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Capri : mieux qu’une ferme des quartiers nord de Marseille, un lieu de vie

Par Agathe Perrier, le 10 novembre 2022

Journaliste

Raphaël Plaza, voisin de la ferme Capri, vient chaque semaine acheter ses légumes et profiter du lieu © Agathe Perrier

La ferme Capri n’est pas une ferme urbaine comme les autres. Les légumes qui y poussent ont été choisis pour coller aux besoins culinaires de ses « voisins », les habitants des quartiers alentour. Et puisqu’elle se situe au nord de Marseille, les prix de vente sont adaptés aux bourses les plus modestes. Au-delà d’un simple lieu de production, c’est aussi un espace ouvert à tous pour travailler la terre, découvrir l’agriculture ou simplement profiter de la nature.

 

À la Delorme, au nord de Marseille (15e arrondissement), un ancien terrain en friche a retrouvé sa vocation agricole (bonus). C’est là que, depuis février 2021, la ferme Capri s’est installée, entre une voie rapide et l’A7. Y poussent désormais une cinquantaine de variétés, légumes, fruits et fleurs (aromatiques, comestibles et ornementales). « L’objectif du lieu est d’être un espace de production pour les habitants des quartiers voisins. Mais pas seulement car il a vocation à servir d’outil pédagogique, de recherche et de sensibilisation, notamment des plus jeunes », explique Louise Levayer, coordinatrice de cette structure imaginée et développée par la Cité de l’agriculture.

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Sur les 8 500 m² de la ferme Capri, 3 500 sont pour le moment exploités © AP

 

Coller aux besoins des voisins

Sur les 8 500 m² de la ferme Capri, 3 500 sont pour le moment exploités. Les variétés de légumes et plantes locales – tomates, poivrons, courgettes, basilic, etc. – côtoient les plus lointaines et exotiques. « Cela permet d’offrir aux voisins une plus grande diversité culinaire, de bonne qualité et qui correspond à leurs habitudes », explique Lucas Turbet Delof, l’ancien coordinateur. Marseille, terre cosmopolite, compte en effet de nombreux habitants originaires d’Afrique ou d’Asie qui cuisinent les plats de leurs pays. Or, certains produits, comme le gombo, sont difficiles à trouver, très chers car acheminés de loin. Problèmes résolus grâce à la ferme Capri, d’autant plus facilement que ce drôle de légume vert pousse volontiers sous le climat méditerranéen.

Autre exemple avec les piments. Une petite parcelle leur avait été dédiée. Plébiscités par une association du quartier, l’espace consacré a été agrandi. Les deux structures se répartissent les tâches et confectionnent de la pâte de piments. Qu’elles vendent chacune de leur côté, à un prix unifié et moindre par rapport aux commerces du 15e arrondissement. « On a aussi essayé de cultiver du gingembre, mais c’est une technique bien particulière. On va réitérer l’expérimentation l’année prochaine », glisse Louise.

 

 

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Les prix des produits cultivés à la ferme Capri sont fixés en fonction des capacités financières des habitants des quartiers voisins © AP

Des prix justes et adaptés

Les légumes cultivés à la ferme Capri sont vendus directement sur place chaque mercredi (bonus). S’ils sont destinés au voisinage dans une logique de circuit court, tout le monde est néanmoins bienvenu. Les prix sont d’ailleurs fixés par rapport aux capacités financières des habitants les plus proches. « On a fait des études de prix dans les quartiers environnants pour proposer un tarif juste et acceptable. Tout en valorisant les produits et le travail associé. Nos tarifs se situent dans une fourchette basse du bio », indique Lucas. À noter d’ailleurs que même si la structure n’est pas labellisée bio, aucun intrant chimique n’est utilisé dans les plantations.

La première année de production a surpassé les attentes. Les rendements ont été tels qu’il y a même eu des surplus. Rien n’a cependant été jeté ou gâché grâce à des dons aux associations – notamment l’Après M – et quelques ventes à des restaurateurs très en demande de produits frais et ultra locaux. « Il existe des voies qui nous permettraient de vendre plus cher, mais ça ne fait pas partie de nos objectifs », souligne Louise. Et ce, alors que la ferme cherche encore son modèle économique optimal.

