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Des abattoirs mobiles pour réduire le stress des bêtes

Par Olivier Martocq, le 28 avril 2022

Journaliste

Un abattoir mobile et a perspective à terme de décrocher une IGP (indication géographique protégée) pour les ovins et caprins élevés dans le Luberon © DR

Les premiers « Abatt’mobile » ont vu le jour en Suède en 2016. Ces camions aménagés en abattoirs permettent de mettre à mort les animaux au plus près de leur lieu d’élevage. Cela leur épargne le stress des longs trajets vers les sites industriels. Depuis deux ans, ces dispositifs se multiplient en France. Dans le Luberon, les éleveurs de chèvres et de brebis qui ont initié un projet de ce type lancent une cagnotte sur Miimosa pour recruter un « administratif » à même de finaliser le dossier technique !   

 

L’expérimentation des unités mobiles d’abattage est autorisée par un décret d’avril 2019, en application de la loi Egalim (bonus). « Avec ce système, on respecte les hommes et les animaux », affirme François Borel. Dans sa ferme de la Jacourelle située près de la Roque d’Anthéron, celui-ci élève des chèvres du Rove. Membre de la Confédération Paysanne, avec une dizaine d’éleveurs de caprins et d’ovins du pays d’Apt, il lance dès la publication du décret un groupe de travail sur la faisabilité et la viabilité économique d’un tel équipement pour son territoire. La crise sanitaire va d’ailleurs mettre en lumière la fragilité de la filière. L’abattoir de Sisteron qui couvre la zone fonctionne alors au ralenti. Pour certaines exploitations, le trajet représente dès lors plus de deux heures de route et la chaîne des transports est interrompue.

 

Du concept au projet !

Des abattoirs mobiles pour le bien-être animal  ! 2
Un modèle d’abattoir mobile © DR

En 2021, une nouvelle étape est franchie. Les heures de réunion et de cogitation débouchent sur une phase opérationnelle. Désormais regroupés au sein de l’association l’Abattoir Mobile du Luberon (AML), une trentaine d’éleveurs travaillent sur du concret : le cahier des charges de l’unité mobile d’abattage pour chèvres et brebis. Il s’agit d’un véhicule semi-remorque isotherme permettant de réaliser toutes les étapes, depuis l’amenée des bêtes jusqu’au traitement des carcasses.

Mais contrairement à une idée largement répandue auprès du grand public, le camion ne se rendra pas de ferme en ferme. « C’est interdit par la règlementation car nos petites exploitations ne sont pas conçues pour. Ce type d’équipement nécessite, entre autres, des systèmes d’évacuation pour l’eau, le sang… ». Et François Borel de préciser que trois aires d’accueil sont déjà à l’étude à proximité d’Apt, Forcalquier et Pertuis. « Une quinzaine de petites exploitations utilisatrices se trouvent à moins de 20 minutes de chacun de ces trois points névralgiques ».

 

Un large spectre de partenaires !

En Côte-d’Or, un abattoir de ce type, « le Bœuf éthique » a obtenu une aide de 581 000 euros du ministère de l’Agriculture. Dans ce projet, là encore initié par des éleveurs (de bovins en l’occurrence), il faut trois véhicules : un abattoir avec une remorque pour les vestiaires, un camion frigorifique et un camion pour le matériel. L’équipe qui a été recrutée compte d’anciens employés d’abattoirs, habitués aux cadences infernales. Ils confessent être passés de 70 bovins « traités » par heure à un objectif de cinq et une journées par ferme.

Des abattoirs mobiles pour le bien-être animal  ! 1
« Avec ce système, on « L’abattoir mobile respecte les hommes et les animaux », affirme François Borel © DR

« Il n’y a pas de viande locale sans abattoirs de proximité », affirmait Julien Denormandie. L’encore ministre soutient ce type de démarche et a consacré une enveloppe de 115 millions d’euros à la modernisation des abattoirs et au renforcement des contrôles, notamment pendant l’acheminement des animaux. Dans la phase de conception, les paysans du Luberon n’ont pu compter que sur leur volonté, ainsi que des financements et des partenariats locaux comme ceux du Parc Naturel Régional du Luberon, l’INRAE (bonus), la Confédération Paysanne et la Biocoop sud-est.

