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Pour redistribuer les millions d’invendus en France…
Encore récemment, près de 280 millions d’euros d’invendus non alimentaires étaient jetés en France chaque année. Mais depuis 2022, la loi Agec oblige les entreprises à recycler ou donner. Thomas Moreau et Guillaume Delory, des pros du secteur, ont donc créé une interface entre les sociétés embarrassées par leurs surstocks et les associations : Done. Ils ambitionnent de collecter 25 millions d’euros de produits en 2024.
1,2 million de chiffre d’affaires en 2023, un open space avec une grande cuisine, des patrons en sweat-shirt, baskets, Done (anciennement donnez.org) a tout de la start-up à la mode. Cette société propose aussi un concept particulièrement original : « Nous souhaitons sauver de la benne les invendus, stocks dormants, retours clients… pour pouvoir les donner aux associations », présente Thomas Moreau, son cofondateur.

Decathlon comme premier client
Il a pris conscience en 2018, lorsqu’il travaillait au siège de Decathlon, de la quantité de marchandises concernées. « Un jour où j’aidais mes coéquipiers en magasin, j’ai découvert que chaque soir, on détruisait les produits que les clients nous ramenaient. Sans même prendre le temps de vérifier s’ils étaient défectueux. »
« L’impact sociétal lié à la destruction d’autant de produits est évident »
Le Lillois était alors président de l’association Agicités (plateforme de démocratie participative qui n’existe plus, ndlr) et connaissait les difficultés du monde associatif à récupérer des fonds et du matériel. Il décide d’agir et de proposer à Decathlon de trier ses retours marchandises pour les donner aux associations. En prime, la société donatrice disposerait même d’une réduction d’impôts de 60%.
Son idée séduit. Les dirigeants de Decathlon lui permettent de mener une expérimentation dans un de leurs magasins, à Englos (59). L’équipe sur place est immédiatement partante. « Dès que j’ai présenté mon idée, les collègues ont été soulagés. Eux aussi voyaient l’impact sociétal lié à la destruction d’autant de produits. » Très vite, le concept se généralise au sein de la chaîne. « On est passé en 18 mois à trois, cinq puis quinze magasins qui utilisaient mon process ».
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Des dons pour 160 associations

Le trentenaire décide en 2019 de quitter Decathlon pour fonder sa propre société basée sur le modèle qu’il expérimente. Guillaume Delory, ami d’enfance et déjà associé à Thomas Moreau sur un précédent projet, le suit dans l’aventure. Ensemble, ils fondent donnez.org. « Ça nous a paru évident de le faire à Lille, il y a un bel écosystème, beaucoup d’associations et pas mal de sièges d’entreprises : Norauto, Leroy, Kiabi, Décathlon, Saint Gobin… De plus, notre connaissance du secteur nous a permis d’obtenir des aides de la région Hauts-de-France », souligne Thomas Moreau.
Et ça marche. Très vite, Done prend de l’ampleur. En 2022, le duo finance l’évolution de son entreprise avec une levée de fonds de 1,2 million d’euros. La société travaille maintenant à une autre échelle. « Nous avons permis à 448 entreprises en 2023 de partager 3,5 millions d’invendus non alimentaires entre 160 associations. Ce qui représente une valeur marchande de près de 10 millions d’euros de produits », précise Thomas Moreau.
Les associations ne tarissent pas d’éloges sur Done. À l’instar de Serge Cabrie, président d’Aide et Partage France Ukraine à côté de Perpignan, qui a reçu ses premiers dons en janvier. « On a récupéré des produits de soins, d’hygiène… Une partie de ce chargement est partie dans l’est de l’Ukraine où le conflit fait toujours rage », indique Serge Cabrie. Du reste, son association a reçu un nouveau chargement la semaine dernière avec du matériel de plomberie, des radiateurs… pour réhabiliter des locaux. Tout sera expédié en Ukraine dans quelques jours.
Sauver l’équivalent de 25 millions de produits en 2024

En un an, l’activité de donnez.org a littéralement explosé. Aussi, les deux associés ont dû recruter et sont passés de 11 à 26 salariés. Dans la foulée, Thomas Moreau et Guillaume Delory décident de rebaptiser leur société, trouvant que le nom d’origine faisait trop association. Leur entreprise a donc été rebaptisée Done depuis septembre dernier. Les deux patrons n’ont pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. « Nous souhaitons maintenant monter un projet de mécénat pour les grosses entreprises avec lesquelles nous travaillons. L’objectif : les encourager à proposer des événements qui profiteraient aux associations. »
Une première braderie solidaire a été organisée en novembre dernier, au Secours Populaire d’Argentan (Normandie), en collaboration avec Norauto. Au total : 60 palettes, soit plus de 2000 pièces, ont pu être vendues à des garages solidaires, mais aussi à des associations. Les fondateurs de Done souhaitent généraliser cette pratique et ambitionnent ainsi de sauver l’équivalent de 25 millions d’euros de produits en 2024. Pour y arriver, ils vont encore recruter dix collaborateurs et déménager, car leurs locaux sont désormais trop petits ! ♦
Bonus
- Sur le même sujet, relire l’article consacré à l’appli Circular Place. CircularPlace optimise la collecte et la gestion des invendus, des retours et des équipements de seconde main des entreprises.