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Aux côtés des légumes locaux, d’autres plus exotiques comme le gombo (à gauche) qui poussent néanmoins facilement sous le climat méditerranéen © AP

Une épicerie mobile pour aller vers les habitants

Outre cette vente hebdomadaire à la ferme, l’équipe tient aussi un marché tous les lundis à la sortie de l’école primaire Saint-Joseph. Et une fois par mois lors de l’événement « Un dimanche aux Aygalades ». L’objectif derrière ces moments hors les murs est d’aller rencontrer les voisins, car beaucoup ne connaissent pas Capri ou n’ont pas les moyens d’y venir.

Dans cette logique, la Cité de l’agriculture va prochainement lancer une épicerie mobile. Une camionnette sillonnera chaque semaine les quartiers alentour – la Maurelette, Bassens, Saint-Joseph, les Tilleuls, les Aygalades – pour y vendre les produits frais de la ferme ainsi que quelques références sèches. Les premières tournées sont prévues pour la fin de l’année et permettront de recueillir l’avis et les attentes des habitants. Et ce afin de coller au plus près à leurs besoins pour un démarrage officiel en 2023.

 

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De nombreux ateliers et animations sont organisés à la ferme Capri comme ici un atelier sur la lactofermentation © AP

Produire et accueillir

En parallèle de ce volet production, la ferme Capri a vocation d’être un outil de sensibilisation. C’est pourquoi l’équipe organise de nombreux ateliers et animations pour parler agriculture, alimentation, environnement, biodiversité… Aussi bien à destination des enfants et scolaires que des adultes et professionnels. Des jeunes du club de lecture Acelem ont par exemple participé à un atelier semis, le centre social Saint-Joseph à un autre sur la peinture végétale, l’équipe de foot de Bassens a aidé au désherbage… L’espace est également un support de recherches pour des partenaires universitaires et des laboratoires.

Il faut venir à la ferme pour se rendre compte de la diversité des profils qu’elle attire. Ce mercredi d’octobre, des familles des quartiers proches, accompagnées par l’Addap13, prennent le goûter au milieu des herbes. Pendant ce temps, un atelier de lactofermentation valorise les légumes et une artiste fabrique des tables avec des enfants. Puis à 16h, les premiers clients arrivent pour le marché. Parmi eux, Raphaël Plaza, 94 ans dont 58 passés aux Castors de Servières, lotissement voisin autoconstruit par ses résidants. « Avant on avait des marchands de légumes dans le quartier, maintenant je viens ici », confie-t-il. L’occasion aussi pour lui de profiter de cette bulle de calme et de nature, assis sur une chaise au bord des cultures. C’est ça l’esprit Capri. ♦

 

Le Fonds Épicurien, parrain de la rubrique « Alimentation durable », vous offre la lecture de cet article mais n’a en rien influencé le choix ou le traitement de ce sujet. Il espère que cela vous donnera envie de vous abonner et de soutenir l’engagement de Marcelle *

 

Bonus

  • Venir à la ferme Capri. 31, avenue de Cascogne, 13015 Marseille. Ferme ouverte au public et aux bénévoles — Mercredi 10:00-18:00
    Vente de légumes à la ferme — Mercredi 16:00-17:30
    Ventes devant l’école Saint-Joseph Servières — Lundi 16:00-17:00 (hors vacances scolaires).
    Vente sur le marché des Aygalades à la Cité des Arts de la Rue – Tous les premiers dimanches du mois.

    Pour plus de renseignements : capri@cite-agri.fr . Tél. : 06 51 72 84 93.

  • Un terrain qui retrouve sa vocation agricole – Une des plus vieilles images du terrain récupérées par la Cité de l’agriculture montre qu’il faisait partie du domaine de la Maurelette. « On peut supposer qu’il était agricole car on se situe dans l’ancienne ceinture maraîchère de Marseille », souligne Lucas. La butte est restée longtemps en friche. Elle a servi ces dernières années de lieu de promenade pour les chiens, de terrain de cross non officiel ou de foot. Pour la transformer en culture, il a fallu faire venir 160 tonnes de terre (compost, fumier, broyat de bois). Le terrain a par ailleurs été aménagé en restanques afin de perpétuer cette méthode typique du sud de la France, qui permet en plus de gagner de l’espace.
  • Quatre ans de travail – C’est le temps qu’il aura fallu entre les premières recherches de foncier et l’inauguration de la ferme Capri. Le terrain est mis à disposition par la Ville de Marseille avec un bail reconductible d’une durée de dix ans.
♦ À (re)lire : notre article sur La Cité de l’Agri de Marseille