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Avec les bombes à fleurs, vive le business écolo !

Par Paul Molga, le 22 octobre 2020

Journaliste

Photo Clément Rivier

Jeter un cadeau, ça ne se fait pas ! Hugo Rivier en a pourtant fait son business. Je l’ai croisé au dernier Forum des Entrepreneurs de Marseille. Sur un petit stand, il présentait de drôles de petites boulettes en fibres végétales renfermant des graines de fleurs, qu’il vend comme cadeaux d’entreprise. Avec une obligation pour ceux qui les reçoivent : les balancer dans un coin de terre. C’est écologique, disruptif et sacrément engagé. Trois bonnes raisons d’en savoir plus sur Grainette.

Le conteneur recyclé dans lequel m’accueille Hugo Rivier a l’air d’un cabanon de jardin. Il est exigu, il sent la terre et même si l’ouverture aménagée sur l’un de ses flancs donne à voir l’enfilade de voitures garées devant l’Établissement de service d’aide par le travail -ESAT- du Rouet, les travailleurs handicapés qui s’y relaient Grainette, la startup qui pousse comme une fleur 1se disputent la place. Dans le 12e arrondissement industrieux de Marseille, c’est une petite bulle à part. Hugo y a installé un pressoir de son invention. Cofondateur de la start-up Grainette, cet ingénieur de 28 ans, spécialiste aéronautique formé à l’Estaca de Laval, a trouvé le moyen de conditionner des graines de fleurs dans un substrat solide composé de fibres végétales et de poussière d’écorce de pin.

 

Distribution de BàF

Il les appelle des bombes à fleurs, des BàF. Ces petits cylindres de deux centimètres de côté renferment chacun une trentaine de graines prêtes à germer. Hugo et son acolyte Thomas les proposent aux entreprises pour remplacer les goodies polluants en plastique souvent made in China : une poignée féconde à répandre partout où la (bonne) terre affleure. « Surtout en ville », insiste le jeune patron.

Grainette, la startup qui pousse comme une fleur 3
@Clément Rivier

Les deux hommes ne sont pas des utopistes. Plutôt des militants qui se projettent vers le monde d’après. « À cause de notre société industrielle, ces 40 dernières années, deux tiers des insectes pollinisateurs et autant de la quantité de fleurs sauvages ont disparu. Il faut revégétaliser tous les sols qui peuvent l’être », plaide l’entrepreneur. Dans la nature, une graine végétale sur un million a parfois une chance de donner un arbre, une fleur, une plante. Les bombes vertes de la Grainette optimisent largement ce potentiel. Pour ses débuts, l’entreprise en a sélectionné une quinzaine correspondant à la plupart des mellifères endémiques. Dans l’abri douillet de leur cocon de fibre, les graines sont protégées de la lumière, des coups de chaud, du froid, et de la prédation des oiseaux et des insectes.

 

Plus performantes que la concurrence

Ces BàF sont une petite bombe dans le secteur du végétal. « Je te montre, mais s’il te plaît, ne détaille pas le process dans ton article », me commande-t-il avant de tirer la porte de métal de sa micro-usine. S’il se méfie, c’est qu’on a bien failli piller ses secrets de fabrication. Je range mon smartphone et je le regarde m’expliquer ce principe « low tech », dont la mise au point lui a réclamé une vingtaine de prototypes. L’engin est entièrement manuel. Il permet d’agglomérer ses bombes et d’en évacuer 90% de l’humidité pour accélérer la déshydratation. Le risque sinon, c’est que les graines germent avant que les bombes sèchent.

Pas moins de 6 000 BàF sortent quotidiennement du conteneur. Leur efficacité est redoutable. Hugo m’en fait la démonstration : sous une douche d’eau, quelques secondes suffisent à humidifier le comprimé jusqu’à son cœur. Dans la nature, cela signifie qu’une bombe peut délivrer tout son potentiel avec une simple averse. Les produits concurrents – une dizaine dans le monde – n’atteignent pas cette performance : leur composition comprend de l’argile imperméable pour lier les graines et il faut donc des pluies torrentielles pour les libérer. Je comprends pourquoi Hugo garde son secret de fabrication aussi jalousement que Coca-Cola sa formule.

 

Des sachets au logo de 175 entreprises

Grainette, la startup qui pousse comme une fleur 4Il faut dire qu’en à peine deux ans, ses goodies ont convaincu plus de 175 entreprises, et pas des moindres : PSA, Seb, CNP Assurance, Crédit Agricole, Société Générale, Groupama, GRTgaz, Dalkia… Au total, depuis sa création, Grainette a ainsi contribué à semer 10 millions de fleurs à butiner. L’entreprise est rentable : à raison de 2 euros le sachet de 6 bombes logotypé à l’image de ses clients, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 160 000 euros depuis 2019. Et grâce à son partenariat avec l’ESAT, ses charges sont minimes. « Nous faisons du perma-entrepreneuriat », commente Hugo en référence aux vertus de la permaculture, économe, résiliente et respectueuse des écosystèmes voisins. Réservés jusqu’alors aux entreprises, ses sachets devraient bientôt trouver place dans les magasins spécialisés. ♦

À quoi peut ressembler une start-up sociale ? 5

*RushOnGame, parrain de la rubrique « Économie », vous offre la lecture de l’article dans son intégralité *

Avec les bombes à fleurs, vive le business écolo ! 1
@Clément Rivier

Bonus [pour les abonnés] Comment ça marche en vidéo – Le modèle économique –

  • Quel modèle économique ? Aucune aide publique, en autofinancement depuis la création. La commercialisation cible essentiellement les entreprises et collectivités ayant la possibilité de remplacer des goodies néfastes par des bombes à fleurs, d’où une offre orientée « BtoB » (sachets personnalisés, minimum 100 pièces). En plus des deux formats « goodies », il y a des BàF en vrac (carton de 500) disponibles notamment pour les particuliers. Mais pas de petits sachets individuels pour des raisons de CO2 liées au transport.
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