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Plaisance : ce qui a déjà été fait

Par Antoine Dreyfus, le 16 septembre 2021

Journaliste

La plaisance sur côtes de Méditerranée en France représente 3 000 entreprises, 12 000 emplois et un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros @Pixabay

[série #2] La plaisance amorce sa transition énergétique – 400 000 bateaux de plaisance sont recensés entre Collioure et Nice en passant par la Corse. Après l’état des lieux, voici une mise en lumière des actions d’ores entreprises pour tenter de concilier un secteur économique majeur et l’urgence environnementale. La source de cet article est une étude réalisée par le Press Club de France à l’occasion du congrès mondial de la Nature (IUCN, début septembre à Marseille).

 

Plus encore que pour le secteur automobile, la transition écologique s’annonce délicate dans la plaisance. Ici, à la différence de l’automobiliste, le plaisancier ne change pas son bateau pour un neuf « aux dernières normes environnementales » tous les deux ou quatre ans. La moyenne d’âge du « parc » est de 23 ans sur les côtes méditerranéennes françaises. Il s’agit cependant d’un secteur économique majeur pour les trois régions concernées avec 3 000 entreprises, 12 000 emplois et un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros. S’y ajoutent les emplois indirects, dans les travaux publics (par exemple pour construire ou entretenir les ports), la restauration, la formation etc… Autant dire que le politique avance avec des pincettes pour imposer une règlementation plus contraignante face aux lobbies économiques. Face aux 4 millions de plaisanciers représentant autant d’électeurs, également.

Mais les multiples actions entreprises pour moins polluer touchent déjà des domaines variés. Catalogue à la Prévert, non exhaustif !

 

« Ports propres » une certification toujours, pas une obligation !
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Poubelle Port Propre au Lavandou @DR

Cette certification a été créée en 2001 à l’initiative de l’Union des Ports de Plaisance en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Upaca), la région Sud, l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la Dreal (les services déconcentrés de l’État en matière d’environnement) et l’Agence de l’eau. « Ports Propres » vise à encourager toutes les opérations qui concourent à l’amélioration de la qualité environnementale des ports, aussi bien français qu’européens. Toutefois, il ne s’agit pas de la première démarche du genre. La région Languedoc-Roussillon avait lancé sa propre initiative, abandonnée depuis, dans les années 1990. Chaque gestionnaire de port est libre de choisir d’intégrer ou non « Ports Propres », label européen depuis 2011.

 

 

Qualiporti : quand La Rochelle inspire Ajaccio

Le port d’Ajaccio fait partie du programme européen Qualiporti (avec des ports corses, de Sardaigne et de la côte italienne). Son but : comparer et évaluer les bonnes pratiques. En 2019, une délégation s’est rendue à La Rochelle dont le port des Minimes se compose de 4 bassins, 64 appontements, 4500 places.

Des solutions écolos et durables innovantes y sont en place. En particulier une station de lavage écologique (eau désalinisée/haute pression/savon biodégradable) ainsi que cinq stations de pompage en libre-service gratuites (eaux grises/eaux noires/eaux de fonds de cale). Les ports doivent, en effet, gérer tout un tas de contraintes : les boues de dragage, les eaux de carénage, les eaux pluviales, ainsi que le traitement des eaux grises et noires… Mais aussi déchets ménagers, huiles usagées, déchets toxiques, batteries, etc. Le projet Qualiporti d’Ajaccio reprend du reste plusieurs initiatives rochelaises.

 

  • La plaisance amorce sa transition énergétique 1Cette étude a été financée par le groupe Enerlis. Elle a été réalisée durant le premier semestre 2021 par des journalistes d’une trentaine de rédactions nationales et locales, parmi lesquels plusieurs journalistes de Marcelle. Elle a donné lieu à plus de 200 interviews de plaisanciers, professionnels, scientifiques, juristes… Ainsi qu’à des contributions d’experts sous forme de notes.

 

Une gestion durable des dragages : Cap Sédiment à Toulon

Tous les ports sont concernés par l’envasement qui réduit petit à petit la hauteur d’eau compatible avec la navigation. Longtemps rejetés en mer, les sédiments issus des dragages impactent en effet l’environnement marin. Ils sont nocifs, car ils piègent les polluants issus de l’activité des ports et de l’ensemble du bassin versant.

Cap Sédiments, lancé en 2015 à la Seyne-sur-Mer, est un centre de traitement et de valorisation. Implanté sur 3,5 hectares, il peut accueillir jusqu’à 240 000 tonnes de matériaux par an. Un système de traçabilité est appliqué sur tous les matériaux dès leur arrivée. Dépollués, ils connaissent trois voies de sortie possibles : écomatériaux, résidus valorisables dans d’autres centres, ou déchets non valorisables vers les centres de stockage.

 

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Monaco : un condensé d’expérimentations !

La Principauté de Monaco fait doublement figure d’exception. Sur environ 7,5 km de linéaire côtier, près du quart (1,7 km exactement) a le statut de réserve marine. En plein milieu urbain côtier. Plusieurs actions y ont été entreprises depuis 25 ans. À commencer par l’entretien de l’herbier de Posidonie et le repiquage de nouvelles souches dans les zones abîmées. Par la réintroduction de certaines espèces d’invertébrés (notamment langouste, oursin comestible) et de poissons (chapons, corbs) afin de faciliter la repopulation de ces zones protégées. Plusieurs années après leur réintroduction, ces espèces se sont développées et ont essaimé.

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Le port de Monaco @DR

Au-delà des actions entreprises, il y a la surveillance et la sauvegarde permanente des zones protégées par les services de la Police maritime. Cela permet de réaliser des expérimentations scientifiques, sans crainte de dégradation du matériel. D’effectuer également des observations scientifiques sérieuses sur le comportement, la répartition et l’abondance des différentes espèces de poissons.

On doit ces travaux aux membres bénévoles de l’Association Monégasque pour la Protection de la Nature, avec l’aide de plongeurs des associations locales de plongée. En collaboration avec les Universités de Nice-Sophia Antipolis, de Marseille, de Montpellier et de Gênes principalement. Depuis quelques années, l’État assure un suivi permanent.

 

Des récifs artificiels immergeables

Mais l’aménagement le plus important de la réserve reste la construction de récifs artificiels immergeables, servant d’habitat à la faune marine. De 1977 à 1992, 32 « récifs artificiels » sont ainsi apparus dans la réserve sous-marine du Larvotto. Leur intérêt est double : un coût relativement modeste et une rugosité permettant la fixation d’organismes benthiques. D’autres récifs artificiels, les récifs dits Thalamé, à l’allure de carapace de tortue, fournissent une protection particulièrement efficace aux poissons côtiers et excluent leurs prédateurs (congres, murènes). Trois récifs rocheux de 100 tonnes chacun sont également immergés par 30 mètres de fond.

Ces réserves sont de formidables outils pour la recherche et l’éducation. Situées non loin des ports, elles permettent en effet d’avoir une influence sur la gestion des ports de plaisance. Dès lors, ceux-ci doivent se plier à un développement durable et écologique. ♦