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Greenwashing : les citoyens surveillent les faux pas

Par Philippe Lesaffre, le 16 février 2022

Journaliste

Désormais, journalistes, communicants, internautes et consommateurs pointent le moindre faux pas des entreprises © Unsplash

La nouvelle vigie citoyenne Greenwatch a été lancée à l’initiative notamment de la Fondation Oïkos, basée à Toulouse. But du jeu : relayer les situations de greenwashing et inciter, ainsi, les entreprises à se transformer. En clair : à concilier performance économique et responsabilité sociale, sociétale et environnementale (RSE).

 

Les alertes et les bad buzz se multiplient, ici ou là. C’est que les citoyens, de plus en plus conscients de l’urgence climatique, sont devenus intraitables. Journalistes, communicants, internautes et consommateurs ne veulent plus laisser passer quoi que ce soit, de la part des entreprises. Sur les réseaux sociaux, ils ou elles pointent le moindre faux pas quand il est identifié. Par exemple, en matière de communication hasardeuse, maladroite, trompeuse sur tel ou tel engagement pris par une société. Or, souvent, on l’oublie assez vite, et chacun passe à autre chose. Mais comment l’éviter ? Comment faire pour que les erreurs ne soient pas reproduites au sein des organisations ?

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Rémi Demersseman, président de la Fondation Oïkos © LinkedIn

À l’initiative de la Fondation Oïkos*, un collectif a récemment lancé la vigie citoyenne Greenwatch. But de l’opération : relayer les situations de greenwashing. Notamment celles repérées par différents lanceurs d’alerte, à l’instar, par exemple, de Thomas Wagner (le média Bon Pote) ou de l’association estudiantine Pour un Réveil écologique (lire en bonus). Autrement dit, Greenwatch se veut une plateforme visant à tout archiver pour ne rien oublier. « L’idée, nous précise Rémi Demersseman, président de la Fondation Oïkos, est d’alerter puis, avec l’aide de journalistes qui voudraient s’emparer du sujet, d’enquêter en cas de soupçon de greenwashing. Suivant le principe du contradictoire, il convient d’aller frapper à la porte de l’entreprise incriminée afin qu’elle puisse répondre. Et peut-être faire amende honorable. » Puis progresser, car tel est bien l’enjeu : que les sociétés s’améliorent et engagent un vrai changement profond en matière de responsabilité sociale, sociétale et environnementale.

 

 

« Contradiction entre les paroles et les actes »

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Les entreprises qui se lancent dans le grand bain ne peuvent pas le faire à moitié – Capture d’écran Greenwatch

Or, « depuis six mois, il y a du mieux au niveau de l’intention exprimée par les entreprises ». Selon Rémi Demersseman, celles-ci communiquent de plus en plus sur les sujets du changement climatique. Mettent davantage en avant les engagements et les initiatives mises en œuvre dans les domaines sociales, sociétales et environnementales. « C’est une évolution positive, note-t-il, mais il ne faudrait pas qu’il y ait une contradiction entre les paroles et les actes. Il ne faudrait pas qu’il y ait un écran de fumée derrière une belle action entreprise, comme celle de planter des arbres », alerte-t-il.

 

Toujours est-il qu’il reste possible d’éviter ratés et failles en matière de communication. Mais comment ? Les entreprises, rétorque-t-il, doivent rechercher de la cohérence et penser à l’ensemble de leurs impacts négatifs. En somme, entreprendre une transformation globale. La Fondation Oïkos les incite à sauter le pas. Pas une mince affaire. « Cela ne se réglera pas, dit-il, en trois minutes. » Pour y parvenir, indique la Fondation Oïkos dans un guide collaboratif de l’impact des acteurs économiques (« WikiImpact »), une entreprise est appelée à se pencher sur près de… 176 points, tant en matière de performance sociale, sociétale ou environnementale. C’est un immense défi, un chantier beaucoup plus vaste qu’on ne l’imagine, précise Rémi Demersseman. Alors il faut sensibiliser, accompagner les entrepreneurs.

 

 

« Les entreprises n’ont plus le choix »

« Car ils ont tout intérêt à changer au vu de l’attente croissante des consommateurs et des salariés. » D’après lui, la pandémie a accéléré le phénomène : « Lors des confinements, beaucoup ont eu l’occasion de se questionner, de réfléchir au sens de leur vie, d’adapter leurs comportements de consommateurs. » Et ces derniers attendent désormais que les employeurs en fassent de même, et prennent un tournant écolo. De nombreux salariés, en quête de sens et de cohérence, démissionnent. Résultat : certains groupes peuvent même « avoir du mal à recruter ». Voilà, « les entreprises n’ont plus le choix », comme il le dit.

Or, pour lui, pas de panique : ce n’est pas si compliqué de sauter le pas, d’engager une grande mutation au sein d’une entreprise. « On propose gratuitement outils et ressources pour les aider. » Elles ont surtout tout intérêt à s’y mettre : « On est persuadés qu’elles peuvent y gagner, en conciliant performance économique et RSE. C’est vraiment bénéfique pour elles. » Pour l’heure, poursuit-il, encore trop peu d’entreprises ont d’ores et déjà réalisé des bilans RSE, à amender régulièrement et visant à proposer davantage de transparence. « La marge de progression est considérable. » Mais il semble optimiste, il y croit : « Je note qu’il y a actuellement de nombreuses offres dans le domaine de la RSE, les entreprises s’équipent actuellement. On est sur le bon chemin… »

Rémi Demersseman incite les entreprises à se lancer dans le grand bain, mais pas à moitié : « Engagez-vous, mais faites-le vraiment, ne faites pas semblant. Communiquez-moins, et engagez-vous plus. »  Les entreprises sont prévenues. Avec Greenwatch, les citoyens y veilleront. ♦

 

* Le FRAC Provence accompagne la rubrique société et vous offre la lecture de cet article *

 

Bonus
  • La Fondation Oïkos. Basée à Toulouse, la Fondation Oïkos cherche à promouvoir, diffuser et expérimenter les bonnes pratiques en matière de RSE et d’entreprises responsables. Elle fait partie de la Cité de la RSE et de l’impact.

 

  • Pour un réveil écologique. En 2018, 30 000 étudiants ont signé le Manifeste Pour Un Réveil écologique. Face au succès, les signataires sont allés plus loin en lançant un collectif du même nom. Il propose des outils pour aider les étudiants à mobiliser leurs établissements scolaires et à trouver des employeurs plus écoresponsables.