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Haro sur les plastiques

 

Par Hervé Vaudoit, journaliste

[Au fait !] De moins en moins acceptée par les populations, la pollution par les matières plastiques est au cœur d’une bataille scientifique et de communication où il devient de plus en plus difficile de séparer le vrai du faux, l’info de l’intox. Petit point de situation.

 

Haro sur les plastiques 2À l’heure où la campagne 2019 de l’association Expédition MED, qui révéla en 2010 l’importance de la pollution plastique en mer Méditerranée, est en passe de s’achever (1), la question des solutions à ce problème continue plus que jamais d’alimenter le débat. Il faut dire que les sujets de controverse ne manquent pas, entre les différentes lois en préparation – comme celle sur l’économie circulaire et la lutte contre le gaspillage présentée le 10 juillet -, celles déjà adoptées – comme la loi qui interdit les articles en plastique à usage unique à partir du 1er janvier 2021 – et les luttes d’influences et de communication auxquelles se livrent les différents acteurs impliqués dans cette filière. De fait, il est souvent difficile d’y retrouver ses petits et de se faire une opinion, tant les annonces des uns et des autres semblent  contradictoires.

 

Le casse-tête des sacs biodégradables

Haro sur les plastiques 3Un exemple : les plastiques biodégradables, auxquels nous avons consacré un dossier au printemps dernier (lire ou relire). Fin avril, une étude de l’Université de Plymouth (Royaume-Uni) était ainsi rendue publique, expliquant que des sacs plastiques enfouis dans le sol par les scientifiques étaient encore intacts trois ans plus tard, y compris les sacs biodégradables. Fichtre ! On nous aurait donc menti ! Pas tout à fait. En lisant dans le détail les résultats de ce travail scientifique, on se rend compte en effet que les « vrais » sacs biodégradables, pas ceux qui se fragmentent seulement en tout petits morceaux de plastique conventionnel, se dégradaient bel et bien à l’air libre et en mer, mais plutôt mal sous terre. Une conclusion corroborée par une autre série d’études, réalisées par le biologiste Christian Lott, de l’institut allemand Hydra Marine Science, basée sur l’île d’Elbe, et les éco-toxicologues italiennes Sylvia Casini et Maria-Cristine Fossi, de l’université de Sienne, à la demande du groupe italien Novamont, leader dans la production de plastiques biodégradables. Selon leurs différents tests, effectués sous le sable d’une plage, sur le fond de la mer et en pleine eau, les sacs en Mater-Bi, le polymère star de la firme transalpine, se sont effectivement dégradés, d’ailleurs plus vite qu’attendu, et sans générer de produits toxiques pour l’environnement en se dégradant. Présentée en juillet à Rome, cette série d’études démontre qu’il existe bien une alternative aux sacs plastiques conventionnels, qui mettent, eux, des siècles à se dégrader dans l’environnement.

Sauf que ces plastiques-là ne comptent pas que des amis, y compris parmi les défenseurs auto-proclamés de l’environnement, lancés dans une croisade contre toutes les formes de matières plastiques, qu’elles soient ou non biodégradables. Mais elles comptent aussi des supporters au sein des associations environnementalistes, comme l’italienne Marevivo, dont la présidente, Rosalba Guigni, assistait à la restitution des études de biodégradabilité du Mater-Bi dans le milieu marin. Pour cette association, à l’origine de l’opération PlasticFree en Italie, la meilleure façon de combattre ce type de pollution est, bien sûr, d’éviter de produire toujours plus de ces matières, mais puisqu’il est très difficile de s’en passer brutalement, autant utiliser des matériaux biodégradables en attendant de les éradiquer, si tant est qu’on y parvienne un jour.

 

Le lobby des sacs recyclables

Pour cela, il faudra savoir résister à la pression des lobbys du plastique, qui appuient de leur côté en faveur des sacs en plastique conventionnel « réutilisables » et pour leur recyclage. Force est d’ailleurs de constater que leur discours rencontre un certain succès auprès de certaines associations comme la Fondation Ellen Mc Arthur, ou de certains gouvernements qui y voient une façon très simple de faire de l’économie circulaire et de le revendiquer, comme la France avec sa loi anti-gaspillage évoquée plus haut. Problème : le recyclage permet sans aucun doute une meilleure utilisation des ressources, mais ne résout rien sur le front de la pollution, dans la mesure où les plastiques ne sont pas tous recyclables et ceux qui le sont ne le sont pas ad vitam aeternam. Au bout du cycle, on se retrouve donc avec toujours autant de plastiques sur les bras, voire plus puisque la principale différence entre les « réutilisables » et ceux qui ne le sont pas, c’est la quantité de plastique nécessaire à leur fabrication, quatre à cinq fois plus élevée pour les premiers. Une preuve ? Alors qu’elle aurait dû baisser fortement avec l’interdiction des sacs de caisse à usage unique en France, la production de plastique conventionnel a fortement augmenté dès la 1e année (+17%), soulignant l’absurdité de la situation. Sans compter qu’une partie de ces sacs réutilisables, renforcés par du textile et équipés de anses tissées, sont impossibles à recycler.

La pollution plastique en mer et sur terre a malheureusement encore de beaux jours devant elle. ♦

 

  • (1) : Parti de Fiumicino, près de Rome, le 15 juillet dernier, le bateau d’Expédition Med arrive à Marseille le vendredi 9 août, après des escales à Saint-Laurent du Var, Toulon et Port-Saint-Louis du Rhône. Son objectif 2019 était de caractériser les microorganismes qui se fixent sur les plastiques flottant en mer, la « plastisphère » comme l’ont baptisée les scientifiques de l’opération.