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Des crèches écolo, engagées et influentes

Par Nathania Cahen, le 16 novembre 2018

Journaliste

Crèche les P'tits loups

Dix ans déjà qu’Écolo Crèche convertit les structures dédiées à la petite enfance aux comportements vertueux et respectueux de l’environnement – et donc de l’humain. Autour d’un café, dans le quartier des Réformés, Claire Grolleau est revenue sur la genèse et les résultats de ce label, déjà décerné à 360 crèches de l’hexagone. Et nous a confié travailler à labelliser l’accueil d’autres publics.

 

Ce n’est pas en tant que directrice de crèche mais comme toxicologue spécialisée dans l’environnement que Claire Grolleau s’est penchée, voilà une quinzaine d’années, sur la question des lieux de vie des tout petits. La problématique qui guide alors cette maman de trois garçons est la suivante : « Comment intégrer les valeurs du développement durable dans un lieu de vie animé par des professionnels de bonne volonté, à qui nous confions ce que nous avons de plus précieux, mais dont certaines pratiques vont parfois à l’encontre du bon sens ? ».

 

Des crèches pilotes marseillaises

Des crèches écolo, engagées… et influentes ! 6Hébergé par la Station F à Paris, « parce que nombre de nos interlocuteurs comme le Ministère des solidarités et de la santé ou la Caisse nationale des associations familiales (CNAF) s’y trouvent », le projet Écolo-crèche est né à Marseille, cette ville « où tout est possible » et où se trouvent ses deux crèches pilotes, les Mirabelles et la Maisonnette. Des lieux et des équipes qui ont servi de laboratoire des possibles et joué les défricheurs. Avec un large panel de leviers, depuis les couches lavables aux jouets écolo, en passant par l’élevage des poules. Mais aussi les matériaux de construction (briques, bois, béton cellulaire…) utilisés pour une nouvelle crèche ou le management du personnel. Une kyrielle de bons gestes, comme autant de pierres disposées sur le chemin de la transition, vers un avenir durable.

 

Un audit en 360 points

La labellisation couronne un process déclinant plusieurs étapes. La première est un audit en 360 points donnant lieu à un diagnostic, puis une formation à destination de directrices (rares sont les directeurs à ce poste !), qui feront « ruisseler » les informations et apprentissages sur leurs équipes. « L’audit nous a permis de nous situer, de réfléchir en équipe, d’envisager des actions ou changements dans bien des domaines : hygiène, matériaux, énergie, entretien, et même la gouvernance qui relève du développement durable ! », explique Sophie Dumont, directrice de la crèche associative Les P’tits Loups (en cours de labellisation), à Beaumes-de-Venise, dans le Vaucluse. Gouvernance ? « Oui, car la place de l’humain et l’implication de tous sont des choses importantes, qu’il s’agisse de l’accueil des familles ou des échange au sein de l’équipe ». L’apport d’Écolo Crèche est essentiel, rapporte-t-elle encore, « avec la mise à disposition d’outils, de listes de sites ou d’adresses ressources, de réseaux à rejoindre. Également en ouvrant la réflexion à tous les niveaux ».

 

Une marge de progression importante

Des crèches écolo, engagées… et influentes ! 2En dix ans, 360 crèches situées dans 62 départements différents ont fait la démarche de s’engager vers cette certification. « Mais il y a près de 12 000 crèches en France », relativise Claire Grolleau. Cela représente néanmoins 5 000 professionnels ainsi que 8 000 enfants et autant de familles impactées à ce jour. L’association s’autofinance à 50 %, le reste est abondé par des subventions publiques (Agences régionales de Santé) et des fondations privées dont Nature et Découverte, Nicolas Hulot, Biocoop, Distribjorg, Olga Triballat ou Terra Symbiosis. Le budget se répartit entre les quatre axes d’action : la valorisation de la démarche Écolo Crèches, l’animation du réseau et l’essaimage, la sensibilisation et le lobbying, et enfin le laboratoire recherche et développement qui mène des études d’impact.

 

Vinaigre blanc, savon noir et eau de pluie

Pour Sophie Dumont, l’écologie est un principe de vie. « Le recyclage, on connaît, note-t-elle. Mais comment et dans quels domaines aller plus loin ? C’est en cela qu’Écolo Crèche est ressource ».

Certains arguent du coût pour mettre en balance le choix du durable. Argument fallacieux que la directrice des P’tits Loups balaye facilement : « Seuls les repas nous coûtent plus cher, mais en contrepartie, nous économisons sur les produits d’entretien depuis que nous avons adopté le vinaigre blanc et le savon noir ! » Les mots cantine et réfectoire ont par ailleurs été bannis pour céder la place à cuisine et salle-à-manger. Deux espaces achalandés en aliments bio ou locavores, en relation avec une chevrière, des éleveurs et une AMAP des environs.

