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Infirmier en soins palliatifs, il se raconte en BD

Par Nathania Cahen, le 21 décembre 2021

Journaliste

Dans son deuxième album, l’auteur de BD Xavier L’homme étoilé évoque sa vocation d’infirmier en soins palliatifs. Il revient sur des moments et personnages marquants de ce parcours d’étudiant puis de soignant. Dans « Je serai là »*, entre Belgique et Lorraine, ce grand sensible refait un bout de chemin au côté de ses héros du quotidien. Avec une grande tendresse et beaucoup d’humanité.

 

Qui sont les personnages, les héros de ce deuxième opus ?
Un infirmier en soins palliatifs se raconte en BD 1
Xavier, l’homme étoilé @ Bruno Levy

Paulette, Coline, Lucie, Nadiyah, mon grand-père et mon arrière-grand-mère… soit toutes les personnes qui m’ont naturellement mené sur le chemin de la philosophie palliative. Tout a sans doute commencé avec mon arrière-grand-mère Nenenne. L’accompagner a constitué ma première expérience de soins palliatifs. J’avais 11 ans…

 

Que doivent être les soins palliatifs, selon vous ?

C’est une prise en charge qui se concentre autant sur l’aspect physique que moral et social d’une personne. En ayant à cœur de recréer le lien avec la famille – car il arrive que la violence d’une maladie la fasse exploser. Ce peut être accompagner le retour à la maison dans les meilleures conditions possibles pour les malades comme pour les aidants.

C’est une somme de petits détails, souvent loin du médical. Beaucoup ont le sentiment que pour égayer les derniers jours d’une personne, il faut lui proposer quelque chose d’extraordinaire. Or mettre de la vie tient parfois à peu de choses : une parenthèse musicale, un moment drôle ou tendre, un dessert improvisé… Comme des enquêteurs, nous essayons de trouver quelles cordes faire vibrer chez le patient.

Soigner une personne ne se résume pas à administrer des traitements ou à faire sa toilette.    

 

 

Comment côtoie-t-on tous les jours la maladie ou la mort ?

Ce n’est pas toujours facile, mais ce n’est pas sinistre non plus. On confond souvent mort et fin de vie. Dans fin de vie, il y a pourtant le mot vie. Notre mission n’est pas de sauver des patients qui ne peuvent pas l’être. Mais d’essayer par exemple de maîtriser les symptômes les plus inconfortables des pathologies dont souffrent les patients. Se soucier de leur moral, de leur bien-être. C’est une écoute attentive, dont devraient bénéficier les autres étages de l’hôpital. Ce qui est triste, c’est de l’avoir nommé un jour « soins palliatifs ».

Non, accompagner la fin de vie n’a pas résolu ma propre inquiétude. Après douze ans d’expérience, cela reste un phénomène assez froid. Et reste la même question : waouh, un truc est parti, c’est quoi ? Je n’ai toujours pas la réponse donc je reste concentré sur la vie. Sur l’urgence à profiter de la vie, de la célébrer, d’en faire quelque chose.

 

 

Que pensez-vous de l’euthanasie ?

Un infirmier en soins palliatifs se raconte en BD 2La question est complexe, il est malaisé de trancher. Être pour ou contre, c’est arrêter de réfléchir à la question, arrêter de penser que la mort peut être très simple. Lucie, une patiente que j’ai suivie, encore étudiant, dans un service d’hématologie en Belgique. À court d’espoir, elle a demandé l’euthanasie. Deux jours plus tard elle n’était plus là, cela m’a semblé très brutal. Or, la philosophie des soins palliatifs est d’aider à vivre sereinement la fin de vie. L’idée est que, face à l’échec de la médecine, on peut s’engager à être aux côtés, à œuvrer pour plus de confort.

Pour répondre, je ne suis pas fan. On ne peut pas tout demander à l’hôpital : soigner, guérir, accompagner et …tuer. Il faut considérer ce que recouvre la demande d’euthanasie – peur de souffrir, de se dégrader, de devenir un poids pour les autres… Si on rassure, si on explique, souvent la demande disparaît. C’est ce qui est arrivé à Rémi : il pensait que le jour où on lui diagnostiquerait une maladie rare, hop, une piqure et ce serait fini. Si elle avait été suivie en France, Lucie serait partie différemment.

La majorité des patients ignore les droits des malades en fin de vie. La plupart du temps, ils n’ont jamais entendu parler des directives anticipées ou de la sédation prévues par la loi Claeys-Leonetti.

Je crois sincèrement en la médecine palliative, même si elle a encore énormément de chemin à faire en termes de promotion.

 

Qu’est-ce qui est le plus dur dans votre travail ?

Quand certains scénarios vous échappent. Parfois, tu accompagnes un patient et tu ne vois pas surgir sa fin de vie, inattendue, rapide. C’est difficile de prévenir les proches quand ce n’était pas prévu. L’accompagnement du deuil des proches s’accompagne parfois de circonstances pénibles. Mais ce sont des pages qu’il faut tourner vite, car la vie continue dans le service. Il y a des moments violents, puis d’autres tendres, lumineux. C’est cela notre quotidien.

Un infirmier en soins palliatifs se raconte en BD

 

Que faudrait-il encore améliorer dans les services de soins palliatifs ?

Il faudrait plus de souplesse. En Belgique, ils sont tellement plus rock’n’roll et s’encombrent moins de principes. Quand j’ai évoqué les bienfaits d’une baignoire de balnéothérapie on m’a répondu : nid à germes !

La philosophie des soins palliatifs est encore récente en France, les services manquent de lits et de personnel formé – pourtant il existe un diplôme universitaire. ♦

*Je serai là ! Par L’Homme étoilé. Ed Calmann-Lévy. 2021. 16,50 euros

 

  • L’AP-HM, Assistance publique des hôpitaux de Marseille, parraine la rubrique santé et vous offre la lecture de cet article *