Santé
Jeûner pour retrouver sa vitalité : info ou intox ?
Se priver volontairement de nourriture, il faut être masochiste ! Pourtant, à considérer l’essor des stages ‘’jeûne et randonnées’’, nous serions de plus en plus nombreux à adopter cette pratique déjà recommandée… par Hippocrate – dixit l’Inserm. Souvent pratiqué pour des raisons religieuses ou spirituelles, il est également utilisé à des fins thérapeutiques ou de bien-être. Ses détracteurs le considèrent comme une hérésie, voire un danger pour notre organisme. Ses adeptes, un bienfait incontournable qui permettrait une mise au repos du système digestif et l’élimination des déchets encombrant notre organisme. Moi, Marie, 46 ans, en bonne santé, aimant bonne chaire et excès en tout genre (café, vin et cigarette), j’ai testé trois jours de jeûne pour mieux vous en parler.
Depuis plusieurs semaines, mon organisme m’alerte. Épuisée, irascible, gonflée du visage et du ventre, j’ai les amygdales qui grattouillent et le sommeil perturbé. Surtout, je n’ai plus faim. J’ai l’impression que mon système digestif patine, incapable de digérer quoi que ce soit. D’après mes lectures, mon foie ne parviendrait plus à jouer son rôle de détox. Il est en surrégime, bourré de toxines accumulées pendant l’hiver. Selon les principes de la médecine traditionnelle chinoise, l’automne et le printemps sont les saisons les plus adaptées pour détoxiner le foie et libérer notre énergie qui croît, à l’image de la sève, jusqu’à atteindre son apogée en été.
Détox : halte à l’intox

Les jus offrent un shoot de nutriments et se digèrent facilement
Le fait de mettre nos intestins au repos permet à l’organisme de se consacrer à la détox : « il faut savoir que 80% de notre énergie quotidienne est happée par notre digestion », informe la naturopathe. Il a suffi d’un repas de trop et d’un litre de café pour que je me décide à passer à l’acte. Pas question pour autant de donner dans le jeûne total, c’est-à dire sans rien ingérer hormis un jus le matin et un bouillon le soir. Mon truc à moi, c’est le jeûne partiel. Les ayatollahs disent que dans ce cas ce n’est pas un jeûne, mais d’autres considèrent qu’on peut utiliser ce terme si l’apport journalier reste inférieur à 400/500 calories. Je pourrais le pratiquer en monodiète : uniquement des pommes ou du riz par exemple. Mais ma préférence va aux jus de légumes et de fruits. Outre leurs valeurs nutritionnelles, ils ravissent mes papilles et ne me laissent pas complétement sur ma faim. Parmi les réactions de mon entourage (outre le « tu es complétement givrée ! »), j’ai eu : « Mais pourquoi tu ne manges pas tout simplement que des crudités ? » Dépourvues de leurs fibres, les fruits et légumes s’ingèrent plus rapidement et laissent donc vraiment le temps à mon système digestif de se reposer et se délester de ses déchets.
Trois jours minimum

Planifier son agenda
Le plus difficile est de bien choisir son moment. Exit le petit café du matin, les déjeuners avec les copains, l’apéro… Il ne faut avoir aucun repas prévu, au risque de saliver devant un gueuleton sans pouvoir y toucher. Le jeûne implique de s’extraire de son tumulte quotidien et de ses repères. Les repas, surtout dans notre société française, rythment notre vie sociale, comme le démontre si bien l’étude ‘’Sociologie des rythmes alimentaires’’. C’est la raison pour laquelle certains pratiquants préfèrent le suivre au sein de centres dédiés. Dans notre région, La Pensée Sauvage est le plus prisé. Mais il en existe une multitude, La Maison du Jeune, Escale Détox et, la plus récente, Terre d’Eugénia, à Marseille.
Extracteur de jus plutôt que blender

Effets secondaires

Pratiquer une activité physique
Priscilla Pellecuer-Mari estime de son côté qu’il est certes important de se recentrer mais aussi de se mouvoir. « Pendant le jeûne, toutes les toxines sont libérées dans le corps. Il est donc important de les évacuer par toutes les voies dont la sudation : sauna, hammam, marche… Si on ne fait rien, les toxines stagnent dans le corps et l’intoxiquent ». Lors des jeûnes qu’elle anime, après une séance de yoga, les participants font des randonnées de 12 à 14 km chaque matin. Avec un seul jus dans le ventre…
Le deuxième jour, j’ai une pêche de folie. Même pas faim. Je vais nager, j’ai le “power”. Et mon jus betterave-carotte est un délice. Je m’offre même un nectar banane-kiwi-pommeorange. Erreur ! « L’extracteur retient les fibres et sans les fibres, l’index glycémique des fruits augmente considérablement. On peut en mettre mais seulement 20% », prévient Priscilla Pellecuer-Mari tout en m’indiquant que carotte et betterave débarrassées de leurs fibres sont considérées comme des fruits. Mes nuits sont belles, mes journées zen. Je dégonfle, j’ai à nouveau faim et j’arrête de mordre. Mon énergie est débordante et mon esprit léger.
Une reprise alimentaire en douceur est nécessaire

