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[habiter autrement #5] J’habite dans une maison passive

Par Paola Da Silva, le 27 septembre 2022

Journaliste

La maison passive doit bénéficier d'une isolation thermique renforcée, supprimer tous les ponts thermiques et posséder une étanchéité à l’air parfaite © DR

Et, plus précisément, dans le deuxième programme du plus grand éco-quartier passif de France, celui comportant des maisons individuelles. La Fleuriaye, à Carquefou, dans la métropole de Nantes, se construit en effet peu à peu depuis 2011. Projet d’ambition porté par de multiples acteurs institutionnels, c’est le premier à rassembler, à terme, 600 logements passifs. Et c’est là que j’ai fait construire ma maison passive, en octobre 2020.

 

Le projet est tellement vaste qu’il serait difficile en un seul article d’en faire le tour. J’ai donc choisi de privilégier ici l’expérience de vie qu’est de résider dans une maison individuelle labellisée « Passivhaus », -une maison passive, Cqfd- sur quoi je peux, de fait, témoigner.

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Livrée fin 2020, une maison moderne de 90m2, à ossature bois, comportant une grande pièce de vie, une salle de bain et trois chambres © PDS
Livrée fin 2020, c’est une maison moderne de 90m2, à ossature bois, comportant une grande pièce de vie, une salle de bain et trois chambres. Si ce n’était son bardage extérieur en bois, il serait compliqué de la distinguer d’une maison individuelle classique. Et c’est bien là que réside l’un de ses principaux avantages : cette maison passive est avant tout une maison moderne et confortable, comme n’importe quelle autre maison récemment livrée.

 

Un ensemble de 600 logements passifs 

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L’éco-quartier de la Fleuriaye, à Carquefou, en proche banlieue nantaise © DR
La maison se situe dans l’éco-quartier de la Fleuriaye, à Carquefou, en proche banlieue nantaise. Le projet ambitieux de cet éco-quartier, lancé en 2011 par la ville de Carquefou, Nantes Métropole et Loire-Atlantique Développement, est de construire un total de 600 logements passifs. Du studio à la maison individuelle avec jardin, en accession (classique ou abordable), en location, ou par le biais du logement social. À ces logements s’ajoutent des locaux d’entreprise, une ferme équestre et un Institut Médico Éducatif, également passifs. La première phase du projet a notamment permis de livrer une tranche de 300 appartements dès 2016.

 

Mais c’est quoi, une maison passive ?

Notre hameau fait donc partie de la deuxième phase du projet, et se compose de 34 maisons individuelles. Elles se situent sur des terrains d’une surface d’environ 350m2 pour la majorité, dont les premières ont été livrées en 2019. Ce hameau, est, comme le dit le lotisseur Loire-Atlantique Développement, « une sorte de laboratoire d’habitation ». Avec un peu de recul, c’est en effet l’effet que ça fait de vivre ici, même si, à mon sens, l’expérience est positive. Car il a fallu s’adapter à quelques contraintes pour obtenir le label Passivhaus, que nos maisons devaient atteindre.

Ce label allemand définit la maison passive comme une maison ne se chauffant pas par un moyen nécessitant des éléments consommant de l’énergie. Les bâtiments labélisés Passvihaus utilisent également un système de ventilation, procurant un air pur sans perception de courant d’air. Enfin, la maison passive doit bénéficier d’une isolation thermique renforcée, supprimer tous les ponts thermiques et posséder une étanchéité à l’air parfaite.

Concrètement, toutes nos maisons sont donc extrêmement bien isolées, au niveau thermique et acoustique. Elles sont équipées de panneaux photovoltaïques solaires pour l’électricité et le chauffage, d’une ventilation double flux, de triple vitrage et, pour certaines, d’un chauffe-eau solaire. La dimension et l’emplacement des ouvertures sont également minutieusement calculés.

 

♦ relire notre série #habiter autrement

 

On chauffe à peine, vraiment ?

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Marie : « La maison passive nécessite vraiment de comprendre son fonctionnement et d’adapter ses comportements » © PDS
J’étais personnellement très enthousiaste à l’idée de construire une maison dans ce quartier. Même si cela pouvait prendre la forme d’un pari. Puisqu’aucun quartier en France n’avait auparavant reposé sur un tel cahier des charges, il allait falloir essuyer les plâtres si les promesses n’étaient pas tenues.

Et la première promesse était de ne quasiment pas se chauffer en hiver. Ce qui peut apparaître comme un luxe en ces temps de crise énergétique…

Deux ans plus tard, mon bilan est nuancé. Le commercial nous avait expliqué que la maison ne dépasserait pas les 26° en plein été sans climatisation. Et ne descendrait pas sous les 19° en plein hiver sans chauffage. Pari raté, puisque nous avons atteint les 28° cet été (mais, il faut le dire, sous un soleil écrasant) et descendons largement sous les 19° sans chauffage. Néanmoins, pour être honnête, même en plein hiver, il est rare que nous ayons à chauffer la maison plus de deux heures en tout dans la journée. Ce qui reste très économique.

