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Scrabble, échecs, Puissance 4… en version accessible aux malvoyants

Par Agathe Perrier, le 21 novembre 2022

Journaliste

L'association Daslca détient plus d'une centaine de jeux de sociétés différents, tous adaptés aux déficients visuels ©DR

Avec sa ludothèque ambulante, l’association Daslca se déplace dans tout Marseille pour organiser des sessions jeux de société. Leur particularité ? Ils sont adaptés aux malvoyants, qui ont ainsi la possibilité de jouer avec tout le monde.

 

C’est une collection qui a de quoi faire pâlir le Père Noël. L’association marseillaise Daslca – pour Développement d’Ateliers de Sensibilisation et de Loisirs Culturels Adaptés – détient pas loin de 500 jeux de société et plus de 100 puzzles. En déduisant les multiples exemplaires, cela représente encore une centaine de références différentes. Des jeux pour enfants et/ou adultes, et surtout, accessibles aux déficients visuels. « Je me suis rendu compte, quand j’étais encore petit, qu’il en existait peu dans le commerce. Une fois adulte, j’ai décidé de monter une association pour justement en créer », explique Amann, lui-même malvoyant, président de cette structure qui fêtera ses 10 ans en 2023.

 

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Dans la version adaptée du Scrabble, les pions « lettre » sont en contraste (écriture claire sur fond noir) et en braille © AP

Jusqu’à trois fois plus cher

Dans la ludothèque de Dascla, certains jeux achetés étaient déjà adaptés aux déficients visuels. Le Scrabble par exemple. Ce qui le distingue de la version classique ? La grille du plateau est en relief afin que les lettres ne bougent plus une fois placées. Les cases spéciales – mot ou lettre doublé ou triplé – sont dotées d’un symbole en relief pour les distinguer des autres. Les lettres des pions sont écrites en caractère d’imprimerie et en braille.

« Le gros problème des jeux adaptés est qu’ils sont très chers. Comptez 110 euros pour ce Scrabble contre une trentaine normalement », indique Marie-Claire, vice-présidente de l’association.

Ce prix élevé représente un véritable frein pour de nombreuses familles. Voilà pourquoi, lorsque c’est possible, les bénévoles de Daslca transforment eux-mêmes les jeux. Plutôt facile pour le célèbre Puissance 4 : en partant de l’original, il suffit de modifier les pions d’une des deux couleurs pour les différencier de l’autre. En y apposant un autocollant, en les perçant… l’équipe ne manque pas d’imagination.

 

 

Des bénévoles manuels et débrouillards

Pour certains jeux, la transformation est en revanche tout bonnement infaisable. Il faut alors les recréer de toutes pièces. Exemple avec les petits chevaux : quatre formes de pions doivent être prévues, avec un plateau percé pour y déplacer les pions à chaque tour, et un dé en braille. Autre cas de figure avec le jeu de dominos :le plateau doit être aimanté, les dominos plus grands, avec des chiffres en caractère d’imprimerie, à la fois en relief et en braille. « On imagine les changements de sorte que le jeu reste agréable aussi bien pour les déficients visuels que les valides. On respecte néanmoins leur essence, en gardant notamment les mêmes couleurs que la version classique », souligne Amann.

Les bénévoles fabriquent ensuite les jeux, ce qui nécessite du temps et de la dextérité. « Je pense que les éditeurs devraient travailler à l’accessibilité de leurs jeux avec les associations comme la nôtre », pique Marie-Claire. En attendant, les petites mains s’activent pour remplir et agrandir la ludothèque de Daslca.

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Si certains jeux sont achetés en étant directement adaptés aux déficients visuels (comme Serpents et échelles) d’autres sont créés par les bénévoles de Daslca (ici le jeu des crayons) © AP

 

Jouer ensemble, sans différences

Chaque semaine, l’association organise des sessions jeux à Marseille et aux alentours, ouverts à tous. Tous les mercredis ou presque, le rendez-vous est donné au centre municipal d’animation Méridien, dans le 5e arrondissement (bonus). Seule condition pour participer : être membre. L’adhésion, gratuite pour les enfants, est de 20 euros par adulte. « Il faut obligatoirement s’inscrire au préalable. Cela nous permet de connaître l’âge des participants et d’amener des jeux en fonction », précise la vice-présidente. Car impossible de déplacer la ludothèque complète à chaque fois. Les jeux sont en plus stockés entre les domiciles d’Amann, Marie-Claire et certains membres de leurs familles. « On commence à préparer les sessions une semaine à l’avance tellement ils sont répartis partout ! », plaisante non sans sérieux le président.

L’association est par ailleurs régulièrement appelée par les écoles, centres aérés mais également par les maisons de retraite, associations, centres de formation… Pour des après-midis jeux et/ou de sensibilisation au handicap à travers le jeu. Parcours avec une canne blanche, initiation au braille, jeux les yeux bandés : un bon moyen pour que les personnes valides prennent conscience de la réalité de vivre sans un sens.

 

 

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En plus des sessions jeux, Amann et Marie-Claire, président et vice-présidente de Daslca, souhaitent organiser des tournois © AP

Besoin de bras

Prochain défi pour l’équipe de Dascla : organiser des tournois. « On toucherait encore plus de monde, aussi bien des personnes handicapées que valides », se réjouit Amann. D’autant plus que, depuis les confinements liés à la pandémie de Covid-19, le nombre d’adhérents a baissé. Marie-Claire espère démarrer avec le Scrabble, l’un de ses jeux favoris. « On a suffisamment d’exemplaires pour et c’est facile à mettre en place. Il nous faut par contre des bras », lance-t-elle comme un appel. L’association recherche en effet activement de nouveaux bénévoles. Leurs missions peuvent être multiples : participer aux ateliers, animations et futurs tournois, aider à créer et adapter les jeux, s’occuper des tâches administratives…

Parmi les autres besoins de la structure : les dons, sans grande surprise. Ils lui permettent de fonctionner, en complément des subventions publiques qu’elle touche – de la Ville de Marseille et du Département des Bouches-du-Rhône –et de financer ses projets. Dernier en attente : l’achat d’une voiture. « On pourrait ainsi déplacer notre ludothèque dans toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur », glisse Marie-Claire. L’association compte sur la générosité de tous pour le concrétiser. ♦

 

Bonus

  • Les prochaines sessions jeux – Mercredi 23 novembre de 14h à 16h30 au centre municipal d’animation Méridien (17 boulevard Jeanne d’Arc, 13005 Marseille). Samedi 10 décembre de 14h à 16h30 à la cité des associations (93 La Canebière, 13001 Marseille). Toutes les dates sont à retrouver sur le site internet de l’association Daslca, en cliquant ici. Pour organiser une session dans votre structure, il suffit de contacter l’association.
  • Les éditeurs s’y mettent – Asmodee – à qui l’on doit notamment les célèbres Catan, Les Aventuriers du Rail, Jungle Speed, Time’s Up! – va lancer à la fin de l’année une gamme « Access + ». Trois de ses jeux, Dooble, Cortex et Timeline, seront ainsi disponibles en version adaptée pour les personnes en situation de handicap, notamment celles présentant des troubles cognitifs. Les cartes seront plus grandes et épaisses, plus faciles à manipuler et les règles adaptées. À découvrir ici.