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Famille avec handicapé : des vacances pour souffler ensemble

Par la rédaction, le 18 octobre 2018

Imaginez un village de vacances totalement accessible, proposant des animations adaptées à tous et offrant des services d’assistance aux personnes handicapées. Bienvenue au centre de répit les Bruyères, à dix minutes de Vichy. Et si on vous en parle à l’automne, c’est parce qu’il est ouvert toute l’année !

 

« C’est ma plus belle journée depuis cinq ans ! » Mireille Anglade n’a pourtant rien fait d’extraordinaire, en ce chaud mardi de juin. Elle est allée au centre commercial avec sa voisine du village de vacances, où elle arrivée hier pour passer quelques jours avec son mari. À leur retour, les deux nouvelles copines, respectivement âgées de 74 ans et 85 ans, sont allés faire trempette dans la piscine des Bruyères. Elles ont nagé et bavardé, les pieds dans l’eau. Puis, elles sont allées retrouver leurs époux à l’atelier musique.

« C’est la première fois que je m’accorde une après-midi de détente, depuis que mon mari  a été victime d’un accident vasculaire cérébral, il y a cinq ans. » Gilles Anglade en a gardé de lourdes séquelles : il a perdu l’usage d’un bras et d’une jambe, et n’a pas retrouvé l’usage de la parole. « À la maison, je ne le laisse jamais seul plus d’une heure, confie Mireille Anglade. S’il tombe, il ne peut pas se relever tout seul. Mais là, j’ai pu m’échapper, l’esprit tranquille. Car je sais que le personnel du village veille sur lui. Cette journée, je n’en ferai cadeau à personne ! ».

 

Un centre de répit créé par un aidant

Les Bruyères est certes un village vacances, avec sa grande piscine, son terrain de pétanque, ses soirées dansantes et son bar-salle d’activités, la Ruche. Mais c’est aussi un « centre de répit ». Pour les conjoints d’adulte handicapé comme pour les parents d’enfant en situation de handicap, qui peuvent venir ici en famille. « Des vacances pour les personnes dépendantes, du répit pour les aidants. Notre slogan résume l’esprit dans lequel j’ai créé ce lieu », sourit Roger Picard.

Le fondateur et directeur de l’association qui gère le site a imaginé le centre de vacances dont il rêvait. Car lui-même est aidant de sa femme, Denise, atteinte de la maladie d’Huntington depuis 28 ans. « Partir une semaine avec mon épouse, c’était tout sauf des vacances pour moi, se souvient-t-il. Je me retrouvais seul à m’occuper d’elle 24 heures sur 24, alors qu’à la maison, des auxiliaires de vie prennent le relais. »

Le Village des Bruyères, à Brughéas, dans l’Allier, est bien évidemment totalement accessible aux personnes en fauteuil roulant. Les dix chalets, entourés par les bois, à une dizaine de kilomètres de la ville thermale de Vichy, sont équipés de lits médicalisés. Une rampe d’accès mène à la salle d’activités. L’entrée dans la piscine se fait en pente douce ou à l’aide d’un système de mise à l’eau. Des bouées adaptées permettent à tous de profiter du bassin chauffé à plus de 30°. Surtout, des auxiliaires de vie, salariées du centre, peuvent intervenir tout au long de la journée auprès des vacanciers en situation de handicap. Pour les soins, Les Bruyères font appel aux infirmiers et kinés libéraux du coin. Un système bien rôdé

« Les aidants familiaux ne délèguent généralement qu’une partie des gestes d’assistance, raconte Xavier Belhoste, le directeur-adjoint du centre. Nos auxiliaires sont surtout sollicités pour les toilettes, le lever, le coucher. Mais si Mireille veut partir en ballade une journée entière, il n’y a aucun problème. Nous nous occuperons de son mari du matin au soir. »

 

« Qu’est-ce que vous voulez chanter ? »

Toutes les animations proposées sont adaptées à l’ensemble des résidents. Y compris les excursions du mercredi, programmées dans des lieux accessibles, comme le parc animalier, le train qui mène au sommet du Puy-de-Dôme ou bien encore le parc de loisirs Vulcania. Ce mardi, la journée a démarré par une séance de Qi gong, dans la salle d’activités du centre, la Ruche. Cette gymnastique traditionnelle peut se pratiquer debout ou en position assise. Lumière tamisée. Musique chinoise. La trentaine de participants, dont un bon tiers en fauteuil roulant, tentent de reproduire les gestes lents de la professeur. « Ceux qui ne peuvent pas lever la jambe font la même chose avec le bras », conseille-t-elle.

