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J’ai testé KéaBot, l’appli qui sauve les cosmétiques de la poubelle

Par Agathe Perrier, le 27 juin 2022

Journaliste

L'appli KéaBot propose à la vente les invendus des pharmacies à prix réduits © Photo d'illustration, Agathe Perrier

Comme les grandes surfaces, les pharmacies font face aux invendus. Si elles en renvoient aux laboratoires, qui bien souvent les détruisent, une partie leur reste sur les bras. Afin d’éviter ce gaspillage, des Toulousains ont créé l’application KéaBot. En quelques clics, les internautes peuvent acheter ces articles puis les récupérer dans les officines. La plateforme s’implante progressivement en France, en commençant par le sud, notamment Marseille.

 

C’est un peu le « Too good to go » version cosmétique et parapharmacie. Vous savez, cette appli qui permet à des commerces de vendre leurs invendus alimentaires à prix réduits, évitant ainsi de les jeter. KéaBot repose sur le même principe. « On met en avant les produits de pharmacie qui se périment bientôt, qui sont en sur-stock ou dont les packagings sont abîmés. Les utilisateurs les achètent en ligne et les récupèrent en click and collect », explique Arnaud Mallinger, co-fondateur et directeur général de cette plateforme lancée en janvier 2022. À la clé, de jolies réductions comprises entre -30% et -50% par rapport au prix initial. Et la satisfaction d’avoir sauvé des griffes de la poubelle un produit encore propre à l’usage.

 

 

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L’application est pour le moment disponible en click & collect à Marseille, Toulouse, Lyon, Bordeaux et Montpellier, mais devrait se déployer dans toute la France.

Simple et facile d’utilisation

L’achat se fait en quelques clics. Pour consulter les produits disponibles, pas besoin d’être inscrit. Il faut juste sélectionner sa ville. « On recense 81 pharmacies partenaires principalement à Toulouse, Marseille et Lyon. Quelques-unes se trouvent aussi à Montpellier et Bordeaux. On a privilégié le bassin sud, étant donné que nous sommes basés en Occitanie, mais notre but est bien de nous développer partout en France », précise l’entrepreneur. KéaBot n’a pas vocation à proposer de livraison, bien qu’elle ait testé cette solution récemment (bonus).

Un système de filtres facilite la recherche. Il est possible de n’afficher que les cosmétiques, les produits pour cheveux ou bébé, les compléments alimentaires… Lorsqu’un article tape dans l’œil de l’utilisateur, il n’a qu’à le glisser dans son panier avant de procéder au paiement. Pour cette étape, la création d’un compte est obligatoire mais prend moins d’une minute. À noter qu’il est possible de régler plusieurs produits vendus dans des pharmacies différentes en une fois. Il faudra par contre se rendre dans chacune d’entre elles pour les récupérer. J’ai en tout cas trouvé la plateforme ergonomique et facile d’utilisation.

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La majorité des ventes se font pour le moment via le site web de KéaBot, l’application étant sortie début juin.

Les utilisateurs manquent encore à l’appel

Environ 500 ventes ont déjà été réalisées sur KéaBot, majoritairement via son site internet. Car l’application est toute récente, fonctionnelle depuis début juin. Elle affiche 350 téléchargements en dix jours, un bon augure aux yeux de son fondateur. Les pharmaciens marseillais font néanmoins un peu la grimace. « J’ai mis un produit en vente sur la plateforme il y a deux mois pour voir ce que ça donne… Et ça ne donne rien ! L’idée est bonne mais l’application manque d’utilisateurs », regrette Bertrand Demagny, responsable de la pharmacie des Martégaux (13e arrondissement). Même constat dans les officines La Marseillaise (2e) et d’Endoume (7e) : aucune vente réalisée.

Ce qu’il manque pour l’instant à KéaBot est finalement d’être mieux connue pour créer cet effet boule de neige : une offre conséquente, exponentielle, qui attire toujours plus de monde. Et inversement. L’équipe, qui compte cinq salariés, espère atteindre les 10 000 utilisateurs d’ici la fin de l’année sur son appli. Et faire entrer dans la boucle 400 nouvelles pharmacies.

