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Les bienfaits de la ferme en partage

Par Maëva Danton, le 13 mai 2021

Journaliste

L'association Les Grandes petites fermes organise des animations à la ferme. Aujourd'hui, un atelier-cuisine mettant à l'honneur les plantes sauvages @MGP

À Venelles, la ferme de Violaine met à disposition d’agriculteurs bio des parcelles de terre tout en les accompagnant financièrement dans leur installation. Mais elle souhaitait également s’ouvrir au public et reconnecter l’humain à la terre. C’est chose faite avec son association Les Grandes petites fermes qui organise animations et ateliers verts.

 

Sur une table ronde en fer forgé, un sac de tissu rempli de plantes sauvages. De la mauve. Du thym fleuri. Du géranium. Et de la roquette sauvage sur laquelle une abeille s’est posée et ne semble pas décidée à repartir.
Ce matin, le domaine de Violaine est calme, sous un soleil imperturbable et un mistral détonnant. Lison, salariée pour Les Grandes petites fermes s’affaire. Il faut installer des chaises, une table supplémentaire et une nappe pour les participants qui ne tarderont plus à arriver. Sans oublier de préparer le thé et le café.

L’atelier du jour est animé par un intervenant extérieur, L’École buissonnière. « L’idée d’origine, c’est d’emmener des gens en sortie botanique. Cela leur permet de se réapproprier leur milieu, apprendre les noms et les vertus des plantes qui poussent autour d’eux. Et qu’ils puissent s’en servir pour des usages médicinaux et alimentaires », commence Pauline, qui a cofondé cette micro-entreprise aixoise à l’automne dernier.
« On les considère trop souvent comme des mauvaises herbes alors qu’elles appartiennent à la biodiversité, complète Dorian Bérard, son comparse, en parallèle chef cuisinier au restaurant l’Amateur, à Marseille. Quand tu les reconnais et que tu vois toute la richesse qu’il y a derrière, tu n’as plus envie de sortir ta tondeuse pour raser les petites pâquerettes dans ton jardin ».

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Sur le domaine, on trouve plusieurs serres abritant des activités de maraîchage et d’élevage de poules pondeuses @MGP

 

Un domaine de 30 hectares, tremplin pour des néo-agriculteurs bio

C’est leur première intervention en partenariat avec Les Grandes petites fermes. Cette association a vocation à créer du lien entre la ferme de Violaine, le domaine de 30 hectares où l’on se trouve aujourd’hui, et le monde extérieur.

La Ferme de Violaine a été fondée par un propriétaire de foncier agricole désireux de proposer un modèle plus viable à des néo-exploitants soucieux d’écologie. Des personnes pour qui l’installation est souvent très coûteuse en raison du prix de la terre et du matériel à acheter. S’ils souhaitent louer des terres, les baux sont très longs, alors les propriétaires se montrent parfois méfiants. Autant d’obstacles qui peuvent obliger les porteurs de projet d’exploitation à renoncer.

Quand la ferme s’ouvre au monde extérieur
Lison Postel, unique salariée des Grandes petites fermes @MGP

« Ici, le propriétaire met à disposition des parcelles tout en gardant la main sur son foncier. Et il réalise lui-même les investissements pour l’installation des agriculteurs », explique Lison Postel, (seule) salariée des Grandes petites fermes. Le domaine accueille désormais deux maraîchers, un apiculteur, un éleveur de poules pondeuses, des vignes, des oliviers ainsi qu’une culture de plantes à parfum.

 

Expérimentation agricole et animation

Et c’est pour créer des liens avec le monde extérieur que le propriétaire foncier a souhaité fonder Les grandes petites fermes qui propose deux types d’activités parmi lesquelles l’expérimentation en matière de pratiques culturales. A commencer par la culture d’oignons entre les rangées de vignes, pour tester les synergies entre les deux plantes ainsi que l’impact sur les sols.
En parallèle, l’association organise des événements et ateliers pour que la ferme s’ouvre au monde et accueille du public.
« C’est un moyen de répondre à des citoyens qui ont soif de connaissance à propos de ce qu’ils mangent. Et qui ont envie de se reconnecter à la terre », observe Lison. Pendant les vacances scolaires, Les Grandes petites fermes invitent les enfants à des ateliers. « Il y a eu du semis de plantations, de la peinture végétale ». Et les adultes aussi sont visés. « Aujourd’hui, ce sera le troisième atelier qu’on leur propose. Le premier portait sur la reconnaissance de plantes sauvages. Le second sur le potager agroécologique. »

 

 

Quand la ferme s’ouvre au monde extérieur 1
Méli-mélo de flore sauvage @MGP
Goûteuses plantes sauvages

Il est neuf heures et quart et tout semble prêt. La plaque de cuisson est en place. Des sachets de farine ont été posés aux quatre coins de la table pour empêcher la nappe de s’envoler. Les fraises, dans leur barquette en carton, se gorgent de soleil et diffusent leur fin parfum.

