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Don d’organe : donneur mais aussi receveur

Par Marie Le Marois, le 26 juin 2019

Journaliste

Difficile de penser au don d’organes, car il renvoie à notre propre mort et à celle de nos proches. Pourtant, en France, il permet à plus de 63 000 personnes de vivre. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, certains organes peuvent être prélevés à partir de donneurs vivants.

 

Le 22 juin dernier, lors de la journée nationale de réflexion sur le don d’organes et de tissus, l’Agence de la Biomédecine – organisme qui gère le don d’organe jusqu’à sa greffe – nous a rappelé que nous sommes tous concernés : nous pouvons un jour nous retrouver en position de donner mais aussi de recevoir. Christophe, Océane, Sébastien, Marc et Dorothée m’ont confié leur parcours de donneur, de receveur ou de parent de donneur. Des témoignages bouleversants qui m’ont plus que jamais convaincue de donner.

Brouillon auto 23
Océane et la vie

Elle est impressionnée, Océane. Elle a désormais passé plus de la moitié de sa vie avec le cœur d’un autre. Cette jeune fille pétillante de 26 ans a été greffée du cœur en 2006. Cette année-là, la collégienne de 6e s’essouffle (trop) rapidement en cours d’éducation physique et sportive. Une myocardiopathie hypertrophique est décelée : le muscle cardiaque étant trop épais, le volume de sang est inférieur à la normale. Après deux arrêts cardiaques coup sur coup, les médecins de la Timone décident de la transplanter. Trois semaines plus tard, après onze heures d’opération, elle se réveille avec un nouveau cœur. « Les chirurgiens ont beaucoup insisté sur le fait que ce n’était plus le cœur d’un autre mais le mien, et qu’il fallait que je me le réapproprie ». Huit mois après, Océane découvre le bonheur de descendre une piste de ski ou de galoper. Elle ne saura jamais qui est le donneur puisque le don est anonyme. Aujourd’hui, cette thérapeute équine continue à profiter de la vie à fond, consciente de la chance d’être encore en vie.

 

Greffé du cœur et deux enfants

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Le Pr Vlad Gariboldi, chirurgien cardiaque à la Timone, et Christophe interviennent pour l’association ‘’Maryse pour la vie’’.

Christophe aussi reste émerveillé de vivre grâce au cœur d’un autre et « d’avoir pu engendrer deux enfants ! », deux garçons magnifiques de 10 et 13 ans. L’année de sa greffe, en 2004, un greffé sur deux avait une espérance de vie de 10 ans. Aujourd’hui, c’est le double. Et ce sera sans doute davantage pour les 450 greffés du cœur de 2018. Cependant, tout n’est pas rose : la vie de Christophe reste un savant équilibre, que menacent toujours le rejet de la greffe et l’infection de l’organisme. « Pour éviter le rejet, je prends des médicaments qui diminuent mes défenses immunitaires et me rendent donc plus fragile ». Mais cette donnée reste un détail en comparaison de la joie qu’il éprouve au quotidien : serrer ses enfants, rire avec sa femme, nager… Mais aussi promouvoir le don d’organe notamment avec l’Association Régionale des Greffés du Cœur . « J’ai eu tellement de chance de bénéficier de ce don que j’essaie de rendre un petit peu de ce que j’ai reçu en partageant ‘’la bonne nouvelle’’ : plus qu’un don d’organe, c’est un don de vie ».

 

Greffé du rein

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@Agence de la Biomédecine

Sébastien, lui, se porte comme un charme avec son rein transplanté. C’est son père qui le lui a donné, de son vivant, en 2009. Marc n’a pas hésité en découvrant l’état de son fils, les reins abîmés par un purpura. À l’époque, Sébastien a 25 ans, il vient de se marier et sa femme est enceinte de leur premier enfant. Toutes les nuits, il est branché à un appareil de dialyse. Le don de rein apparaît comme la solution inévitable. Élise, sa mère, se porte naturellement volontaire mais elle n’est pas compatible. Son mari, oui. Reste à vérifier si sa santé est suffisamment bonne pour offrir un rein optimum. Trois mois après, après une batterie de tests médicaux, les médecins lui extraient un rein et le transplantent aussitôt à Sébastien – sans qu’on lui retire les siens qui se nécroseront peu à peu. Le père et le fils se sont réveillés dans la même salle d’hôpital. Les premiers mots de Sébastien ont été « merci papa ». Quand Élise a rendu visite à son mari dans sa chambre d’hôpital, elle a eu l’impression que Marc avait accouché, « accouché d’un rein. Il avait redonné la vie à notre fils ». Quelques semaines plus tard, c’est au tour de la femme de Sébastien d’accoucher. D’un fils, plein de vie.

