupe œuvre également à « cultiver la convivialité responsable », c’est-à-dire à promouvoir auprès de son public et de ses distributeurs une consommation raisonnable d’alcool. Elle développe pour cela des boissons contenant peu ou pas d’alcool. Et organise des campagnes de sensibilisation. « En 2009, nous avons par exemple lancé le programme Responsible Party en partenariat avec le réseau Erasmus. Il s’agit de faire appel à des jeunes impliqués dans le dispositif Erasmus pour sensibiliser les autres jeunes en soirée », explique le directeur de la communication.

Enfin, le groupe s’attelle à agir « en entreprise citoyenne » en s’impliquant sur divers sujets de société. Qu’il s’agisse de défendre des savoir-faire locaux, d’encourager certaines initiatives de solidarité via le mécénat de compétence – c’est-à-dire en permettant aux salariés du groupe de dédier quelques heures de leur temps de travail à une association-. Ou encore en favorisant la « diversité et l’inclusion » pour compter dans ses postes de direction 50% de femmes d’ici 2030.

 

Une démarche dont s’emparent les salariés

Des actions nombreuses, qui touchent finalement à tous les services du groupe. « Tout le monde est concerné, il n’y a pas une direction RSE. La diffusion de ces valeurs se fait par les gens, qu’ils s’occupent du marketing ou des achats ». Les directions performance durable et communication jouant un rôle de coordinateur des initiatives prises ci et là. Histoire de garantir une certaine cohérence. Car les idées fusent. Nombreux sont les salariés à vouloir faire leur part. Ce qui n’était pas nécessairement le cas une décennie plus tôt.

« Cela fait douze ans que je travaille sur ces sujets ici », explique Cécile Devillers. Au début, ce n’était pas toujours simple de convaincre les équipes de nous suivre. Mais depuis deux ans, il y a un vrai tournant. Peut-être un effet du covid, je ne sais pas. Les gens sont demandeurs, clients comme collaborateurs ».

Des salariés que le groupe entend former massivement aux enjeux de demain, notamment à la RSE. « Nous allons emmener les 1100 personnes que compte le groupe Pernod Ricard France sur ces sujets. Pour qu’elles soient toutes aussi à l’aise pour en parler, et puissent devenir autant d’ambassadrices de notre démarche ». ♦

 

Le Fonds Épicurien, parrain de la rubrique « Alimentation durable », vous offre la lecture de cet article mais n’a en rien influencé le choix ou le traitement de ce sujet. Il espère que cela vous donnera envie de vous abonner et de soutenir l’engagement de Marcelle *

 

Bonus

[pour les abonnés] – La RSE, une obligation ? – Le groupe Pernod Ricard en France –

  • La RSE, une obligation pour les entreprises ? – La RSE peut être conduite à l’initiative de l’entreprise. Parce que ses dirigeants en ont envie par éthique. Ou parce qu’ils sont conscients que les clients sont de plus en plus nombreux à s’intéresser aux valeurs et pratiques derrière les produits qu’ils consomment.

Mais pour les multinationales, cette RSE est aussi une obligation légale. Car suite aux mobilisations citoyennes en faveur de ces pratiques plus éthiques, le législateur s’est emparé du sujet. Ainsi, en France, depuis 2017, une loi impose à ces multinationales d’établir et de publier un plan de vigilance pour prévenir les risques en matière d’environnement, de droits humains et de corruption. Un plan qui intègre leurs propres pratiques mais aussi celles de leurs partenaires (fournisseurs comme distributeurs) partout dans le monde.

Désormais, le mot est à la mode. Tous les grands groupes l’emploient à loisir. Chacun assurant être le plus ambitieux en la matière. Quitte à basculer dans ce que certains qualifient de green washing, ou de social washing. C’est-à-dire une sorte de bonne conscience sociale ou environnementale que l’on se donne par des actions cosmétiques, pour cacher des pratiques nuisibles.

 

Lire aussi : Faire des entreprises le bras armé de la transition écologique

 

  • Le groupe Pernod Ricard France – Filiale française du groupe Pernod-Ricard (créé en 1975 suite à la fusion entre Pernod et Ricard), l’entreprise compte 1100 salariés qui se répartissent entre plusieurs sites en France dont 5 dédiés à la production, 9 directions locales ainsi qu’un siège social se trouvant à Marseille. Pour s’approvisionner l’entreprise dispose, en plus de son réseau de fournisseurs, de terres dont elle détient la propriété.

Pernod Ricard France regroupe 70 marques internationales parmi lesquelles Pastis 51, Ricard, Lillet, Ballantine’s, Suze, ou encore Havana Club.

Quant au groupe Monde, il siège à Paris et compte 18 500 salariés. Ses marques sont distribuées dans plus de 160 pays. Il possède 94 sites de productions répartis dans 24 pays. En 2019-2020, son chiffre d’affaire s’élevait à 8,448 milliards d’euros.

  • Un partenariat avec l’IUCN lors du dernier Congrès mondial de la nature à Marseille – Pour cette occasion, le groupe a organisé une série de Rencontres entreprises et biodiversité au sein de son Club situé sur le Vieux Port. Discussions qu’il est possible de visualiser sur Youtube.