Une voiture se gare. Dominique et Pascale sont les premières à arriver à la ferme. Après quelques observations météorologiques, elles s’émerveillent devant ce domaine jusque là inconnu. Elles apprennent qu’il dispose d’une boutique où l’on trouve les produits qui y poussent, mais pas seulement.
Les autres participants arrivent peu à peu. Treize personnes sont attendues. Ce sont essentiellement des couples. Beaucoup viennent des alentours d’Aix-en-Provence. Cinq ont fait le déplacement depuis Marseille, soit 40 minutes de route.

Après une brève présentation du lieu, des Grandes petites fermes et de l’École Buissonière, place à l’atelier cuisine qui mettra à l’honneur les plantes sauvages. On commence par le plat : gnocchis aux orties. Quelques-uns se lancent sans tarder dans l’épluchage des pommes de terre.

Au dessert, le chef propose une panna cotta infusée à la fleur de sureau. L’occasion d’en savoir plus sur cette plante sauvage que Pauline présente à l’assistance. « C’est un arbuste qui s’accommode de tous les sols et qu’on retrouve souvent près des lieux habités. On le reconnaît grâce à ses grandes lignes et ses arceaux retombants. La fleur est composée de cinq folioles ». Un homme en saisit une branche qu’il renifle. « Ah ça sent super bon ! », lance-t-il. « Certains disent que ça leur rappelle le pipi de chat », s’amuse Pauline. Plusieurs stagiaires acquiescent. « Moi je trouve que ça sent le fruit exotique », considère une participante.

 

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Pauline propose une petite balade sur le domaine pour en découvrir la flore @MGP

 

 

Un public déjà soucieux de manger local

Pour agrémenter la panna cotta, le chef se lance dans la préparation d’un coulis de fraises. « Là, ce sont des fraises du domaine. Mais c’est presque dommage de les cuire plutôt que de les manger comme ça. On peut utiliser des fraises d’Espagne qui sont moins chères ». « Jamais de la vie ! » scande un participant visiblement déjà très sensible à la consommation de produits locaux.

C’est le cas de beaucoup des participants du jour, dont certains sont déjà devenus des habitués. « C’est la troisième fois qu’on vient, assure Pascale, une cinquantenaire brune aux cheveux noués. On aime bien Lison, et aussi ce lieu ». Avec son époux, elle dispose d’un jardin potager. Et il lui arrive de consommer des plantes sauvages.
Jean-Baptiste, jeune homme très à l’aise pour le pétrissage des gnocchis, est lui aussi coutumier de ce type de plantes. « Mon père cuisine des orties, du pourpier ... ». Il avait déjà entendu parler de ce genre d’ateliers et après avoir connu l’association dans un cadre professionnel, il s’est inscrit à celui-ci, accompagné de deux amis.

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Dorian en plein dressage de son assiette composée de gnocchis d’ortie, mesclun et huile infusée à la roquette sauvage @MGP
Ratisser large

Si les ateliers s’adressent pour l’heure essentiellement à des initiés, l’ambition de l’association est de ratisser plus large. « Quand le couvre-feu à 19 heures sera levé, on aimerait proposer des ateliers le soir ». Sur deux heures seulement, à un prix en-deça de celui de ce jour (40 euros pour une demi-journée). Il pourrait s’agir de fabriquer des cosmétiques à partir des produits de la ferme : huile d’olive, cire d’abeille, hydrolat de rose … Autre piste : des visites du domaine, notamment de la Bastide de Violaine, un monument historique du XVIème siècle. Ou encore une offre d’activités sportives telles que de l’accrobranche.

« On aimerait aussi accueillir des établissements scolaires pour leur proposer des activités, avec pourquoi pas quelques petits animaux de ferme». De jeunes esprits à émerveiller. Pour semer les graines d’une alimentation plus durable, et d’un lien retrouvé entre l’Homme et la terre. ♦

 

Le Fonds Épicurien, parrain de la rubrique « Alimentation durable », vous offre la lecture de cet article mais n’a en rien influencé le choix ou le traitement de ce sujet. Il espère que cela vous donnera envie de vous abonner et de soutenir l’engagement de Marcelle *

 

Bonus
  • Financement du projet – Pour l’heure, l’association Les Grandes petites fermes est essentiellement alimentée par les dons de mécènes. S’y ajoutent, plus accessoires, les revenus des ateliers et la location de salles.
    « Nous voulons aussi débloquer des fonds publics. On a déposé des demandes auprès de la Région et de la Métropole », explique Lison qui souhaite en parallèle faire appel aux fondations privées.