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Handident, le cabinet nomade et solidaire

Par Paul Molga, le 28 mars 2023

Journaliste

Handident dispose d'un fourgon qui embarque tout le matériel dentaire nécessaire à des soins « délocalisés » @Handident

L’association intervient depuis 2005 pour prodiguer des soins dentaires dans les établissements spécialisés accueillant des personnes handicapées en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Depuis quelques semaines, elle se déplace dans les Ehpad. Reportage.

 

Le vieil homme est un peu désemparé. D’habitude, la petite pièce aux murs mauves où il est allongé sous la roulette de la dentiste tient lieu d’espace de cocooning pour les résidents des Jardins d’Athéna. L’assistante dentaire lui tient les mains avec tendresse en lui glissant à l’oreille des mots rassurants. Sa démence s’apaise. « On est bien sur le bateau », lâche-t-il dans un sourire blagueur. L’intervention est rapide. Un simple détartrage. « C’est parfois beaucoup plus compliqué », reconnaît Audrey Vernier, la première chirurgienne-dentiste salariée à temps plein de de l’association Handident, qui a installé son cabinet éphémère dans cet Ehpad de La Bouilladisse, près de Marseille.

Atteints par la maladie de Parkinson ou séniles, le tiers des patients de cet Ehpad où la moyenne d’âge est de 90 ans, sont de grands dépendants. « Il faut donc de la douceur et de la fermeté pour anticiper des mouvements incontrôlables qui pourraient les blesser. Cela implique de se contorsionner pour travailler dans la position qui leur convient. De calmer leur stress », explique la praticienne qui a établi un diagnostic de 70 résidents, avec l’accord des familles.

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Savoir-faire

C’est la raison d’être d’Handident. Car peu de dentistes libéraux acceptent ces patients agités dont les troubles cognitifs, et parfois les cris, réclament une prise en charge particulière. « Pour les familles, faire réaliser un simple détartrage à leur parent est une expérience souvent anxiogène », constate Jean-Emmanuel Moogin. Il a pris récemment la direction de cette association, après quinze années passées dans un cabinet conseil aux entreprises.

Créée en 2005 à Marseille (lire la génèse en bonus) pour prodiguer des soins auprès de patients handicapés dans les centres spécialisés, Handident a récemment élargi son champ d’intervention aux Ehpad. L’association a acquis pour cela une estafette d’intervention légère pour les auscultations préventives. Puis récemment un fourgon de 12 m3 qui embarque tout le matériel dentaire nécessaire à des soins « délocalisés » : fauteuil, éclairage, kart de soins, module de dispositifs médicaux…

L’Ehpad des Jardins d’Athéna est le premier de la région à ouvrir ses portes à ce cabinet nomade. « Cela fait des années que j’espère un tel dispositif. Avant cela, on bricolait avec des vacations de praticiens de ville. Quand l’état dentaire d’un résident nécessitait une intervention plus lourde, pour soigner une carie par exemple, il nous fallait déployer une logistique infernale », reconnaît sa directrice, Aurélie Catzaras. « C’est un service extraordinaire pour les familles », ajoute-t-elle. Pour cette première, l’association a pris ses quartiers pendant trois semaines dans la salle de cocooning et 20 patients ont reçu des soins dentaires avancés.

 

Couvrir 40% des besoins

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De droite à gauche, Aurélie Catzaras (directrice de l’Ehpad les Jardins d’Athéna), Audrey Vernier (chirurgien-dentiste), Cathy Cassar (assistante dentaire), Jean-Emmanuel Moogin (directeur d’Handident) @DR

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur compte 606 Ehpad. Pour répondre au mieux à leur demande, l’association songe à acquérir quatre autres véhicules d’intervention. Objectif à terme : couvrir les besoins de 40% de la population recensée dans les établissements spécialisés. Soit le double d’aujourd’hui, avec un passage tous les 18 mois à minima dans chacun d’eux. Handident peut d’ores et déjà compter sur le soutien de l’Agence Régionale de Santé, de l’Assurance Maladie, de mutuelles et de collectivités locales, dont le département des Bouches-du-Rhône. Ensemble, ils apportent en effet les 2 millions d’euros de budget annuel nécessaire au fonctionnement de cette association qui mobilise une vingtaine de personnes.

« Nous faisons œuvre d’utilité publique », défend sa présidente Corinne Tardieu, chef du service en odontologie à l’Hôpital de la Timone. Comme d’autres associations régionales, Handident adhère à ce titre au réseau de l’Association française pour la santé bucco-dentaire des personnes en situation de handicap (SOSS). Outre ses véhicules légers, elle dispose d’un bus qui sillonne les routes de la région depuis 2010. Fin 2021, l’association avait ainsi cumulé 40 000 soins dans les établissements spécialisés. « C’est beaucoup, mais la demande est au moins deux fois supérieure si on tient compte du nombre de patients à domicile », précise encore Corinne Tardieu. Un deuxième bus pourrait donc rejoindre la flotte de l’association en 2026. ♦

 

Bonus
  • Génèse. En 1999, l’APF (ex-asso des paralysés de France) Nord-Pas de Calais et le CRO 59/62 (CRCO à l’époque) se sont interrogés sur la problématique des soins bucco-dentaires chez les personnes en situation de handicap. L’association Handident et son réseau régional étaient alors la solution choisie en 2004. Dès le début, les membres de l’association ont cru dans la synergie de la parité entre associations des usagers (et leurs familles) et chirurgiens-dentistes libéraux, hospitaliers et universitaires.