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[habiter autrement #3] Un habitat en paille en Bretagne

Par Marie Le Marois, le 29 août 2022

Journaliste

Simon devant son habitat léger @Marcelle

Simon a construit sa maison en 2015 à partir d’un mobil-home désossé. Il l’a isolé avec des bottes de paille, bardé de bois et rendu autonome. Pas de nom pour cette réalisation, si ce n’est ‘’habitat léger’’. Car, pour ce maraîcher en bio, elle est facile à démolir. Et offre une vie légère.

 

À l’origine, Simon souhaitait être architecte. En 2009, son bac en poche, il présente des écoles mais sans succès. Il fait alors un BTS dans le bâtiment pour retenter sa chance. Mais entre-temps, celui qui vit en colocation dans une maison conventionnelle prend conscience de l’urgence de la construction écologique. Car des aberrations, il y en a à la pelle, comme l’eau potable dans les WC. Devenir architecte pour construire des pavillons ne l’intéresse donc plus du tout.

Il souhaite « vivre l’architecture par [lui-même] et les bouquins ». Réaliser un habitat autonome en eau et électricité qui lui épargnera les factures. Car son but n’est pas « de gagner plus d’argent mais d’éviter d’en perdre », sourit ce trentenaire rayonnant.

 

♦ « Habitat léger = petite surface = petit budget = construction à faible énergie grise = minimum d’empreinte », Simon.

 

500 euros le mobil-home

Un habitat en paille en Bretagne 2
Mobilhome désossé. Seule la structure est gardée.

Ses critères sont simples : une construction la moins onéreuse possible et la moins gourmande en énergie. Il envisage de partir de zéro, avec des bottes de paille. Ce matériau écologique est reconnu pour être un isolant parfait contre les températures extrêmes, l’humidité et le bruit. Mais, si les avis sont positifs, certains parlent de problème avec les rongeurs. Simon ne veut pas prendre ce risque.

Le hasard fait bien les choses. En voulant acheter du matériel dans un entrepôt, il aperçoit un mobil-home dans un coin. L’intérêt est que cette structure possède déjà les aménagements type salon, coin cuisine, chambre, douche…. Il l’achète 500 euros.

 

♦ Une maison en paille est construite à partir de bottes de céréales : seigle, orge ou blé. Une fois compressée, la paille est remplie dans les murs et le toit. Elle est un matériau certifié pour les constructions de bâtiments en France.

 

300 bottes de paille

Un habitat en paille en Bretagne
Edification des murs en paille

Ce bosseur rigoureux procède par étape. Il enlève les murs et le toit en tôle puis l’isolation en laine de verre pour ne garder que l’ossature. Et pose, à la place, la paille des champs d’ici – cultivés par son père. « Donc aucun transport ».

Elle est pressée à l’ancienne, ce qui lui permet d’obtenir 300 bottes de bonnes dimensions : « 35 centimètres de hauteur, 45 de largeur et 100 de longueur ».

 

♦ (re)lire : Habiter autrement #2, une yourte dans le Vaucluse

 

Murs en torchis

Un habitat en paille en Bretagne 3
Edification du toit en paille

Il pensait ensuite enduire les murs de torchis mais, avec l’arrivée des gelées, il opte finalement pour un bardage bois. Là encore, il y a des éléments à respecter, comme installer des lames d’air ventilées contre l’humidité. 

Il remplace également les fenêtres par du double vitrage. Et fixe des barres en fer transversales au sol pour que l’ensemble reste solidaire.

Rien n’ai laissé au hasard. Chaque élément est pensé et pesé, quitte à passer des heures sur son chantier. Sinon « le risque est que dans les deux ans, ça pourrisse ».

 

♦ Ce qui aidé Simon : le livre ‘’La Construction en paille » de Luc Floissac (édition Terre Vivante) et l’association Fourmicolos

 

Panneaux photovoltaïques et panneau solaire

cuisinière à bois bouilleur
Cuisinière à bois bouilleur @Marcelle

Ce passionné de la « recherche en autonomie » installe deux panneaux photovoltaïques au pied de son habitat. Ce système lui permet de couvrir sa consommation électrique. Et même de regarder des films projetés sur un vidéo projecteur. « L’idée est de ne pas vivre comme autrefois mais de bénéficier de la science d’aujourd’hui pour avoir plus de confort ». Il projette de changer de frigo pour en choisir un moins consommateur d’énergie. 