 

26 000 personnes ont besoin chaque année d’une greffe d’organes

Selon l’Agence de la Biomédecine, plus de 26 000 personnes ont besoin chaque année d’une greffe d’organes, le rein en tête. Et chaque année, ce sont plus de 200 personnes qui décèdent faute de recevoir à temps un greffon. Parmi les donneurs potentiels décédés et recensés en 2018, seule la moitié a été prélevée (voir bonus). L’institution rappelle qu’il est primordial de continuer à sensibiliser le grand public sur le don d’organes. Mais pourquoi mobiliser puisque, depuis la loi de 2017, chaque Français est désormais un donneur d’organes présumé ?

 

Consentement présumé depuis 2017

Don d’organe : donneur mais aussi receveur
@Agence de la Biomédecine

Cette loi ne change rien dans les faits, elle clarifie juste le don : les personnes qui s’y opposent peuvent s’inscrire sur le registre national des refus ou en avertir leur entourage. Si la personne n’a pas exprimé son refus et qu’elle décède, les médecins ne vont jamais ‘’obliger’’ la famille à donner ses organes. Mais, systématiquement, toute une équipe de coordination hospitalière, constituée de médecins, infirmières et psychologues, se mobilise pour recueillir auprès des proches endeuillés les éventuelles intentions du défunt (avez-vous parlé ensemble du don ? Donnait-il son sang ?…) Toujours dans un souci d’accompagnement, d’écoute et de respect.

 

Michel, 16 ans, a sauvé cinq vies

Quand l’infirmière lui a parlé du don d’organe, la première réaction de Dorothée a été de refuser. Son fils, ce grand gaillard de 16 ans, est décédé après un grave accident de motocross, près de chez lui. L’impensable pour cette mère de deux enfants. Mais une conversation avec son fils finit par lui venir en mémoire. Un mois plus tôt, il lui avait demandé s’il était possible de donner un bout de soi à sa cousine, atteinte de mucoviscidose. Une autre pensée achève de la convaincre : elle imagine la souffrance des mamans en attente d’organes pour leur enfant. Son autorisation de prélèvement permet de sauver cinq personnes. Et, à elle, d’entrevoir qu’après la mort, « il y a la vie quand même ». ♦

 

Bonus

Tout ce qu’il faut savoir :

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    juillet 2005- Versailles – PrŽélèvement hŽépathique @Agence de la Biomédecine

    Le prélèvement est réalisé sur des personnes en état de mort encéphalique, terme qui désigne l’arrêt brutal, définitif et irrémédiable des activités cérébrales. Cet état, survenu souvent après un AVC ou un accident de la route, reste rare. Sur les 614 000 personnes décédées en 2018, selon l’INSEE, seuls 3 484 donneurs potentiels étaient recensés. Seule la moitié de cette population a été prélevée. Ces 1 743 donneurs ont permis 5 805 greffes d’organes (foie, pancréas, poumons, cœur, rein, intestins), dont 561 à partir de donneurs vivants.

  • Une fois le certificat de décès signé, le corps est branché à une machine qui permet de faire circuler le sang et donc de vasculariser les organes en vue d’un éventuel prélèvement. Pour les proches, ce moment est compliqué à appréhender car les battements de cœur ou la respiration peuvent laisser penser que la personne est encore en vie. Ce n’est pas le cas.
  • Lorsque la décision est prise, la machine est arrêtée. Et si la décision positive, le compte à rebours est lancé 45 minutes pour un cœur, jusqu’à 4 heures pour un poumon, 6 heures pour un foie ou un pancréas, et 20 heures pour un rein.
  • Il n’y a pas de limite d’âge pour donner ses organes ni pour en recevoir. Les donneurs âgés de plus de 65 ans représentaient près de 40% des donneurs en 2018.
  • Le prélèvement des organes et des tissus est un acte chirurgical effectué avec le même soin que pour une personne en vie. Une fois l’opération effectuée, le corps est réparé et rendu à la famille. Aucune trace de l’opération n’est visible.
  • La première greffe d’utérus pour une femme a été réalisée en avril dernier et la greffe de larynx est pour bientôt. On peut également greffer des tissus (tendons, peau, valves cardiaque, os, artère et cornée).

Toutes les réponses aux questions que vous vous posez sont ici.

  •   Et aussi…. Campagne Don du Sang : ‘’#Prenezlerelais, 1 mois pour tous donner !’’

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C’est quoi ? Une campagne de sensibilisation jusqu’au 13 juillet pour donner son sang et convaincre son entourage de le faire.

Pourquoi donner ? Le niveau des réserves est très bas et seulement 4% des Français donnent leur sang.

Où donner ? Voici la carte nationale des antennes et collectes EFS. À Marseille, c’est au 28 rue de la République, (2e). Tél. : 04 96 11 22 90

Trois types de dons du sang, pour les 18-65 ans : les globules rouges pour les maladies du sang et hémorragie massive (accouchement, accident, opération chirugicale…). Les plaquettes pour les leucémies, lymphomes mais aussi traitements lourds (chimio, radiothérapie…) ou une hémorragie massive. Le plasma pour les polytraumatisés, grands brûlés, hémophiles, enfants immunodéprimés…

Autre don : la moelle osseuse pour les personnes atteintes de maladie du sang (pour ce don, il faut être inscrit sur le registre approprié).