La véritable détox, c’est une vie saine et une alimentation équilibrée.
Mon comportement est typiquement celui que dénonce Priscilla Pellecuer-Mari : « Je vois trop de personnes dont des businessmen, qui viennent à mes jeûnes pour s’alléger et le reste du temps font n’importe quoi ! » Là-dessus, la naturopathe rejoint l’Association Française des Diététiciens Nutritionnistes qui souligne que la véritable détox, c’est une vie saine et une alimentation équilibrée. Avant d’entamer un jeûne continu, elle propose de commencer par mettre de l’ordre dans son alimentation quotidienne puis de suivre un jour de jeûne complet par semaine. Adopté. ♦
Bonus
- Le label ‘’Agréé FFJR Jeûne et Randonnée‘’ est la garantie de centres de jeûne sérieux et de qualité.
- L’étude de l’INSERM sur l’évaluation de l’efficacité de la pratique du jeûne comme pratique à visées préventive ou thérapeutique (janvier 2014).
- Le jeûne total non encadré médicalement est contre indiqué pour les personnes qui ont : un IMC (indice de masse corporelle) trop faible, inférieur à 18,5, l’angoisse du jeûne, des troubles alimentaires, une médication quotidienne lourde, une chimiothérapie, une maladie auto-immune. « En fonction du bilan médical de la personne, je propose plutôt une monodiète de riz ou un régime paléo (céréales, légumineuse, sucre et produits laitiers sont supprimés)», explique Priscilla Pellecuer-Marie
- Jeûner 72 heures régénérerait l’organisme, selon une étude menée par une équipe de l’Université de Californie du Sud
- La tradition du jeûne est très importante dans les trois religions monothéistes (ramadan, carême, Yom Kippour) mais aussi dans des cultes comme celui du Parmalim en Indonésie. La principale idée est de se priver pour convertir son cœur et se détacher de ses préoccupations matérielles.
- Sidonie, 50 ans, et son jeûne thérapeutique : « J’ai toujours souffert de lumbagos que je traitais à coups d’antidouleurs et d’indifférence. Ce corps m’encombrait, je n’y prêtais pas attention. Mais un soir, il a dit stop, je ne pouvais plus marcher, ni m’asseoir plus de cinq minutes. Verdict : double hernie discale. Pendant près de six mois, j’ai été contrainte de rester allongée dans mon canapé, mon corps corseté et soumis aux médicaments. A un moment donné, je prenais deux doses de cortisone, six antidouleurs, un patch la nuit. Je me sentais prisonnière d’un tunnel de souffrance sans fin. Heureusement, le télétravail me permettait de garder le moral. Au printemps, mon état s’est amélioré avec des infiltrations de cortisone et la kiné. Je revis vraiment depuis septembre, depuis que je fais des longueurs de dos crawlé à la piscine. Mais je ne supportais plus les médicaments, j’avais l’impression de m’empoisonner. On m’a parlé des bienfaits du jeûne pour les hernies, je me suis inscrite au centre La Pensée Sauvage, dans le Vercors : une semaine détox ponctuée de randonnées, massages, méditations… Le premier jour, j’ai naturellement voulu prendre le contrôle mais rapidement je me suis laissée guider. Au deuxième, je ne prenais déjà plus de médicaments. Ce fut un voyage intérieur extraordinaire. J’ai réalisé que cela faisait des années que je portais les enfants, le boulot, ma vie. Et, comme par hasard, mes hernies se situaient au niveau des lombaires, la zone qui porte le plus le corps. Le dernier jour, à la rupture du jeûne, je me suis laissé surprendre par un flot de larmes, j’ai compris que j’avais besoin qu’on s’occupe de moi. Aujourd’hui, mon corps est mon compagnon mais c’est moi qui suis devenue sa compagne. Quand une douleur apparaît, je le préserve et m’allonge. Et si je me sens décentrée, je recommence des mini détox ».