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Entourage crée un réseau social pour les personnes précaires

Par Philippe Lesaffre, le 19 janvier 2023

Journaliste

Coordinateur du réseau Entourage en Seine-Saint-Denis, Théo Sultan bataille contre les préjugés sur les sans-abri et les personnes en situation de grande précarité. L’idée : les réintégrer, à tout prix, notamment par le biais d’événements inclusifs et de « rencontres… transformantes ».

 

Au plus fort de la pandémie, Théo Sultan a commencé à donner de son temps en Seine-Saint-Denis, territoire du nord-est parisien. « J’avais envie, dit-il, de m’investir dans le champ social. » Rapidement, le jeune homme, engagé pour lutter contre les toutes les formes de précarité, trouve une offre d’emploi qui lui sied. Le réseau Entourage, lancé il y a près de dix ans, cherche un salarié pour accélérer l’implantation du réseau sur ce territoire du nord-est francilien. Affaire conclue.

Son objectif en particulier : faire connaître l’association encore méconnue, ses valeurs, ses missions. Autant d’initiatives visant à réintégrer les personnes en situation de grande précarité. Théo, dans les accueils de jour ou au sein de centres d’hébergement d’urgence, notamment, rencontre des femmes et des hommes qui ont trébuché à un moment dans leur vie. Lui leur tend le bras et leur demande ce qu’il peut leur apporter. « Souvent, ces femmes et ces hommes ont envie de faire du sport, notamment du football, indique-t-il. C’est une passion répandue, et, par ailleurs, jouer tous ensemble permet de casser le rapport aidant-aidé. »

 

Les vertus sociales du sport

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Personnes isolées, précaires, sans-abri et habitants du quartier participent aux Jeux de la Solidarité @Xavier Tschudi

Sur le terrain, toutes et tous mouillent le maillot. Et oublient, l’espace d’un instant, peut-être, les épreuves du quotidien. Un événement majeur revient chaque année, organisé avec la mairie de Saint-Denis, au nord de Paris, au mois de septembre : les Jeux de la solidarité.

« C’est ludique, on peut jouer au tir à l’arc, au basket, au frisbee, au mini-golf. On met en place aussi un parcours de la cécité visant à représenter les sports paralympiques. » De nombreux acteurs de la solidarité du 93, les structures épaulant les personnes isolées, précaires, sans-abri, ainsi que les habitants du quartier participent aux festivités. La première édition de ces « olympiades » a rassemblé en 2021 plus de 250 personnes.

Le pouvoir du sport dans toute sa splendeur. Le comité de la rue d’Entourage l’avait bien pressenti. Le premier, il avait soumis l’idée de proposer des activités physiques et sportives. « Le comité de la rue, précise Théo, regroupe d’ex-sans-abri ou des femmes et des hommes encore sans domicile fixe, qui nous partagent leurs expériences. » Et ce dont ils ont besoin, c’est avant tout de passer un moment convivial, de rencontrer d’autres personnes, et, au final, de sortir de l’isolement, le plus possible.

Que ce soit d’ailleurs dans un stade, ou… ailleurs, en particulier à table. Entourage, chaque année, propose également des repas, des goûters, voire des soirées jeux dans des bars, notamment à Paris. Autant d’événements favorisant la mixité sociale. Car l’asso met en lien, et elle y tient, des personnes en situation d’exclusion et des habitants des environs. But des opérations : créer, en somme, les conditions pour que les gens puissent échanger, se découvrir. « À Entourage, note Théo, on parle de ‘rencontres transformantes’. »

 

Des antennes existent ou se montent : Paris, Lyon, Lille, Rennes et Marseille

 

Le tabou des addictions

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Réconfort le jour avant le casse-tête de la nuit © Quentin Huriez

Pour les uns… et les autres. « L’urgence, c’est aussi d’informer et que l’on puisse prendre conscience des difficultés du quotidien de certaines personnes en situation de précarité » L’ambition, justement : essayer, vaille que vaille, de lutter contre les tabous et les préjugés qui ont la vie dure. En particulier au sujet des addictions, notamment à l’alcool. « Dans la rue, il n’y en a pas forcément plus qu’ailleurs, signale Théo, c’est juste qu’on le voit davantage, puisque les femmes et les hommes agissent moins à l’abri des regards, dans les bars ou au domicile. »

Entourage crée un réseau social pour les personnes précaires 4Selon le sociologue Thibaut Besozzi, auteur de l’ouvrage Idées reçues sur les SDF, regard sur une réalité complexe (Le Cavalier bleu, 2020 – réédité en janvier 2023), cité sur le site de l’association Les Clionautes, « moins d’une personne sur dix serait touchée » par ce type d’addiction. Et de préciser dans la foulée : « Les consommations addictives seraient minoritaires – (même si) les chiffres se basent sur du déclaratif et (que) les pratiques sont sans doute minimisées, surtout si elles sont illégales. »

Depuis près de deux ans, Théo bataille contre les idées reçues. Et il est temps. D’après Interlogement 93, qui gère le 115 sur le territoire francilien, 739 personnes (dont 278 mineurs et 45 femmes enceintes) ont par exemple composé le 28 novembre le numéro d’urgence en Seine-Saint-Denis, mais elles se sont toutes retrouvées sans solution ce jour-là. Un record. En moyenne, sur ce mois de novembre 2022, on a compté 386 demandes de mise à l’abri non pourvues (DNP), contre 280 en 2021. Et, encore, beaucoup n’appellent même plus sachant que le temps d’attente est très long et qu’il y a de fortes chances que cela ne fonctionne pas…

 

Asso recrute salariés… et bénévoles

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Entourage a besoin de nouveaux bénévoles et volontaires ! © DR

À l’occasion, pour sensibiliser, cet acteur a imaginé un « calendrier de l’attente » entre le 1er et le 24 décembre dernier. Pour mettre en avant, sur les réseaux sociaux, l’histoire de ces femmes et de ces hommes à qui l’on ne trouve aucune place pour passer la nuit. Une initiative enrichissante, observe Théo, quand même contrarié par l’absence de solutions… « Aucun enfant ne doit dormir à la rue« , avait lancé, sur RTL en novembre dernier, le ministre délégué à la Ville et au Logement Olivier Klein. Comme l’a raconté Interlogement93, sur Twitter, cela n’a donc pas été le cas… Des familles sont privées de lits, et « c’est édifiant », répète le coordinateur d’Entourage en Seine-Saint-Denis. Qui a toujours besoin de mains utiles.

Régulièrement, l’asso, pour avoir plus d’impacts, cherche des bénévoles, toute personne volontaire pour donner un coup de main. « C’est toujours très utile pour une association de pouvoir compter sur un appui citoyen. » Entourage organise à ce titre des réunions d’information pour les personnes susceptibles de s’engager. Des moments au cours desquels Théo met en avant les valeurs de la structure. « Je dis souvent, poursuit-il, que pour agir, il faut savoir et comprendre ».

On l’entendra justement le 19 janvier à la Cité fertile, à Pantin, en Seine-Saint-Denis. Apporter de l’info, encore et toujours, et montrer ce qu’on peut faire concrètement pour aider une personne à la rue. « Il ne s’agit pas juste de donner un peu d’argent ou de la nourriture, il faut surtout ouvrir un dialogue, une discussion. » Ça compte ! ♦