La Fondation de France est intervenue sur des propositions de recherche-action durant la phase de faisabilité, à hauteur de 110 000 euros. Ce budget conséquent illustre l’intérêt qu’elle porte à cette thématique qui va au-delà d’un nouveau concept d’abattoir.

Lancement d’une cagnotte solidaire !

François Borel insiste par ailleurs sur le facteur humain et la relation entre l’éleveur et ses bêtes. « La mise à mort de nos animaux est intrinsèquement liée à notre métier. Qu’elle se passe dans les meilleures conditions possibles, en les respectant, est de nos jours un impératif », confie-t-il. L’Abatt’mobile est aussi pour le consommateur un gage de traçabilité. En effet, tous les maillons de la chaîne sont maîtrisés, avec la perspective à terme de décrocher une IGP (indication géographique protégée) pour les ovins et caprins élevés dans le Luberon.

Dans le dossier en cours de finalisation, l’organisation du travail et la gouvernance se veulent collaboratives. L’outil est dimensionné aux besoins locaux et réservé aux éleveurs engagés en circuit court. L’investissement entre le camion et les aires d’accueil tourne autour de 500 000 euros. Une fois en service, les frais de fonctionnement seront couverts par les prestations d’abattage facturées aux utilisateurs. Les financements sont fléchés, les paysans les maîtrisent, savent à quelles portes (privées et publiques) frapper.

Reste l’étape ultime, le montage du dossier administratif. Un véritable casse-tête tant les règlementations sont nombreuses et complexes. « C’est un travail à plein temps et nous n’avons pas les ressources en interne pour le faire ». D’où l’appel lancé via la plateforme Miimosa. « On a besoin de 25 000 euros, indique François Borel. C’est à la fois peu, compte tenu de l’enjeu du dossier, et beaucoup pour nos exploitations ». ♦

 

Le Fonds Épicurien, parrain de la rubrique « Alimentation durable », vous offre la lecture de cet article mais n’a en rien influencé le choix ou le traitement de ce sujet. Il espère que cela vous donnera envie de vous abonner et de soutenir l’engagement de Marcelle *

 

Bonus

[pour les abonnés] – Le « plan abattoirs » de juillet 2021 – La loi Egalim – L’INRAE – Les rencontres Made in Viande –

  • Le « plan abattoirs ». La France est dotée d’un réseau de plus de 1000 abattoirs assurant un maillage territorial et des solutions de proximité à soutenir et moderniser. Des appellations d’origine entières en dépendent. Ce « plan abattoirs » lancé en juillet 2021 s’appuie sur le plan France Relance pour accompagner les investissements dans les abattoirs. L’objectif est de moderniser et d’améliorer les conditions de travail mais aussi de bien-être animal au sein des abattoirs. Dotée de 115 millions d’euros, cette mesure a d’ores et déjà permis de sélectionner 123 projets de modernisation sur l’ensemble du territoire.

 

– payer le juste prix aux producteurs, pour leur permettre de vivre dignement de leur travail ;

– renforcer la qualité sanitaire, environnementale et nutritionnelle des produits ;

– favoriser une alimentation saine, sûre et durable pour tous.

 

 

  • L’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement est né le 1er janvier 2020. L’INRAE est issu de la fusion entre l’Inra, Institut national de la recherche agronomique et Irstea, Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture. En proposant par la recherche, l’innovation et l’appui aux politiques publiques de nouvelles orientations pour accompagner l’émergence de systèmes agricoles et alimentaires durables, INRAE ambitionne d’apporter des solutions pour la vie, les humains et la terre.

 

  • Les rencontres Made in Viande. Avec plus de 600 portes ouvertes, les Rencontres MADE in VIANDE organisées partout en France et dans votre région du 11 au 18 mai 2022 sont le rendez-vous annuel incontournable des professionnels de la filière Élevage & Viande pour le public. Répondant aux attentes des consommateurs en quête du « mieux manger », cet événement veut valoriser la pluralité des métiers de l’élevage et les engagements concrets des professionnels pour produire et servir des viandes de qualité, responsables et durables. Au programme : des visites libres ou guidées, des dégustations, des animations.
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