Fermer

Dans les villages d’Esques et de Trespoux, l’épicerie fait le beau temps

Par Marie le Marois et Régis Verley, le 28 juillet 2021

Journalistes

Céline et Jean-Marie Gomes ont sauvé l'épicerie de Trespoux-Rassiels @Coco Malet

[engagéS] Un reportage sur SOS villages dans le JT de 13h sur TF1 a été le déclic : Trespoux-Rassiels, à 30 minutes de chez eux, recherchait désespérément un repreneur pour son unique commerce fermé depuis un an. Depuis, Céline et Jean-Marie réenchantent le quotidien de cette petite commune du Lot. À Ecques, dans le Pas-de-Calais, des habitants sont eux devenus sociétaires de leur épicerie pour la sauver.

 

* Merci le JT ! *

« Pourquoi pas nous ? Je tenais depuis dix ans une crêperie qui dépendait du tourisme, j’avais envie de changer d’activité », raconte Céline Gomes. Le projet de redynamiser le village renforce sa motivation. Cette native du Lot-et-Garonne a toujours vécu en zone rurale et vu trop de commerces se fermer les uns après les autres. « C’est le lien social qui disparaît, les villages qui se meurent ».

Son mari, maçon de formation, a aussi envie de se reconvertir. Alors ils signent. Le couple démarre en mai 2018 avec l’épicerie-café déjà existante et crée un dépôt de pain, de gaz et un restaurant avec un plat du jour. Un an après, ils rajoutent La Poste, le tabac, la Française Des Jeux et la presse.

 

Des lieux de convivialité

Céline et Jean-Marie réenchantent un village endormiLes habitants de Trespoux-Rassiels et des villages alentours sont heureux de toutes ces offres. « Le matin, les mamans et les papas viennent prendre le café après avoir déposé les enfants à l’école. À déjeuner, c’est au tour des personnes âgées. Beaucoup d’artisans et d’ouvriers du coin aussi. Ils aiment le fait que tout soit cuisiné sur place par Manu, notre chef, avec des produits frais ». Le mercredi, pour leur traditionnel steak-frites (maison bien sûr), ils attirent surtout les familles.

En saison, Céline et Jean-Marie proposent des assiettes d’huîtres avec petit verre de blanc et, une fois par mois, des soirées conviviales. Il y a déjà eu ‘’Beaujolais’’, ‘’crêpes’’, ‘’Saint-Patrick’’…

Aujourd’hui, Proxi ‘’Le Multi’’ constitue le point de rencontre des villageois. Des liens se tissent, des amitiés se nouent. « Voir que les gens ont plaisir à se retrouver me comble. On est tellement bien dans notre campagne ! ». ♦

 

 

* La Super’Ecques, l’épicerie autrement *

Sur la place du village, à deux pas de la mairie, le précieux commerce arbore son nom et son slogan sur un panneau flambant neuf : « Super’Ecques, l’épicerie autrement ». Ce village de 2200 habitants s’étire dans la vallée verdoyante de la Melde et de la Becque, affluents de la Lys. Nous sommes dans le Pas-de-Calais, entre Saint-Omer et Aire-sur-la-Lys.

Dans les villages d'Esques et de Trépoux, l'épicerie fait le beau tempsL’histoire de l’épicerie locale est en soi bien ordinaire. Martine l’épicière a, un beau jour, décidé de quitter son poste. « Raisons personnelles », a-t-elle invoqué. Mais nul repreneur ne s’est présenté tandis que l’épicière partait vivre sa vie ailleurs. « Le résultat, note Alexis Rouget, adjoint au maire, c’est qu’alors pour la moindre course, il aurait fallu nous rendre en voiture à 10 kilomètres de là, jusqu’au centre commercial le plus proche, en périphérie de Saint-Omer ». Embarras pour tous, problème pour les plus âgés sans voiture, pour les familles obligées de constituer des réserves…

 

150 habitants coopérateurs

Dans le village, le conseil municipal s’est ému de la situation. Il a alors décidé de racheter la boutique. Encore fallait-il la remettre en marche. « Nous avons fait appel à l’économie sociale et solidaire, raconte Alexis Rouget. Plus de 150 habitants ont accepté d’acheter des parts d’une coopérative, élément d’une SCIC, à laquelle nous avons confié la gestion ». Le département du Pas-de-Calais a apporté sa contribution sur le budget « citoyen » du Conseil général. Une subvention de 18 000 euros a permis l’achat des armoires réfrigérées et des congélateurs.

Le reste est venu de la contribution des habitants. Pas seulement financière. Les sociétaires ont mis la main à la pâte pour construire des présentoirs, réaménager le local et le rendre plus accueillant. « Ce sont des bénévoles qui assurent la comptabilité et la gestion financière. Et ce sont les sociétaires qui ont trouvé le nom de « Super’Ecques ». Lequel a vite fait l’unanimité ».

Dans les villages d'Esques et de Trépoux, l'épicerie fait le beau temps 1Faire le bonheur de chacun

Plusieurs week-ends de travaux ont précédé l’ouverture de la Super’Ecques, où chacun a été invité à prêter main forte. Deux salariées ont été choisies. Stéphanie en est la directrice, secondée par Elise. Toutes deux se relaient pour assurer une ouverture la plus large possible. Ici, le magasin est ouvert à tous, sociétaires ou non. « Et, ajoute Alexis Rouget qui est également devenu président de la SCIC, nous tenons à ce que chacun puisse y trouver ce dont il a besoin ».

Le conseil d’administration élu par les sociétaires se réunit chaque mois. « Je peux vous dire que les débats sont animés ». De quoi remplir les rayons ? Quels produits mettre en valeur ? Il importe de satisfaire le plus grand nombre. En respectant les principes de l’économie solidaire. Chacun peut donner son avis. Une page Facebook propose les animations qui se succèdent : la vente de paniers de légumes, l’ouverture à des producteurs locaux, l’organisation de rencontres ou de barbecues. Jusqu’à l’ouverture à des associations locales qui peuvent y proposer leurs services. C’est ainsi que cet été la boutique accueillera une initiation au tissage pour les amateurs.

Au cœur du village, l’épicerie est devenue bien plus qu’une supérette ordinaire. C’est un lieu de rencontre et d’animation locale.  Un moyen de faire vivre une mini communauté locale, au milieu des fêtes, des tournois sportifs et des éléments de la vie de tous. ♦