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Champagne Drappier : vert de la vigne au cargo

Par Frédérique Hermine, le 31 octobre 2022

Journaliste

Drappier est la première maison neutre en émissions de carbone de la Champagne, certifiée par EcoAct. Une démarche aussi verte que vertueuse en vigne, en cave et en bouteille. En passant par le labour à cheval, le tracteur électrique et bientôt par le cargo à voile pour ses exportations vers les États-Unis.

 

De plus en plus de maisons de champagne jouent la carte verte, bio, biodynamie, nature, vegan ou HVE. La famille Drappier, installée à Urville dans la Côte des Bar (Aube), n’a pas choisi la voie la plus facile en orientant sa production vers le zéro carbone, certifiée EcoAct depuis la vendange 2018. Les démarches environnementales de la maison auboise ont été initiées il y a une dizaine d’années.

 

Diminuer les produits phytosanitaires et les énergies fossiles

Drappier, vert de la vigne au cargo
Près de la moitié du domaine est certifié bio ou en conversion ©DR

« En 1989, nous avions déjà commencé à nous orienter vers une viticulture plus respectueuse de l’environnement, explique Michel Drappier qui peut revendiquer plus d’une quarantaine de vinifications dans ses belles caves cisterciennes. Nous avons choisi de diminuer les produits phytosanitaires. De labourer les vignes, recycler l’eau de source, utiliser le froid extérieur via des sondes pour rafraîchir les caves et éviter les climatiseurs, de vinifier sans intrant et en réduisant les doses de soufre ».

Michel Drappier s’est d’abord dirigé vers une viticulture de plus en plus bio. Près de la moitié du domaine de plus de 60 hectares en propriété (sur un total de 110 hectares), est désormais certifié ou en conversion.

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2000 m2 d panneaux photovoltaïques sur le domaine 2000 © Drappier

À partir des années 2000, il s’est attaché à diminuer progressivement les énergies fossiles. Notamment en investissant dans la production d’énergie solaire. La maison est ainsi devenue le premier producteur photovoltaïque viticole de la région.

 

Quasi-autonomie et bornes de recharge

Avec une surface totale de plus de 2000 m2, cela couvre désormais près des trois quarts des besoins en électricité. « À terme nous devrions même être dans le positif, estime Michel Drappier. Au début, on revendait notre production à EDF ; aujourd’hui on la consomme et on a installé des bornes électriques sur le domaine pour alimenter une flotte de véhicules, tracteurs, utilitaires et voitures, les nôtres ou celles de nos visiteurs ».

Le bilan carbone d’une entreprise est évalué par un organisme indépendant. Celui-ci évalue la quantité de carbone émise à chaque étape du processus de fabrication et d’expédition. La méthode s’appuie sur le référentiel de l’Association de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Cette analyse permet ainsi de connaître précisément les postes les plus polluants en termes de CO2.

 

Le verre, poste principal de consommation d’énergie

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Le choix d’un verre marron et recyclé ©DR

Le packaging est aussi une source majeure d’économie d’énergie. Le changement de bouteille, en 2017, a ainsi permis d’augmenter le pourcentage de verre recyclé à 80%. Le verre blanc, forcément neuf et moins efficace quant à la conservation du vin, a été abandonné au profit du verre marron recyclé qui absorbe 99,7% des UV. Les bouteilles, repensées par Michel Drappier, ont également été allégées de 15% comparées aux flacons champenois traditionnels. C’est d’ailleurs le premier poste de consommation d’énergie du bilan carbone, devant le transport de la production, le personnel et les visiteurs. « Pour le bilan carbone, nous avons même dû calculer l’impact des bulles quand on débouche une bouteille ; il a été estimé à 0,5%, avoue Michel Drappier. Et intégrer les émissions de nos visiteurs en cave, ce qui hélas pénalise l’œnotourisme ».

Les nouvelles bouteilles ont été accompagnées d’un changement de cartons, d’étiquettes et d’emballages, également plus soucieux de l’environnement. « Afin d’essayer de donner de l’oxygène à la planète », précise Michel Drappier. Le solde des émissions actuelles est compensé par un investissement en tonnes carbone nord/sud qui finance un programme éolien au Rajasthan, en Inde.

 

Un transport décarboné dans le vent

Par ailleurs, la maison s’est engagée dans un partenariat avec la compagnie TOWT (TransOcéanique Wind Transport) pour expédier en cargo à voile ses bouteilles aux États-Unis et réduire ainsi le bilan carbone du transport. L’entreprise du Havre s’est lancée depuis dix ans dans le fret à base de vieux gréements.

Drappier, vert de la vigne à la voile 2Elle a ensuite investi dans la construction de cargos high-tech à voile, capables de relier le Havre à New York en deux semaines (il fallait compter une quarantaine de jours au XIXe siècle mais seulement neuf avec un porte-conteneur au XXIe). Ce « nouveau » mode de transport décarboné engendre néanmoins un surcoût, qui sera partagé avec l’importateur. Le premier voyage prévu en 2023 sera relayé sur les bouteilles estampillées Anemos, le label de TOWT, avec un QR code donnant accès aux photographies, au journal de nord et autres informations complémentaires dans le vent.

 

Objectif zéro résidus

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Chez Drappier, la relève est prête ©DR

Drappier s’est également engagé dans une démarche zéro résidus. Si 17 hectares ont déjà été certifiés, l’objectif est bien d’y être sur la totalité de la propriété. « Mais ce n’est pas facile en Champagne, reconnaît le producteur aubois. Il hésite à donner une échéance pour éviter la course aux performances. C’est une démarche longue et progressive qui implique un changement de comportement au quotidien et à tous les niveaux, même si nous avions pris de l’avance en cave ». Ici, même les anciens pupitres de remuage et les vieux tonneaux ont été recyclés dans la fabrique de loges en bois, offrant un espace de dégustation dans les vignes. Les bouteilles vides sont de leur côté transformées en bougies végétales disponibles à la boutique du caveau.

Le domaine a adopté depuis déjà longtemps une viticulture verte. Sans désherbant ni insecticide, mais à base de composts naturels, d’enherbements, avec désherbage manuel à la pioche, jachères, labours avec Aster, le cheval de trait d’Antoine, le benjamin de la famille…

La démarche a également été complétée par la culture d’un potager, l’entretien d’un verger en permaculture et d’un poulailler. Pour une démarche écologique globale. Toute la famille s’y est impliquée puisqu’aujourd’hui Michel Drappier a passé le relais à ses trois enfants. Charline, Hugo et Antoine sont la huitième génération du domaine. ♦