Les trois gérants marseillais saluent toutefois le concept. « C’est pertinent pour éviter les pertes et le gaspillage. On le fait d’ailleurs déjà en direct dans la pharmacie, en proposant des remises pour les produits qui périment à moyen terme », expose Alexandra Bean, à la tête de la pharmacie d’Endoume. Et Delphine, son homologue à La Marseillaise d’ajouter : « Être présent sur cette plateforme apporte de la visibilité à la pharmacie. D’autant plus que c’est gratuit : une commission n’est appliquée que si la vente est actée. Ce n’est donc que du positif pour nous ». KéaBot se rémunère en effet sur le prix de vente, selon un pourcentage qui varie en fonction des négociations avec les officines.

 

 

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L’élimination, autrement dit la mise en décharge et l’incinération, des produits non alimentaires invendus est interdite depuis le 1er janvier 2022 © Photo d’illustration, Pixabay

Un marché au potentiel énorme

La législation française pourrait aider KéaBot à gagner en visibilité. Depuis le 1er janvier 2022, conformément à la loi Agec (anti-gaspillage pour une économie circulaire), « l’élimination » des produits alimentaires invendus est interdite. À savoir « la mise en décharge et l’incinération ». Autrement dit le fait de les jeter. Ils peuvent par contre être recyclés.

Les produits d’hygiène sont en tout cas concernés (bonus). « Les décrets devraient tomber d’ici la fin 2022. Cette année sert donc de transition, le temps que les industriels de la parapharmacie trouvent des solutions pour se conformer à la loi. On est justement en lien avec eux car on leur en apporte une, qui valorise leurs produits et permet aux consommateurs d’acheter moins cher », souligne Arnaud Mallinger. À travers cette loi, le gouvernement espère également que les invendus seront fléchés vers des associations de lutte contre la précarité, qui font face à un « déficit chronique en produits d’hygiène de base », notamment de savon ou de dentifrice. La chasse au gaspi en matière de cosmétiques est (enfin) ouverte.

 

Bonus

  • Mais pourquoi « KéaBot » ? Arnaud Mallinger s’explique : « “Kéa” veut dire le “soin” en japonais et “Bot” car c’est un système automatisé ».
  • La livraison en test – Ces dernières semaines, KéaBot a proposé à ses utilisateurs un service de livraison, en parallèle du click & collect. Une solution provisoire pour que les personnes habitant une ville non couverte puissent aussi acheter responsable. Actuellement en stand-by, elle n’est pas vouée à être pérennisée.
  • 4 tonnes de crèmes de beauté jetées chaque jour en France – C’est ce qu’il ressort des calculs réalisés par la marque de cosmétiques Laboté. La raison ? Elle est en fait multiple : le produit acheté s’avère inadapté, l’efficacité n’est pas toujours au rendez-vous, la texture ou le parfum ne conviennent pas, le produit provoque des allergies ou irritations… Face à ce constat, Arnaud Mallinger et son associé, Michaël Lucas,ont d’abord pensé KéaBot comme une application destinée à conseiller les utilisateurs sur les soins existants et correspondants à leur peau. Avant de changer de cap. « Le modèle actuel est plus simple à comprendre et permet une meilleure adhésion », considère le directeur général.
  • Ce que dit la loi anti-gaspillage – Adoptée en février 2020, la loi Agec a pour objectif d’avancer vers la réduction des déchets. Et ce, sous différents prismes : la sortie du plastique jetable, la meilleure information du consommateur, la lutte contre le gaspillage et le réemploi solidaire, la lutte contre l’obsolescence programmée et le « mieux produire ». Plus d’informations en cliquant ici. Le calendrier d’application de la loi s’étalant sur plusieurs années, l’association Zero Waste France fait un point régulier sur les nouvelles mesures. À retrouver ici.