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Une bouffée d’oxygène pour la nature ?

Par Rémi Baldy, le 16 avril 2020

Journaliste

Photo Serge Mercier

La scène est inhabituelle. Peut-être même unique. Devant la Comédie Française, en plein centre de Paris, la petite place d’ordinaire bondée accueille de nouveaux occupants : des canards qui prennent leurs distances avec la Seine. À Marseille, les animaux ne déambulent pas encore dans les rues, hormis les sangliers dans les quartiers sud de la ville, mais font plutôt leur show dans les calanques.

Le Parc national des Calanques profite de cette période de confinement, durant laquelle son accès est interdit au public, pour relayer régulièrement des images de « rencontres » faites par ses agents en mer. Sur son compte Twitter, un post précise que « la fréquence et la densité des observations sont inédites » et s’interroge sur les « effets du confinement ».

Dernièrement, la vidéo de deux rorquals vagabondant dans les calanques a connu un beau succès. « Un indice de plus sur un potentiel effet du confinement sur le comportement de la faune sauvage », lit-on encore dans un tweet descriptif du Parc, assorti d’images incroyables.

Ce qui n’a pas manqué de faire tiquer Guillaume Ruoppolo, photographe sous-marin depuis 26 ans. « Bien sûr, ce n’est pas anodin d’avoir moins de monde en mer, mais en cette période de l’année les crustacés sont toujours là. Avec une mer plate et qui se réchauffe, cela attire les planctons et donc les animaux qui viennent les manger. Le temps est idéal pour l’observation ».

Zacharie Bruyas, du service communication du Parc national des Calanques, explique en effet que les conditions sont idéales : « C’est vrai que voir des dauphins, des rorquals ou des oiseaux marins dans les calanques n’est pas exceptionnel, nous savons que ces espèces sont là. Ce qui frappe, c’est la régularité des observations laissant à penser qu’il y a un effet lié au confinement. Mais c’est vrai qu’actuellement nous pouvons repérer le moindre remous à 360° ». Les images partagées sur les réseaux sociaux permettent surtout « de montrer la biodiversité marseillaise alors que les gens sont particulièrement sensibles à ces sujets ».

En attente d’études scientifiques

Pour autant, certains oiseaux s’installent dans des endroits inhabituels. « Pour statuer scientifiquement sur l’impact ou non du confinement il faut du temps, nous en saurons plus en étudiant la reproduction des oiseaux pour constater si elle augmente ou non », prévient le Parc.

Des études, il faudra aussi en mener sur la faune terrestre pour mesurer l’impact du confinement. C’est en tout cas ce que préconise Thierry Tatoni, directeur de l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE) et chercheur spécialisé dans la dynamique de la végétation et de la biodiversité en fonction des régimes de perturbation : « Il est très délicat pour l’instant de dégager des conclusions sur l’effet du confinement, du moins sur le plan scientifique, car il n’y a pas, à ma connaissance, de véritables résultats scientifiques, juste des observations ou des hypothèses ».

Seule apparition peu reluisante constatée de façon avérée, la recrudescence des dépôts sauvages d’encombrants ou détritus…

 

Moins de pollution liée aux voitures dans l’air mais…

Pour l’instant, les seuls chiffres à disposition concernent la qualité de l’air. La vue de la mer dans laquelle se reflète l’éclat du soleil peut parfois le faire oublier. Mais Marseille fait jeu égal avec Paris en tête du championnat peu envieux des villes les plus polluées de France. Les politiques menées en la matière sont les moins bonnes des douze principales agglomérations selon un rapport de Réseau action climat, Greenpeace France et l’Unicef publié fin 2019.

Et non, le mistral ne balaie pas (suffisamment) les polluants, comme le souhaiterait Jean-Claude Gaudin, l’encore actuel maire de Marseille. En revanche, la baisse de la circulation oui.

Avec le confinement, la chute est même vertigineuse puisque les concentrations d’oxydes d’azote et des traceurs du trafic routier ont baissé de 80% dans la cité phocéenne, selon les chiffres d’Atmosud en charge d’observer la qualité de l’air dans la région. Marseille est la ville où la baisse est la plus importante, le trafic étant habituellement plus dense.

La nature profite (un peu) du confinement

« Il a fallu quelques jours pour que cela se ressente sur nos capteurs éloignés des grands axes routiers, mais la baisse est notable partout », assure Stephan Castel, responsable communication d’Atmosud.

De même, les bateaux qui restent à quai au port maritime continuent de tourner pour fournir de l’électricité aux personnes à bord. « Nous travaillons là-dessus pour avoir des données précises, cela demande des appareils spéciaux et d’être plus proche des navires », assure l’association. Une autre étude en cours d’élaboration vise Fos-sur-Mer et son bassin industriel. « Paradoxalement, le ralentissement de l’activité ne se traduit pas par une grosse baisse de la pollution car les sites ont besoin de continuer de tourner », avance-t-on chez AtmoSud. Ce qui rappelle qu’une baisse notable de la pollution dépend avant tout de politiques susceptibles de l’encourager. ♦