Des crèches écolo, engagées… et influentes ! 4L’équipe a collégialement opté pour agir en priorité sur les énergies : éteindre la clim ou le chauffage quand la porte est ouverte. Remplacer les ampoules et néons classiques par des leds, substituer aux veilleuses des prises avec interrupteur, équiper les robinets de mousseurs qui réduisent le débit de l’eau, récupérer la pluie pour arroser le jardin ou servir aux jeux d’eau, étudier la remise en fonction du puits existant… Côté hygiène, du changement également avec l’abandon du Mytosil (qui a longtemps crémé les fesses des bébés mais dont la composition est aujourd’hui décriée) et des dentifrices.

La grande satisfaction de Sophie Dumont est également de sensibiliser le plus grand nombre à cette fibre écolo. Le personnel qu’elle emploie, les parents et familles des enfants inscrits, mais aussi ses collègues. « Notre crèche est en gestion partagée avec la COVE, la Communauté d’agglomération Ventoux Comtat Venaissin (Carpentras). Nous avons monté un groupe de travail autour du développement durable, au sein duquel partager nos expériences, dans lequel s’impliquent 6 des 12 crèches du territoire. J’espère en convaincre d’autres ! »

 

15 établissements Crèches du Sud labellisés

Des crèches écolo, engagées… et influentes ! 5Depuis Marseille, la coordinatrice de l’association Crèches du Sud, Claire Da Silva, supervise 15 entités (bientôt 17) réparties dans les Bouches-du-Rhône et qui, trois pas trois, ont toutes été labellisées. « Ce n’est pas toujours évident. Certaines ont parfois du mal à remettre en question leurs anciennes pratiques ». Elle a très tôt adhéré à Écolo Crèche, auparavant directrice de la crèche d’Allauch, crèche pilote du dispositif, qui a vu son label renouvelé une deuxième fois. « Même si j’étais déjà un peu écolo dans l’âme, j’ai beaucoup évolué, dans un tas de domaines, du potager au compost jusqu’aux petits cadeaux de Noël que nous nous faisons et qui doivent être confectionnés en mode recyclage, confie Claire Da Silva. Nous avons également mis en place du covoiturage, la fabrication maison de la lessive dont le recette nous est régulièrement réclamée. » Dans le conseil plutôt que dans l’injonction, sous forme ludique – comme de petits travaux manuels personnalisées pour les cadeaux de Noël -, elle a fait des émules dans son entourage professionnel et amical. « Mais je m’interdis de juger les choix des autres, et j’explique beaucoup ». Surtout, elle se réjouit devant certains résultats tangibles : « Nos changements de pratiques concernant l’entretien et l’hygiène – liniment maison, couches label Green- par exemple, se traduisent par une diminution du nombre de maladies et d’allergies chez les petits. Je suis convaincue qu’il y a un impact ». De fait, l’idée fait son chemin auprès de parents avisés, qui contactent Crèches du Sud pour son positionnement écologique.

 

Étendre le principe aux centres aérés, aux Ephad et aux prisons

Il y a quelques mois, Écolo-crèche est devenue Label Vie. Un nom plus adapté aux ambitions de Claire Grolleau, qui travaille à décliner son label et l’esprit développement durable auprès d’autres lieux d’accueil, via des protocoles dédiés. Il y a les centres de loisirs (trois sont engagés et un vient d’être labellisés à Rueil), le réseau des assistantes maternelles (avec des tutoriels et formations en ligne). Mais les prisons (le contact est établi avec le Ministère de la Justice depuis quelques années) et les EPHAD ont également retenu son attention. « Les feuilles de route existent, et ce changement d’échelle est important. L’écologie n’est pas un problème de riches et doit être une priorité. Mon vœu le plus cher est que mon association disparaisse un jour, cela signifiera que ces comportements sont devenus normaux. » ♦

 

Bonus
  • Le label Écolo Crèche, combien ça coûte : environ 1 000 € par an, coût qui peut être pris en charge par les fonds de formation professionnelle. Et sachant qu’une crèche dans cette démarche réalise entre 800 et 12 000 € d’économies par an (et se rembourse donc dès la première année).
  • La démarche propose 15 thèmes d’action : 8 liés à l’environnement et 7 à la dimension sociale. Les établissements engagés choisissent ceux qui leur semblent importants
  • Réseau régional ouvert à tous, Graine PACA œuvre à la promotion de l’éducation à l’environnement vers un développement durable (EEDD).