 

Adapter ses comportements aux contraintes du passif

J’ai donc discuté avec d’autres voisins du sujet, pour savoir quel constat ils faisaient, avec un peu de recul. Guillaume, 44 ans, qui habite dans une grande maison de 140m2 avec sa femme et ses trois enfants, dresse un bilan proche. « Après trois ans passés ici, nous pouvons dire que la maison est très confortable thermiquement. Néanmoins, il faut accepter d’avoir un peu froid l’hiver, notamment s’il n’y a pas du tout de soleil plusieurs jours de suite. Pourtant, même dans ces cas-là, les enfants ne se sont jamais plaints d’avoir froid.»  Une autre voisine m’a assuré ne pas chauffer du tout l’hiver sa grande maison en utilisant un peu son poêle à bois.

Quant aux conditions d’été, elles nécessitent de bien savoir se servir des stores à brise soleil orientable (BSO) que nous avons quasiment tous sur nos baies vitrées. Une installation domotique peut donc s’avérer pertinente. « Il faut jouer avec le soleil quand ça chauffe », me confie une de mes voisines, Marie, 39 ans. « La maison passive nécessite vraiment de comprendre comment fonctionne son habitat, l’exposition des pièces, et d’adapter ses comportements. » Marie sait de quoi elle parle, puisqu’elle et sa famille ont vécu dans un appartement passif du quartier avant d’entrer dans leur maison. Déjà convaincus, ils le sont plus que jamais.

 

Produire plus d’énergie qu’on en consomme ?

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Guillaume : « Nous atteignons une production de 8 000 kWh par an avec les panneaux. Une partie est en autoconsommation, le reste repart sur le réseau » © PDS
Reste le point de la production d’énergie. Nos maisons sont toutes équipées de panneaux photovoltaïques, d’une surface adaptée à celle de la maison. Nous ne produisons donc pas tous le même nombre de KWh/jour. Ma famille et moi avons été mauvais élèves au départ, puisque nous avons d’abord peu modifié nos usages – machine ou téléphones en charge le soir. C’est désormais chose faite !

L’étrange positionnement de nos panneaux sur le toit (parfois masqués par l’ombre de la maison voisine, alors qu’il restait de la place pour les mettre ailleurs…) et nos usages ne nous rendent donc pas excédentaires en énergie. Certains de nos voisins y arrivent cependant. Les autres (y compris nous) payent peu ou pas de facture d’électricité. « Nous produisons jusqu’à 5 000 watts avec les panneaux photovoltaïques, m’explique Guillaume, qui suit de près ses consommations. « Nous atteignons une production de 8 000 kWh par an avec les panneaux. Une partie est en autoconsommation, le reste repart sur le réseau. À la fin de l’année, grâce à la revente et aux primes, nous sommes gagnants ». Pour cela, toutes les machines et vaisselles, rechargements d’appareils… doivent être faits en journée, quand le soleil brille. « Mais ce changement d’usage est un jeu d’enfant. Il suffit de programmer les machines pour qu’elles tournent le matin. »

 

Un choix que l’on referait

Malgré quelques bémols de conception, facilement corrigibles à mon sens avec un suivi parfaitement adapté (constructeur et architecte), nous referions construire une maison labélisée Passivhaus. Car la maison est saine, très confortable, et réellement économique. Pour tous ceux qui seraient tentés par l’aventure, nous conseillerions néanmoins de toujours bien vérifier que le constructeur offre bien cette labélisation. Sous peine que la maison ne soit passive… que sur la plaquette de vente du constructeur. ♦

 

Bonus
  • PassivHaus. Le label allemand, défini il y a 30 ans, fait un retour en force dans les programmes environnementaux des constructions neuves. Il vise la performance énergétique des bâtiments.
    Si les principes de base remontent à l’Antiquité, le concept Passivhaus formalisé tel qu’on le connaît revient au Dr Feist, en 1988. Il a également fondé l’Institut Passivhaus (Passivhaus Institut) à Darmstadt – Allemagne en 1996.

Pour être reconnu Passivhaus, un bâtiment doit répondre à plusieurs exigences :

  • [habiter autrement #5] J’habite dans une maison passivebesoin de chaleur et de rafraîchissement ≤ 15 kWh/m2.an,
  • étanchéité à l’air de l’enveloppe en n50 ≤ 0,6 vol/h,
  • consommation énergétique totale ≤ 120 kWh/m2.an évaluée à un besoin en énergie primaire renouvelable (Ep-R) ≤ 60 kWh/m2.an,
  • confort d’été : la fréquence de surchauffe (température intérieure > 25° Celsius) doit être inférieure à 10 % du nombre d’heures de l’année.

Deux nouvelles catégories, « Passivhaus Plus » & « Passivhaus Premium » viennent d’être créées pour valoriser les bâtiments qui produisent de l’énergie renouvelable.

 

 

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