Le panneau solaire sur le toit lui permet d’avoir de l’eau chaude l’été. L’hiver, il utilise sa cuisinière à bois bouilleur « qui a au moins 60 ans ». Elle dispose de trois fonctions : cuisson, chauffage de l’eau et de l’air ambiant. Trois stères de bois suffisent pour l’année. Son seul défaut est de refroidir les pièces aussi vite qu’elle les chauffe, « en raison du petit volume ».

Ce tout-en-un est relié à un ballon d’eau chaude. Lui-même raccordé à deux radiateurs, l’un dans la salle de bain, l’autre dans son bureau. Un système complexe que Simon a mis au point avec un ami plombier-soudeur. « Au départ, il disait que ça ne fonctionnerait pas mais moi j’avais vu sur Internet que c’était possible. Ce n’est qu’une histoire de sondes », confie-t-il en tentant (en vain) de nous expliquer ses assemblages.

 

Eau de source

pédo-épuration
Eaux usées filtrées grâce à la pédo-épuration @Marcelle

Pour l’eau, ce Géo Trouvetou de 32 ans utilise celle d’une source voisine. Il lui a juste fallu la relier à une pompe pour l’acheminer dans son habitat. Dans le futur, il aimerait que cette pompe, pour l’instant reliée au réseau électrique – « donc nucléaire » -, soit alimentée par ses panneaux photovoltaïques, « donc autonome ». 

Perfectionniste, il aurait voulu épurer ses eaux souillées – dites aussi ‘’eaux grises’’ dans le jargon-, à l’aide d’une phyto-épuration. « Mais ça me coûtait autant que la maison ». Il opte alors pour la pédo-épuration. Un seau recouvert de paille filtre l’eau, avant de la rejeter via un tuyau à l’arrière de la maison. Un signe significatif : « Les plantes se portent bien ». Bien sûr, la nature digère les eau grises « uniquement si on utilise des produits d’hygiène et ménagères biodégradables ». La paille souillée part au compost.

 

♦ La phyto-épuration utilise le pouvoir dépolluant de certaines plantes. Détails ici . La pédo-épuration, du mot grec ‘’pedon’’ (sol), utilise le sol planté pour traiter les eaux ménagères. référence à une épuration basée sur le sol en tant que milieu biologique vivant. Détails ici.

 

À la portée de tous

Un habitat en paille en Bretagne 1
Habitat en paille terminé

Ce prototype installé du côté de Quimperlé (Finistère) lui a demandé deux ans. Un an de réflexions et de récupération, un an de construction. Il est, selon lui, à la portée de tout bon bricoleur qui « a des bases en électricité, menuiserie, plomberie, résistance des matériaux… et un bon esprit 3D ». Mais le système reste complexe et il avoue en « avoir bavé ». Peut-être a-t-il été trop pointilleux mais il est content « d’avoir été si rigoureux ». Car, sept ans après, son habitat léger est encore debout. Même son système d’eau chaude qui, pourtant, était juste un test au départ, fonctionne toujours. 

Alors, oui, c’est sûr, il est « plus simple d’appuyer sur un bouton pour obtenir les choses ». Ce n’est pas toujours le bonheur quand il rentre harassé par son travail et que manquent des bûches pour se chauffer ou de la sciure de bois pour les toilettes.

Sa satisfaction ? Le fruit de son travail lui permet de s’offrir ce qui l’intéresse et non à rembourser les crédits de sa maison ou à payer des factures. Malgré son salaire faible – environ 1000 euros par mois -, il n’a pas « la corde au cou », ni de craintes pour demain. Enfin, il mène une vie « moins dépendante énergétiquement pour un avenir plus durable ». ♦

 

Nos soutiens 9parraine la rubrique « Environnement » et vous offre la lecture de cet article *

Bonus
  • Quel prix ? Sa maison lui a coûté 5000 euros en tout, « car j’ai utilisé beaucoup de récupération. Sinon plutôt viser 10 000 euros ». Ce qui a coûté le plus cher : toiture, bardage et installation solaire.