A 16h30, la Ruche bourdonne à nouveau. Autre animation, autre ambiance. Marc Gravejat distribue des percussions à tous les participants, disposés en cercle. « Qu’est ce que vous voulez chanter ? On va alterner une chanson pour les jeunes et une chanson pour les vieux », taquine le musicothérapeute, en branchant son smartphone sur une enceinte. Kendji succède à Bourvil, Les sardines au Lac du Conemarra. Gilles secoue un Maracas de sa main valide, son voisin agite son tambourin. Marc Gravejat accompagne le tout  à la mini-guitare ou à la clarinette. Au retour de la piscine, Mireille passe la tête, en peignoir, et entame une valse sur Les amants de Saint-Jean. Puis retour au chalet pour préparer le dîner du soir. Le village propose un service traiteur, en option.

Ce soir, à la Ruche, c’est karaoké. Ce sera sans Gilles, trop fatigué pour veiller. Mireille ira avec sa voisine dont elle devenue très proche en quelques heures à peine. « Le handicap isole car il fait fuir les amis. Les gens ne comprennent pas ce qu’on traverse. Avec elle, ça a tout de suite collé car on vit la même chose. Vous ne pouvez pas savoir ce que ces vacances me font du bien. »

 

Au plus juste prix

Aux Bruyères, le prix des chalets – plus grands et mieux équipés que la norme – est un peu plus cher que dans un camping haut de gamme ou un club de vacances, dans la région. 890 € en juillet-août la semaine, pour deux chambres ; 990 € pour trois chambres auxquels il faut ajouter un forfait ménage de 50 €. C’est moins cher entre octobre et mars, 550 € et 650 €. « Ce sont nos prix bruts, relativise Xavier Belhoste. Nous nous chargeons de trouver des aides financières pour chaque famille. »

L’Agence nationale des chèques vacances et la Caisse d’allocations familiales sont mises à contribution. Tout comme les caisses de retraite complémentaires. Et les allocataires de la prestation de compensation du handicap (PCH) peuvent bénéficier du volet aides exceptionnelles de la PCH pour couvrir la partie de la facture correspondant au surcoût de vacances adaptées. « Au final, selon les cas, il ne leur reste à payer que 30 à 70 % du montant initial », insiste Xavier Belhoste.

Les heures d’aide humaine active (lever, habillage, toilette, etc.), elles, sont facturées en sus, 20 € de l’heure. Mais elles peuvent être prises en charge par la PCH ou l’APA. Par contre, les passages réguliers dans la journée ou l’assistance apportée lors des ateliers sont comprises dans le prix du séjour.

« Nous sommes une association et n’avons donc pas d’actionnaires à rémunérer, détaille Roger Picard. Nos prix sont tirés au plus juste. » Les deux premiers exercices ont même été déficitaires. Le trou a été comblé par le fondateur des Bruyères, sur ses deniers personnels. « Mais nous sommes confiants sur la pérennité du centre : tous les vacanciers de l’an passé reviennent et le bouche-à-oreille fonctionne bien. » Tous les chalets sont déjà réservés pour juillet et août 2019. Armez-vous de patience et projetez-vous dans 2020 ! ♦

 

Bonus
  • Environ 50 villages se sont engagés dans une démarche de certification adaptée et ont obtenu la marque nationale Tourisme et Handicap, reconnue par L’État. Certains sont estampillés Les Villages Vacances ou Handicap Vacances.